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est dehors, derrière la maison. Va le trouver, mon petit Jean, et vois si tu peux l'emmener.»

      Jean sortit, fit le tour le la maison, ne vit personne, n'entendit plus rien. Il appela:

      «Jeannot!»

      Mais Jeannot ne répondit pas.

      Il rentra une seconde fois chez sa tante.

      LA TANTE.

      Eh bien, l'as-tu décide à te suivre? Il est calmé, car je n'entends plus rien.

      JEAN.

      Je ne l'ai pas vu, ma tante; j'ai regardé de tous côtés, mais je ne l'ai pas trouvé.

      LA TANTE.

      Tiens! où s'est-il donc caché?»

      La tante sortit elle-même, fit le tour de la maison, appela et, comme Jean, ne trouva personne.

      «Se serait-il sauvé, par hasard, pour ne pas t'accompagner demain?»

      Jean frémit un instant à la pensée de devoir faire seul un si long voyage et d'entrer seul dans Paris la grande ville, si grande, avait écrit son frère, qu'il ne pouvait pas en faire le tour dans une seule journée. Mais il se rassura bien vite et résolut de le trouver, quand il devrait chercher toute la nuit.

      Lui et sa tante continuèrent leurs recherches sans plus de succès.

      «Mauvais garçon! murmurait-elle. Détestable enfant!... Si tu pars sans lui, mon petit Jean, et qu'il me revienne après ton départ, je ne le garderai pas, il peut en être sûr.

      JEAN.

      Où le mettriez-vous donc, ma tante?

      LA TANTE.

      Je le donnerais à ta mère.

      JEAN.

      Oh! ma tante! Ma pauvre maman qui ne peut pas me garder, moi, son enfant!

      LA TANTE.

      Eh bien, n'est-elle pas comme moi la tante de ce Jeannot, la soeur de sa mère? Chacun son tour; voilà bientôt trois ans que je l'ai; il m'a assez ennuyée. Au tour de ta mère, elle s'en fera obéir mieux que moi.»

      Pendant que la tante parlait, Jean, qui furetait partout, eut l'idée de regarder dans une vieille niche à chien, et il vit Jeannot blotti tout au fond.

      «Le voilà, le voilà! s'écria Jean. Voyons, Jeannot, viens, puisque te voilà trouvé.»

      Jeannot ne bougeait pas.

      «Attends, je vais l'aider à sortir de sa cachette», dit la tante enchantée de la découverte de Jean.

      Se baissant, elle saisit les jambes de Jeannot et tira jusqu'à ce qu'elle l'eût ramené au grand jour.

      A peine Jeannot fut-il dehors, qu'il recommença ses cris et ses gémissements.

      JEAN.

      Voyons, Jeannot, sois raisonnable! Je pars comme toi; est-ce que je crie, est-ce que je pleure comme toi! Puisqu'il faut partir, à quoi ça sert de pleurer? Que fais-tu de bon ici? rien du tout. Et à Paris, nous allons retrouver Simon, et il nous aura du pain et du fricot. Et il nous trouvera de l'ouvrage pour que nous ne soyons pas des fainéants, des propres à rien. Et ici, qu'est-ce que nous faisons? Nous mangeons la moitié du pain de maman et de ma tante. Tu vois bien! Sois gentil: dis adieu à ma tante, et viens avec moi. Le voisin Grégoire a donné à maman une bonne galette et un pot de cidre pour nous faire un bon souper, et puis Daniel nous a donné un lapin qu'il venait de tuer.»

      Le visage de Jeannot s'anima, ses larmes se tarirent et il s'approcha de son cousin en disant:

      «Je veux bien venir avec toi, moi.»

      La tante profita de cette bonne disposition pour lui donner son petit paquet accroché au bout du bâton de voyage.

      «Va, mon garçon, dit-elle en l'embrassant, que Dieu te conduise et te ramène les poches bien remplies de pièces blanches; tiens, en voilà deux de vingt sous chacune; c'est M. le curé qui me les a données pour toi; c'est pour faire le voyage. Adieu, Jeannot; adieu, petit Jean.

      JEAN.

      Nous serons bien heureux, va! D'abord, nous ferons comme nous voudrons; personne pour nous contrarier.

      JEANNOT.

      Ma tante Hélène ne te contrarie pas trop, toi; mais ma tante Marine! Est-elle contredisante! et exigeante! et méchante! Je suis bien content de ne plus l'entendre gronder et crier après moi.

      JEAN.

      Écoute, Jeannot, tu n'as pas raison de dire que ma tante Marine est méchante! Elle crie après toi un peu trop et trop fort, c'est vrai; mais aussi tu la contrariais bien, et puis, tu ne lui obéissais pas.

      JEANNOT.

      Je crois bien, elle voulait m'envoyer faire des commissions au tomber du jour: j'avais peur!

      JEAN.

      Peur! d'aller à cent pas chercher du pain, ou bien d'aller au bout du jardin chercher du bois!

      JEANNOT.

      Écoute donc! Moi, je n'aime pas à sortir seul à la nuit. C'est plus fort que moi: j'ai peur!

      JEAN.

      Et pourquoi pleurais-tu tout à l'heure, puisque tu es content de t'en aller? Et pourquoi t'étais-tu si bien caché, que c'est pas un pur hasard si je t'ai trouvé?

      JEANNOT.

      Parce que j'ai peur de ce que je ne connais pas, moi; j'ai peur de ce grand Paris.

      JEAN.

      Ah bien! si tu as peur de tout, il n'y a plus de plaisir? Puisque tu dis toi-même que tu étais mal chez ma tante, et que tu es content de t'en aller?

      JEANNOT.

      C'est égal, j'aime mieux être mal au pays et savoir comment et pourquoi je suis mal, que de courir les grandes routes et ne pas savoir où je vais, et avec qui et comment je dois souffrir.

      JEAN.

      Que tu es nigaud, va! Pourquoi penses-tu avoir à souffrir?

      JEANNOT.

      Parce que, quoi qu'on fasse, où qu'on aille, avec qui qu'on vive, on souffre toujours! Je le sais bien, moi.

      JEAN, riant.

      Alors tu es plus savant que moi; j'ai du bon dans ma vie, moi; je suis plus souvent heureux que malheureux, content que mécontent, et je me sens du courage pour la route et pour Paris.

      JEANNOT.

      Je crois bien! tu as une mère, toi! Je n'ai qu'une tante!

      JEAN.

      Raison de plus pour que ce soit moi qui pleure en quittant maman et que ce soit toi qui ries, puisque ta tante ne te tient pas au coeur; mais tu grognes et pleures toujours, toi. Entre les deux, j'aime mieux rire que pleurer.»

      Jeannot ne répondit que par un soupir et une larme, Jean ne dit plus rien. Ils marchèrent en silence et ils arrivèrent à la porte d'Hélène; en l'ouvrant, Jeannot se sentit surmonté par une forte odeur de lapin et de galette.

      HÉLÈNE.

      Te voilà enfin de retour, mon petit Jean! Je m'inquiétais de ne pas te voir revenir. Et voici Jeannot que tu me ramènes. Eh bien! eh bien! quelle figure consternée, mon pauvre Jeannot! Qu'est-ce que tu as? Dis-le-moi.... Voyons, parle; n'aie pas peur.»

      Jeannot baisse la tête et pleure.

      JEAN.

      Il n'a rien du tout, maman, que du chagrin de partir. Et pourtant il disait lui-même tout à l'heure que ça ne le chagrinait pas de quitter ma tante! Alors, pourquoi qu'il pleure?

      HÉLÈNE.

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