Скачать книгу

Mme du Hausset, confidente de ses perpétuels soucis, lui dit avec une commisération sincère:

      «Je vous plains, madame, tandis que tout le monde vous envie.»

      Et la marquise, blasée de faux plaisirs, tourmentée par de vraies souffrances, prononce cette parole si amère:

      «La sorcière a dit que j'aurais le temps de me reconnaître avant de mourir. Je le crois, car je ne périrai que de chagrin.»

      A peine descendue dans la tombe, la pauvre morte est oubliée de tous. La reine elle-même en fait la remarque, lorsqu'elle écrit au président Hénault: «Il n'est non plus question ici de ce qui n'est plus, que si elle n'eût jamais existé. Voilà le monde; c'est bien la peine de l'aimer.»

      Les destinées des héroïnes de Versailles ne sont pas seulement intéressantes au point de vue moral; elles ont, sous le rapport de l'histoire, une importance, pour ainsi dire, symbolique. Certaines de ces femmes résument, en effet, toute une société, personnifient toute une époque. Mme de Montespan, la beauté superbe, la grande dame fière de sa naissance, de son esprit, de ses richesses, de sa magnificence, la femme qui, par ses terribles railleries, se fait craindre autant qu'admirer, à ce point que les courtisans disent ne pas oser passer sous ses fenêtres, parce que c'est passer par les armes; la fastueuse Mme de Montespan, que les anciens auraient représentée en Cybèle portant Versailles sur son front, n'est-elle pas comme une incarnation de cette France altière et triomphante de l'apogée du règne de Louis XIV, de cette France qui ressuscite les pompes du paganisme et enveloppe dans des nuages d'encens le souverain radieux dont elle est idolâtre? Mais l'orgueil de la favorite sera châtié, et, pour elle de même que pour le roi, les humiliations succéderont aux triomphes.

      Les rayons du soleil n'ont plus la même splendeur, l'astre-roi qui décline a perdu l'ardeur de ses feux: Mme de Maintenon apparaît. Avec sa nature et son style tempérés, son respect pour les convenances et pour la règle, sa piété mêlée d'un peu d'ostentation, elle est le symbole vivant de la nouvelle cour.

      Après Louis XIV, la Régence; avec la Régence, le scandale. La duchesse de Berry[1], si fantasque, si capricieuse, si passionnée, n'est-elle pas l'image de cette époque?

      Avec Louis XV, il y a comme une diminution graduelle de prestige et de dignité, dont la duchesse de Châteauroux, la marquise de Pompadour, Mme Dubarry, sont en quelque sorte les symboles vivants. Et cependant, même alors, il y a encore çà et là des moeurs patriarcales, des sentiments vraiment chrétiens, des caractères qui honorent la nature humaine. La reine Marie Leczinska en est la personnification; elle et ses filles conservent à la cour les dernières traditions des convenances. Enfin vient Marie-Antoinette, la femme qui représente, dans la plus saisissante et la plus tragique de toutes les destinées, non seulement la majesté et les douleurs de la monarchie, mais toutes les grâces et toutes les angoisses, toutes les joies et toutes les souffrances de son sexe.

      Trop souvent, en étudiant l'histoire, on y rencontre le scandale; mais on y trouve aussi un enseignement. Ce ne sont pas surtout les femmes vertueuses qui s'écrient: «Vanité, tout est vanité.» Ce sont les coupables qui sortent de leurs tombes et, se frappant la poitrine, font amende honorable devant la postérité.

      [Note 1: Marie-Louise-Élisabeth d'Orléans, fille du Régent, épousa en 1710 le duc de Berry, petit-fils de Louis XIV, et devint veuve dès 1714; elle mourut en 1719, à l'âge de vingt-quatre ans.]

      Ces beautés, qui jettent un éclat passager sur la scène du monde, s'évanouissent comme des ombres; semblables à l'herbe des champs, elles passent du matin au soir, et l'histoire, instruite par leur exemple, devient une sorte de morale en action.

      Le présent volume est consacré aux femmes de la cour de Louis XIV. Si la jeunesse, à laquelle nous dédions cette édition spéciale, y trouve quelque intérêt, il sera suivi de plusieurs autres.

      LA COUR

       DE

       LOUIS XIV

       Table des matières

      I

       Table des matières

      LE CHÂTEAU DE VERSAILLES

      Avant de rappeler le rôle que les femmes de Versailles ont joué, il faut dire quelques mots du théâtre sur lequel leurs destinées se sont accomplies et montrer par quelle transformation miraculeuse un endroit triste et sombre, plein de sables mouvants et de marécages, sans vue, sans eau, sans forêt, fut façonné, pour ainsi dire, à l'image du Grand Roi, et devint une merveille, objet de l'admiration du monde entier. Comme ces grands fleuves qui, à leur source, sont à peine un petit ruisseau, l'existence du palais destiné à tant de splendeur commença dans les proportions les plus modestes.

      C'est en 1624 que Louis XIII fit bâtir à Versailles un rendez-vous de chasse sur une éminence où il y avait auparavant un moulin à vent. En 1627, dans une assemblée de notables tenue aux Tuileries, Bassompierre reprochait au roi de ne pas achever les bâtiments de la couronne, et il disait à ce propos:

      «L'inclination de Sa Majesté n'est point portée à bâtir; les finances de la chambre ne seront point épuisées par ses somptueux édifices, si ce n'est qu'on veuille lui reprocher le chétif château de Versailles, de la construction duquel un simple gentilhomme ne voudrait pas prendre vanité[1].»

      [Note 1: Voir, sur les origines du palais, le curieux et savant ouvrage publié par M. Le Roi sous ce titre: Louis XIII et Versailles.]

      En 1651, huit ans après la mort de son père, Louis XIV, alors dans sa treizième année, vint pour la première fois à Versailles. Il s'attacha dès lors à ce séjour, et quelques années plus tard il le choisit pour y donner des fêtes magnifiques. Au mois de mai 1664, il y fit célébrer les Plaisirs de l'île enchantée, divertissements empruntés au poème de l'Arioste, à l'exécution desquels concoururent Benserade et le président de Périgny pour les récits en vers, Molière et sa troupe pour la comédie, Lulli pour la musique et les ballets, le machiniste italien Vigarani pour les décors, les illuminations et les feux d'artifice.

      Le 7 mai, première journée des fêtes, il y eut une course de bagues en présence des deux reines[1], dans un cirque de verdure élevé à l'entrée de ce qu'on nomme aujourd'hui le tapis vert.

      [Note 1: Anne d'Autriche et Marie-Thérèse.]

      Le jeune Louis XIV, vêtu d'un costume où tous les diamants de la couronne resplendissaient, représentait le paladin Roger dans l'île d'Alcine. Après le tournoi, dont il fut le vainqueur, Flore et Apollon arrivèrent, pour le féliciter, sur des chars que traînaient les nymphes, les satyres, les dryades. Au banquet, le Temps, les Heures, les Saisons, servirent les convives, abrités, sous des bosquets de lilas, de muguets et de roses. Le lendemain, 8 mai, on représenta, sur un théâtre élevé au milieu de la même allée, la Princesse d'Élide, pièce dans laquelle Molière jouait les rôles de Lyciscas et de Moron. Le 9, ballet dans le palais d'Alcide, avec feu d'artifice qui en simulait l'embrasement; le 10, course de têtes dans les fossés du château; le 11, représentation des Fâcheux, de Molière; le 12, loterie où se trouvaient des ameublements, des pièces d'argenterie, des pierres précieuses, et, le soir, le Tartuffe; le 13, le Mariage forcé; le 14, départ du roi et de la cour pour Fontainebleau.

      Versailles n'était pas encore la résidence royale; mais Louis XIV venait de temps en temps y passer quelques jours, parfois quelques semaines, surtout quand il voulait éblouir les yeux et fasciner les imaginations par l'éclat de ces fêtes pompeuses qui ressemblaient à des apothéoses.

      Le 14 septembre 1665, il y eut à Versailles une grande chasse, où la reine, Madame Henriette d'Angleterre, Mlle de Montpensier, Mlle d'Alençon, chassèrent en costume d'amazones; et, au mois de février

Скачать книгу