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Aventures extraordinaires d'un savant russe: La lune. H. de Graffigny
Читать онлайн.Название Aventures extraordinaires d'un savant russe: La lune
Год выпуска 0
isbn 4064066075507
Автор произведения H. de Graffigny
Жанр Языкознание
Издательство Bookwire
Le trouble de Séléna augmenta; ses joues se colorèrent d'une subite rougeur et ses longs cils soyeux vivement abaissés mirent une ombre sur sa peau mate et pâle.
Puis, comme, son père ouvrait la bouche pour continuer, la jeune fille, dans un geste de gracieuse câlinerie, plaça sa main sur les lèvres du vieillard.
—Moi aussi, mon père, balbutia-t-elle, j'ai quelque chose à vous dire.
Surpris, il la regarda.
—Un secret! toi aussi? dit-il.
De la tête, elle fit signe que oui.
—Ah bah!... et de quoi s'agit-il?
Sans répondre, la jeune fille vint s'asseoir sur les genoux de Mickhaïl Ossipoff, passa son bras autour de son cou, appuya sa tête sur l'épaule du vieillard et murmura tout bas, bien bas, comme honteuse:
—J'aime.
Ce seul mot fit tressaillir le vieillard.
—Tu aimes!... grommela-t-il, tu aimes! Qu'est-ce que cela veut dire?
Alors, très vite, les yeux fixés à terre, la jeune fille répondit:
—Vous savez, mon petit père, que je vais tous les jeudis et tous les dimanches, entendre la messe à Notre-Dame de Kazan... or, il y a deux mois environ, comme je me relevais après m'être agenouillée pour l'élévation, mon pied se prit dans ma robe et je serais tombée assurément si, par le plus grand des hasards, un jeune homme ne s'était trouvé là et ne m'avait soutenue par le bras...
Elle s'arrêta un moment pour reprendre haleine et attendant une parole d'encouragement.
Mais son père gardant le silence, elle continua:
—Depuis ce jour, tous les jeudis et tous les dimanches, je l'ai revu, ce jeune homme, accoudé au même pilier, ne me quittant pas des yeux tout le temps que durait la messe, me regardant avec beaucoup de respect... et aussi avec... comment dirais-je?... enfin, d'une manière qui me gênait et me faisait plaisir en même temps... puis, un jour, à la sortie de Notre-Dame, je l'ai trouvé près du bénitier, me tendant de l'eau bénite... mes doigts ont effleuré les siens et, je ne sais pas pourquoi, tout à coup je me suis mise à trembler... mais tellement que j'ai dû prendre le bras de Maria Pétrowna pour revenir à la maison.
De nouveau elle se tut et jeta à la dérobée un regard sur son père qui continuait à l'écouter en silence, sans que sur son visage immobile parût la moindre marque d'approbation ou de désapprobation.
Enhardie par l'attitude même du vieillard, Séléna poursuivit:
—Quelques jours après, Maria Pétrowna m'a fait remarquer, au moment où nous approchions de la maison, qu'un homme nous suivait depuis la sortie de Notre-Dame de Kazan... sans le voir, je devinai que c'était lui et je ne me retournai pas, tellement j'avais peur de lui montrer mon trouble... cependant, comme Wassili venait d'ouvrir la porte, je n'ai pas pu résister, j'ai incliné la tête, un tout petit peu, et je l'ai vu à quinze pas en arrière, arrêté au coin de la rue, les yeux fixés sur moi... c'était un jeudi, je me le rappelle, et le dimanche suivant, il y avait une sauterie chez Mme Bakounine,—même vous n'aviez pas pu m'accompagner parce qu'il y avait ce soir-là, à l'Observatoire, une grande réunion de savants à propos d'une éclipse de... de... de je ne sais plus quoi,—et voilà qu'en entrant dans le salon de Mme Bakounine, la première personne que j'aperçus... c'était lui, accoudé à une fenêtre, et qui me regardait en souriant...
Séléna s'arrêta, toute tremblante, s'attendant à voir son père bondir; il n'en fut rien; le vieillard ne broncha pas, alors la jeune fille ajouta:
—Quelques instants après, Mme Bakounine me l'a présenté comme un excellent valseur et j'ai dansé avec lui... puis, je suis retournée tous les dimanches soir chez Mme Bakounine et je l'ai toujours retrouvé... de plus en plus aimable... de plus en plus galant... si bien que je n'ai pas été surprise quand il y a huit jours Mme Bakounine m'a dit qu'il m'aimait... qu'il l'avait chargée de me le dire et de savoir s'il pouvait espérer que... alors j'ai embrassé cette bonne Mme Bakounine; elle a compris et il a été convenu qu'elle l'accompagnerait aujourd'hui pour faire sa demande officielle...
Et elle ajouta, après une courte pause:
—Il a un peu de fortune... il est diplomate et il s'appelle Gontran de Flammermont.
A ce nom, le vieillard tressauta et, saisissant les mains de sa fille, il s'écria:
—Flammermont! as-tu dit... tu viens de prononcer le nom de Flammermont?
—Mais oui, mon père, répondit la jeune fille toute saisie, il s'appelle de Flammermont, il m'aime et il devait venir aujourd'hui même vous demander ma main.
Le vieillard se dressa tout d'une pièce et arpenta fébrilement son cabinet.
—Flammermont ici! murmura-t-il en levant les bras au ciel, Flammermont qui t'aime et veut devenir mon gendre!... Ah! je n'espérais pas un bonheur si grand...
Séléna ouvrait de grands yeux.
—Vous le connaissez donc, mon père? balbutia-t-elle toute surprise.
—Comment, si je le connais!... exclama le vieillard... mais qui donc dans le monde des sciences ne connaît Flammermont, ce savant Français dont les découvertes ont fait faire à l'étude de l'astronomie de si étonnants progrès... mais j'ai là, dans ma bibliothèque, tous ses ouvrages, je les ai lus, relus et relus... je les sais par cœur... Ah! c'est un homme bien étonnant... bien étonnant...
La jeune fille regardait son père d'un air épouvanté.
—Mais il confond, murmura-t-elle, sans doute y a-t-il un savant français qui porte ce nom; mais Gontran n'est que diplomate... il ne connaît pas un mot de sciences et encore bien moins d'astronomie.
Et tout de suite la vérité lui apparut; le vieillard n'avait pas écouté une syllabe de toutes les explications qu'elle lui avait données; quelque problème astronomique avait sans doute sollicité son esprit et seul le nom de Flammermont, le dernier mot prononcé par Séléna, avait pu attirer son attention.
Et comme la jeune fille ouvrait la bouche pour tirer son père de l'erreur dans laquelle l'avait fait tomber la distraction dont il était coutumier, la cloche électrique de la porte d'entrée résonna, annonçant un visiteur.
—C'est lui, murmura Séléna toute rose d'émotion.
—C'est lui, répéta radieusement Mickhaïl Ossipoff.
Puis aussitôt jetant un coup d'œil sur ses vêtements tachés, déchirés, brûlés, il ajouta:
—Je ne puis le recevoir décemment comme cela... ma chère enfant, tiens-lui compagnie, le temps que je vais changer de vêtements.
Et, sans attendre la réponse, il souleva une tenture et disparut.
Au même instant Wassili ouvrit la porte et annonça:
—Monsieur le comte Gontran de Flammermont.
Puis s'effaçant, il livra passage à un jeune homme paraissant de vingt-cinq à vingt-six ans, d'une taille élégante, bien moulée dans une redingote de coupe irréprochable, portant haut la tête, le