Скачать книгу

      JEAN.

      Je n'en sais rien, monsieur; c'est comme le bon Dieu voudra.

      L'ÉTRANGER.

      Où demeure ton frère Simon?

      JEAN.

      Rue Saint-Honoré, n° 263.

      L'ÉTRANGER.

      C'est bien, je ne l'oublierai pas.... Montre-moi donc ta bourse, que je voie si ton compte y est.»

      Jean la lui présenta sans méfiance.

      «Jean, dit l'étranger, veux-tu me faire un présent?

      JEAN.

      Bien volontiers, monsieur, si j'avais seulement quelque chose à vous offrir.

      L'ÉTRANGER.

      Eh bien, donne-moi ta bourse, je te donnerai une des miennes.

      JEAN.

      Très volontiers, monsieur, si cela vous fait plaisir: elle n'est malheureusement pas très neuve; c'est M. le curé qui l'a donnée à maman pour mon voyage.»

      L'étranger prit la bourse après l'avoir vidée.

      «Attends-moi, dit-il, je vais revenir.»

      Il ne tarda pas à rentrer, tenant une bourse solide en peau grise avec un fermoir d'acier; il reprit la monnaie de Jean, la remit dans un des compartiments de la bourse, mit dans un autre compartiment le papier sur lequel il avait écrit son nom et son adresse, et la donna à Jean, en lui disant tout bas, de peur que Jeannot ne l'entendît:

      «Tu trouveras tes vingt francs dans un compartiment séparé; n'en dis rien à Jeannot, je te le défends.

      JEAN.

      Je vous obéirai, monsieur, pour vous témoigner ma reconnaissance. Mais j'aurais préféré que vous les eussiez gardés pour pauvre maman.

      —Ta maman les aura; soit tranquille.... Chut! ne dis rien.... Adieu, mon petit Jean; bon voyage.»

      L'étranger serra la main de Jean et fit un signe d'adieu à Jeannot; il leur remit encore un petit paquet, et il se sépara d'avec ces deux enfants, dont l'un ne lui plaisait guère, et l'autre lui inspirait un vif intérêt.

      Quand ils furent partis, l'étranger se mit à réfléchir.

      «C'est singulier, dit-il, que cet enfant m'inspire un si vif intérêt; sa physionomie ouverte, intelligente, douce, franche et résolue m'a fait une impression très favorable.... Et puis, j'ai des remords de l'avoir effrayé au premier abord.... Ce pauvre enfant!... avec quelle candeur il m'a offert son petit avoir! Tout ce qu'il possédait!... C'était mal à moi!... Et l'autre me déplaît énormément, je suis fâché qu'ils voyagent ensemble. Je les retrouverai à Paris; j'irai voir le frère Simon; je veux savoir ce qu'il est, celui-là. Et si je le soupçonne mauvais, je ne lui laisserai pas mon petit Jean. Il gardera l'autre s'il veut. J'ai fait un échange de bourse qui profitera à Jean; la sienne est décousue et déchirée partout; c'est égal, je veux la garder; cette aventure me laissera un bon souvenir.»

       Table des matières

       Table des matières

      Jean et Jeannot marchèrent quelque temps sans parler:

      «Dis donc, Jean, dit enfin Jeannot, combien crois-tu qu'il nous faudra de jours pour arriver à Paris?

      JEAN.

      Je n'en sais rien; je n'ai pas pensé à les compter.

      JEANNOT.

      Combien ferons-nous de lieues par jour?

      JEAN.

      Cinq à six, je crois bien.

      JEANNOT.

      Mais cela ne nous dit pas combien il y a de lieues d'ici à Paris.

      JEAN.

      Nous aurions dû demander au monsieur voleur; il nous l'aurait dit.

      JEANNOT.

      Il n'en sait pas plus que nous. Ces gens riches, ça voyage en voiture; ils ne savent seulement pas le chemin qu'ils font.»

      Une carriole attendait tout attelée devant une maison que les enfants allaient dépasser. Un homme sortit de la maison et s'apprêta à monter dans la carriole.

      «Monsieur, dit Jean en courant à lui et en ôtant poliment sa casquette, pouvez-vous nous dire combien nous avons de lieues d'ici à Paris?

      L'HOMME.

      D'ici à Paris! Mais tu ne vas pas à Paris, mon pauvre garçon?

      JEAN.

      Pardon, monsieur; nous y allons, Jeannot et moi, pour rejoindre Simon et pour gagner notre vie; et nous voudrions savoir s'il y a bien loin et combien il nous faudra de jours pour y arriver.

      L'HOMME.

      Miséricorde! Mais vous ne comptez pas y aller à pied?

      JEAN.

      Pardon, monsieur; il le faut bien; nous n'avons pas les moyens d'y aller dans une belle carriole comme vous.

      L'HOMME.

      Mais, petits malheureux, savez-vous qu'il y a d'ici à Paris cent vingt lieues?

      JEAN.

      C'est beaucoup! Mais nous y arriverons tout de même. Bien merci, monsieur! Pardon de vous avoir dérangé.

      L'HOMME.

      Pas de dérangement, mon ami.... Mais, j'y pense, je vais à Vannes; montez dans ma carriole, c'est votre route, et cela vous avancera toujours de quatre lieues, car vous n'êtes guère à plus d'une lieue d'Auray.

      JEAN.

      Bien des remerciements, monsieur; ce n'est pas de refus.

      L'HOMME.

      Alors, montez vite et partons. Je suis pressé.»

      Jean grimpa lestement et fit grimper Jeannot, qui n'avait pas dit une parole. Jean se mit près du maître de la carriole; Jeannot se plaça dans le coin le plus reculé. Le brave homme, qui recueillait les petits voyageurs, fouetta son cheval, et on partit au grand trot. Jean était enchanté; il n'avait jamais roulé si vite. Jeannot semblait effrayé; il se cramponnait aux barres de la carriole. Le conducteur se retourna et regarda attentivement Jeannot.

      L'HOMME.

      Ton camarade est muet, ce me semble?»

      Jean rit de bon coeur.

      JEAN.

      Muet! Pour cela non, monsieur; il a la langue bien déliée. Il ne dit rien, c'est qu'il a peur.

      L'HOMME.

      Peur de qui, de quoi?

      JEAN.

      Je n'en sais rien, monsieur; il a toujours peur. Jeannot, réponds donc à monsieur, qui a la politesse de s'inquiéter de toi.

      JEANNOT.

      Que veux-tu que je dise? Je ne peux pas causer, moi, quand j'ai peur.

      JEAN.

      Là! Quand je disais qu'il a peur.

      L'HOMME.

Скачать книгу