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est. C'est que la religion est la charité. Or, il n'y a pas de charité dans l'anarchie.

      La magie aussi a eu ses hérésiarques et ses sectaires, ses hommes de prestiges et ses sorciers. Nous aurons à venger la légitimité de la science, des usurpations de l'ignorance, de la folie et de la fraude, et c'est en cela surtout que notre travail pourra être utile et sera entièrement nouveau.

      On n'a jusqu'à présent traité l'histoire de la magie que comme les annales d'un préjugé, ou les chroniques plus ou moins exactes d'une série de phénomènes; personne, en effet, ne croyait plus que la magie fût une science. Une histoire sérieuse de cette science retrouvée doit en indiquer les développements et les progrès; nous marchons donc en plein sanctuaire au lieu de longer des ruines, et nous allons trouver ce sanctuaire enseveli si longtemps sous les cendres de quatre civilisations, plus merveilleusement conservé que ces villes-momies sorties dernièrement des cendres du Vésuve, dans toute leur beauté morte et leur majesté désolée.

      Dans son plus magnifique ouvrage, Bossuet a montré la religion liée partout avec l'histoire: qu'aurait-il dit s'il avait su qu'une science, née pour ainsi dire avec le monde, rend raison à la fois des dogmes primitifs de la religion unique et universelle en les unissant aux théorèmes les plus incontestables des mathématiques et de la raison?

      La magie dogmatique est la clef de tous les secrets non encore approfondis par la philosophie de l'histoire; et la magie pratique ouvre seule à la puissance, toujours limitée mais toujours progressive de la volonté humaine, le temple occulte de la nature.

      Nous n'avons pas la prétention impie d'expliquer par la magie les mystères de la religion; mais nous enseignerons comment la science doit accepter et révérer ces mystères. Nous ne dirons plus que la raison doit s'humilier devant la foi; elle doit au contraire s'honorer d'être croyant; car c'est la foi qui sauve la raison des horreurs du néant sur le bord des abîmes pour la rattacher à l'infini.

      L'orthodoxie en religion est le respect de la hiérarchie, seule gardienne de l'unité. Or, ne craignons pas de le répéter, la magie est essentiellement la science de la hiérarchie. Ce qu'elle proscrit avant tout, qu'on se le rappelle bien, ce sont les doctrines anarchiques; et elle démontre, par les lois mêmes de la nature, que l'harmonie est inséparable du pouvoir et de l'autorité.

      Ce qui fait, pour le plus grand nombre des curieux, l'attrait principal de la magie, c'est qu'ils y voient un moyen extraordinaire de satisfaire leurs passions. Non, disent les avares, le secret d'Hermès pour la transmutation des métaux n'existe pas, autrement nous l'achèterions et nous serions riches!... Pauvres fous, qui croient qu'un pareil secret puisse se vendre! et quel besoin aurait de votre argent celui qui saurait faire de l'or?--C'est vrai, répondra un incrédule, mais toi-même, Éliphas Lévi, si tu possédais ce secret ne serais-tu pas plus riche que nous?--Eh! qui vous dit que je sois pauvre? Vous ai-je demandé quelque chose? Quel est le souverain du monde qui peut se vanter de m'avoir payé un secret de la science? Quel est le millionnaire auquel j'aie jamais donné quelque raison de croire que je voudrais troquer ma fortune contre la sienne? Lorsqu'on voit d'en bas les richesses de la terre on y aspire toujours comme à la souveraine félicité; mais comme on les méprise lorsqu'on plane au-dessus d'elles, et qu'on a peu d'envie de les reprendre lorsqu'on les a laissées tomber comme des fers!

      Oh! s'écriera un jeune homme, si les secrets de la magie étaient vrais, je voudrais les posséder pour être aimé de toutes les femmes.--De toutes, rien que cela. Pauvre enfant, un jour viendra où ce sera trop d'en avoir une. L'amour sensuel est une orgie à deux, où l'ivresse amène vite le dégoût, et alors on se quitte en se jetant les verres à la tête.

      Moi, disait un jour un vieil idiot, je voudrais être magicien pour bouleverser le monde!--Brave homme, si vous étiez magicien vous ne seriez pas imbécile; et alors rien ne vous fournirait, même devant le tribunal de votre conscience, le bénéfice des circonstances atténuantes, si vous deveniez un scélérat.

      Eh bien! dira un épicurien, donnez-moi donc les recettes de la magie, pour jouir toujours et ne souffrir jamais....

      Ici c'est la science elle-même qui va répondre:

      La religion vous a déjà dit: Heureux ceux qui souffrent; mais c'est pour cela même que la religion a perdu votre confiance.

      Elle a dit: Heureux ceux qui pleurent, et c'est pour cela que vous avez ri de ses enseignements.

      Écoutez maintenant ce que disent l'expérience et la raison:

      Les souffrances éprouvent et créent les sentiments généreux; les plaisirs développent et fortifient les instincts lâches.

      Les souffrances rendent fort contre le plaisir, les jouissances rendent faible contre la douleur.

      Le plaisir dissipe;

      La douleur recueille.

      Qui souffre amasse;

      Qui jouit dépense.

      Le plaisir est recueil de l'homme.

      La douleur maternelle est le triomphe de la femme.

      C'est le plaisir qui féconde, mais c'est la douleur qui conçoit et qui enfante.

      Malheur à l'homme qui ne sait pas et qui ne veut pas souffrir! car il sera écrasé de douleurs.

      Ceux qui ne veulent pas marcher, la nature les traîne impitoyablement.

      Nous sommes jetés dans la vie comme en pleine mer: il faut nager ou périr.

      Telles sont les lois de la nature enseignées par la haute magie. Voyez maintenant si l'on peut devenir magicien pour jouir toujours et ne souffrir jamais!

      Mais alors, diront d'un air désappointé les gens du monde, à quoi peut servir la magie?--Que pensez-vous que le prophète Balaam eût pu répondre à son ânesse si elle lui avait demandé à quoi peut servir l'intelligence?

      Que répondrait Hercule à un pygmée qui lui demanderait à quoi peut servir la force?

      Nous ne comparons certes pas les gens du monde à des pygmées, et encore moins à l'ânesse de Balaam; ce serait manquer de politesse et de bon goût. Nous répondrons donc le plus gracieusement possible à ces personnes si brillantes et si aimables, que la magie ne peut leur servir absolument de rien, attendu qu'elles ne s'en occuperont jamais sérieusement.

      Le premier livre est consacré aux origines magiques, c'est la Genèse de la science, et nous lui avons donné pour clef la lettre aleph א, qui exprime kabbalistiquement l'unité principiante et originelle.

      Le second livre contiendra les formules historiques et sociales du verbe magique dans l'antiquité. Sa marque est la lettre beth ב, symbole du binaire, expression du verbe réalisateur, caractère spécial de la gnose et de l'occultisme.

      Le troisième livre sera l'exposé des réalisations de la science antique dans la société chrétienne. Nous y verrons comment, pour la science même, la parole s'est incarnée. Le nombre trois est celui de la génération, de la réalisation, et le livre a pour clef la lettre ghimel ג, hiéroglyphe de la naissance.

      Dans le quatrième livre, nous verrons la force civilisatrice de la magie chez les barbares, et les productions naturelles de cette science parmi

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