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La Cour de Louis XIV. Imbert de Saint-Amand
Читать онлайн.Название La Cour de Louis XIV
Год выпуска 0
isbn 4064066074050
Автор произведения Imbert de Saint-Amand
Жанр Документальная литература
Издательство Bookwire
Nous ne commencerons donc cette étude qu'en 1682, année où Louis XIV, quittant Saint-Germain, son séjour habituel, s'établit définitivement dans sa résidence de prédilection.
Pendant plus d'un siècle,--de 1682 à 1789,--combien de curieuses figures apparaîtront sur cette scène radieuse! Que de vicissitudes dans leurs destinées! que de singularités et de contrastes dans leurs caractères! C'est la bonne reine Marie-Thérèse, douce, vertueuse, résignée, se faisant aimer et respecter de tous les honnêtes gens. C'est l'orgueilleuse sultane, la femme à l'esprit étincelant, moqueur, acéré, l'altière, l'omnipotente marquise de Montespan.
C'est la femme dont le caractère est une énigme et la vie un roman, qui a connu tour à tour toutes les extrémités de la mauvaise et de la bonne fortune, et qui, avec plus de rectitude que d'effusion, avec plus de justesse que de grandeur, a eu du moins le mérite de réformer la vie d'un homme dont les passions avaient été divinisées: Mme de Maintenon. C'est la princesse Palatine, la femme de Monsieur, frère du roi, la mère du futur Régent, Allemande enragée, invectivant sa nouvelle patrie, représentant, à côté de l'apothéose, la satire, exhalant dans ses lettres les colères d'un Alceste en jupon, rustique, mais spirituelle, plus impitoyable, plus caustique, plus passionnée que Saint-Simon lui-même; femme étrange, au style brusque, impétueux, au style qui, comme le dit Sainte-Beuve, a de la barbe au menton, et de qui l'on ne sait trop, quand on le traduit de l'allemand en français, s'il tient de Rabelais ou de Luther.
C'est la duchesse de Bourgogne, la sylphide, la sirène, l'enchanteresse du vieux roi; la duchesse de Bourgogne, dont la mort précoce fut le signal de l'agonie d'une cour naguère si éblouissante.
Sous Louis XV, c'est la vertueuse, la sympathique Marie Leczinska, le modèle du devoir, qui joue auprès de Louis XV le même rôle respecté, mais effacé que Marie-Thérèse auprès de Louis XIV. C'est l'intrigante, la femme-ministre, la marquise de Pompadour, vraie magicienne, habituée à tous les enchantements, à toutes les féeries du luxe et de l'élégance, mais qui restera toujours une parvenue faite pour l'Opéra plutôt que pour la cour.
Ce sont les six filles de Louis XV, types de piété filiale et de vertu chrétienne: Madame Infante, si tendre pour son père; Madame Henriette, sa soeur jumelle, morte de chagrin à vingt-quatre ans pour ne s'être pas mariée suivant son coeur; Madame Adélaïde et Madame Victoire, inséparables dans l'adversité comme dans les beaux jours; Madame Sophie, douce et timide; Madame Louise, successivement amazone et carmélite, qui, dans le délire de l'agonie, s'écriait: «Au paradis, vite, vite! au paradis, au grand galop!»
C'est Mme Dubarry, déguisée en comtesse et destinée par l'ironie du sort à ébranler les bases du trône de saint Louis, de Henri IV, de Louis XIV. Puis après le scandale, sous le règne qui est l'heure de l'expiation, c'est Madame Élisabeth, nature angélique et essentiellement française, montrant, au milieu des plus horribles catastrophes, non seulement du courage, mais de la gaieté; c'est la princesse de Lamballe, gracieuse et touchante héroïne de l'amitié; c'est Marie-Antoinette, dont le nom seul est plus pathétique que tous les commentaires.
Dans la carrière de ces femmes, que d'enseignements historiques, et aussi que de leçons de psychologie et de morale! Qui ferait mieux connaître la cour, «ce pays où les joies sont visibles mais fausses, et les chagrins cachés mais réels;» la cour, «qui ne rend pas content et qui empêche qu'on ne le soit ailleurs[1]!»
[Note 1: La Bruyère, De la Cour.]
Les femmes de Versailles ne nous disent-elles pas toutes: «La condition la plus heureuse en apparence a ses amertumes secrètes qui en corrompent toute la félicité. Le trône est le siège des chagrins, comme la dernière place; les palais superbes cachent des soucis cruels, comme le toit du pauvre et du laboureur, et, de peur que notre exil ne nous devienne trop aimable, nous y sentons toujours par mille endroits qu'il manque quelque chose à notre bonheur[1].»
[Note 1: Massillon, Sermon sur les afflictions.]
Un portrait de Mignard représente la duchesse de La Vallière avec ses enfants: Mlle de Blois et le comte de Vermandois. Elle est pensive et tient à la main un chalumeau, à l'extrémité duquel flotte une bulle de savon avec ces mots: Sic transit gloria mundi, «Ainsi passe la gloire du monde.» Ne pourrait-ce pas être la devise de toutes les héroïnes de Versailles?
Combien auraient pu dire comme Mme de Sévigné, riche aussi, honorée, adulée, heureuse en apparence: «Je trouve la mort si terrible, que je hais plus la vie parce qu'elle m'y mène que par les épines dont elle est semée. Vous me direz que je veux donc vivre éternellement? Point du tout; mais si on m'avait demandé mon avis, j'aurais bien mieux aimé mourir entre les bras de ma nourrice; cela m'aurait ôté bien des ennuis, et m'aurait donné le ciel bien sûrement et bien aisément[2].»
[Note 2: Mme de Sévigné, lettre du 16 mars 1672.]
La princesse Palatine, Madame, femme du frère de Louis XIV, écrivait à propos de la mort de la reine d'Espagne: «J'entends et je vois tous les jours tant de vilaines choses, que tout cela me dégoûte de la vie. Vous aviez bien raison de dire que la bonne reine est maintenant plus heureuse que nous, et si quelqu'un voulait me rendre, comme à elle et à sa mère, le service de m'envoyer en vingt-quatre heures de ce monde dans l'autre, je ne lui en saurais certes pas mauvais gré. [1]»
[Note 1: Lettres de la princesse Palatine, 20 mars 1689.]
Mème avant l'heure des grandes humiliations où il faudra descendre l'escalier de marbre de Versailles pour ne plus le remonter, Mme de Montespan cachait dans «son triomphe extérieur un fond de tristesse» [2].
[Note [2]: Mme de Sévigné, lettre du 31 juillet 1675.]
La rivale qui, contre toute attente, devait la supplanter, Mme de Maintenon, écrivait à Mme de La Maisonfort: «Que ne puis-je vous donner mon expérience! que ne puis-je vous faire voir l'ennui qui dévore les grands et la peine qu'ils ont à remplir leurs journées! Ne voyez-vous pas que je meurs de tristesse dans une fortune qu'on aurait eu peine à imaginer? J'ai été jeune et jolie; j'ai goûté les plaisirs; j'ai passé des années dans le commerce de l'esprit; je suis venue à la faveur, et je vous proteste, ma chère fille, que tous les états laissent un vide affreux.»
C'est encore Mme de Maintenon qui disait à son frère, le comte d'Aubigné:
«Je n'y puis plus tenir, je voudrais être morte.»
C'est elle qui, résumant les phases de sa carrière si surprenante, écrivait à Mme de Caylus, deux ans avant de mourir: «On rachète bien les plaisirs et l'enivrement de la jeunesse. Je trouve, en repassant ma vie, que, depuis l'âge de trente-deux ans, qui fut le commencement de ma fortune, je n'ai pas été un moment sans peine, et qu'elles ont toujours augmenté[1].»
[Note 1: Lettres de Mme de Maintenon à Mme de Caylus, 19 avril 1717.]
Les femmes du règne de Louis XV ne fournissent pas moins de sujets aux réflexions philosophiques. Pendant que leur char de triomphe s'avance au milieu d'une foule de flatteurs, leur conscience leur souffle à l'oreille de cruelles paroles. Semblables à des actrices qui ont devant elles un public fantasque et versatile, elles craignent toujours que les applaudissements ne se changent en huées, et c'est avec un fond de terreur que, malgré leur aplomb apparent, elles continuent à jouer leur triste rôle.
Les favorites des rois ne semblent-elles pas se réunir toutes pour s'écrier avec saint Augustin: «O mon Dieu! vous l'avez ordonné, et la chose ne manque jamais d'arriver, que toute âme qui est dans le désordre soit à elle-même son supplice. Si l'on y goûte certains moments de félicité, c'est une ivresse qui ne dure pas. Le ver de la conscience n'est pas mort; il n'est qu'assoupi. La raison aliénée revient bientôt, et avec elle reviennent les troubles amers, les pensées noires et les cruelles inquiétudes[1].»
[Note 1: Massillon, Panégyrique de sainte Madeleine.]
La jeune duchesse de Châteauroux, qui passe du matin