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Les rues de Paris, Tome Premier. Bouniol Bathild
Читать онлайн.Название Les rues de Paris, Tome Premier
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Автор произведения Bouniol Bathild
Жанр Биографии и Мемуары
Издательство Public Domain
Malgré ce mauvais vouloir, la commission put remplir sa mission: «ce qu'elle fit avec une conscience qui n'avait d'égale que sa patience et sa fermeté.» Quelques extraits seulement du rapport de Bailly, analysé par Arago, suffiront pour montrer si la susceptibilité des administrateurs était légitime.
«En 1786, on traitait à l'Hôtel-Dieu les infirmités de toute nature… tout était admis, mais aussi tout présentait une inévitable confusion. Un malade arrivant était souvent couché dans le lit et les draps du galeux qui venait de mourir.
»L'emplacement réservé aux fous étant très restreint, deux de ces malheureux couchaient ensemble. Deux fous dans les mêmes draps! L'esprit se révolte en y songeant.
»Dans la salle St-François, exclusivement réservée aux hommes atteints de la petite vérole, il y avait quelquefois, faute de place, jusqu'à six adultes ou huit enfants dans un lit qui n'avait pas 1 mètre 1/2 de large.
»Les femmes atteintes de cette affreuse maladie se trouvaient réunies, dans la salle Ste-Monique, à de simples fébricitantes; celles-ci étaient livrées comme une inévitable proie à la hideuse contagion dans le lieu même où, pleines de confiance, elles avaient espéré recouvrer la santé.
»Les femmes enceintes, les femmes en couche étaient également entassées pêle-mêle sur des grabats étroits et infects.
»… Dans l'état habituel, les lits de l'Hôtel-Dieu, des lits qui n'avaient pas 1 mètre 1/2 de large, contenaient quatre et souvent six malades; ils y étaient placés en sens inverse: les pieds des uns répondaient aux épaules des autres; ils n'avaient chacun pour leur quote-part que 25 centimètres… Aussi se concertaient-ils, tant que leur état le permettait, pour que les uns restassent levés dans la ruelle pendant une partie de la nuit, tandis que les autres dormaient.
»… Tel était l'état normal de l'ancien Hôtel-Dieu. Un mot, un seul mot dira ce qu'était l'état exceptionnel (en temps d'épidémie); alors on plaçait des malades jusque sur les ciels de ces mêmes lits où nous avons trouvé tant de souffrances, tant de légitimes malédictions…»
Combien d'autres détails non moins tristes, par exemple, relatifs à la salle des opérations et sur lesquels nous glissons pour ne pas trop attrister le lecteur.
À qui, d'ailleurs, imputer la longue durée de cette organisation vicieuse, inhumaine? «à la vulgaire toute puissance de la routine, à l'ignorance!» s'écrie Arago s'appuyant des conclusions de Bailly qui dit avec tous les ménagements que la circonstance exigeait:
«L'Hôtel-Dieu existe peut-être depuis le VIIe siècle, et si cet hôpital est le plus imparfait de tous, c'est parce qu'il est le plus ancien. Dès les premiers temps de cet établissement, on a cherché le bien, on a désiré s'y tenir, et la constance a paru un devoir. De là, toute nouveauté utile a de la peine à s'y introduire; toute réforme est difficile; c'est une administration nombreuse qu'il faut convaincre; c'est une masse énorme qu'il faut remuer.»
L'énormité de la masse à remuer ne découragea pas les commissaires de l'Académie. Aussi, grâce à leur énergique persistance, les choses changèrent, nos hôpitaux furent réformés, transformés, et c'est avec toute justice et vérité qu'Arago a pu dire naguère: «Chaque pauvre est aujourd'hui couché seul dans un lit, et il le doit principalement aux efforts habiles, persévérants, courageux de l'Académie des sciences. Il faut que le pauvre le sache et le pauvre ne l'oubliera pas.»
Hélas! il fut trop prompt à l'oublier, au contraire, en ce qui concerne Bailly du moins, dont la triste destinée prouve une fois de plus quel fond il faut faire sur la popularité, avec la terrible mobilité des multitudes, si promptes à subir toutes les influences, et qui, elles aussi, tournent au moindre vent. Bailly en fit la cruelle expérience et combien ne dut-il pas regretter souvent d'avoir cédé, qui sait à quelle tentation fatale d'ambition? au lieu de se contenter de la gloire modeste de savant et de lettré, à l'exemple de son maître l'astronome Lacaille dont on a dit qu'il était le calculateur le plus courageux et l'observateur le plus zélé, le plus actif, le plus assidu qui ait jamais existé, «et avec cela» doux, simple, gai, égal avec ses amis; l'intérêt ni l'ambition ne le tentèrent jamais; il sut se contenter de peu, sa probité faisait son bonheur, les sciences ses plaisirs, et l'amitié ses délassements.»
II
L'impression que Bailly avait reçue de sa visite dans les hôpitaux et la constatation trop facile des énormes abus qui, par le laps du temps, s'y étaient introduits, tout probablement contribuèrent à l'entraîner vers les «opinions nouvelles» comme on disait à la veille de la révolution. Dans l'ordre social aussi, beaucoup d'abus existaient qui appelaient l'œil investigateur et la sollicitude de l'homme d'état s'il s'en fut rencontré alors un digne de ce titre soit dans les conseils de la couronne soit dans l'assemblée réunie d'abord sous le titre d'États généraux. Mais, parmi les honnêtes gens, il ne se trouvait guère que des utopistes ou des hommes à idées fausses, et politiquement peu pratiques comme Bailly, entraînés tout d'abord par un zèle sincère, mais non pas peut-être exempt de vanité et de présomption, à des exagérations dont ils comprirent la portée plus tard, s'ils la comprirent, et qui, par leur téméraire confiance, ne devaient pas tarder à tout compromettre.
Lors de la convocation des États généraux, Bailly, nommé d'abord grand électeur, fut élu député de Paris le 12 mai et le langage qu'il tint à cette occasion d'après ses Mémoires, prouve les sentiments qui l'animaient: «La nation doit se souvenir qu'elle est souveraine et maîtresse de tout ordonner… ce n'est pas quand la raison s'éveille qu'il faut alléguer d'anciens priviléges et des préjugés absurdes… je louerai les électeurs de Paris qui les premiers ont conçu l'idée de faire précéder la Constitution française de la Déclaration des droits de l'Homme.»
C'était faire un peu vite bon marché de toute autorité même la plus légitime et l'on sent trop dans ce langage le bourgeois gonflé de sa soudaine importance qui faisait dire à Bailly avec un étonnement naïf, en entrant, le 21 avril, dans la salle des Feuillants: «Je crus respirer un air nouveau et je regardai comme un phénomène d'être quelque chose dans l'ordre politique par ma seule qualité de citoyen.»
Le 3 juin 1789, Bailly fut nommé doyen ou président des communes. Lors de la séance royale du 23, Louis XVI qui, avec tant de grandes vertus, manquait de la première qualité de l'homme d'État, la décision, termina son discours en disant: «Je vous ordonne, messieurs, de vous séparer tout de suite.»
Les membres des deux premiers ordres pour la plus grande partie, s'inclinant devant cette expression de la volonté royale, se retirèrent pendant que les députés des communes restaient tranquillement à leurs places. Le grand maître des cérémonies l'ayant remarqué, s'approcha de Bailly, et lui dit:
– Vous avez entendu l'ordre du roi, monsieur.
– Je ne puis pas ajourner l'assemblée sans qu'elle ait délibéré, répondit Bailly.
– Est-ce bien là votre réponse et dois-je en faire part au roi?
– Oui, monsieur! répliqua le président, et s'adressant aussitôt aux députés qui l'entouraient: «Il me semble, dit-il, que la Nation assemblée ne doit pas recevoir d'ordre.»
Ce langage ne peut étonner de la part de celui qui, trois jours avant, présidait la fameuse séance dite du Jeu de Paume.
Le surlendemain de la prise de la Bastille, Bailly, venu de Versailles à Paris, comme membre de la députation envoyée pour rétablir l'ordre, fut proclamé d'enthousiasme maire de Paris, en même temps que Lafayette était nommé commandant général de la garde nationale. Bailly, toujours un peu naïf, dit au sujet de cette nomination:
«Je ne sais pas si j'ai pleuré, je ne sais pas ce que j'ai dit; mais je me rappelle que je n'ai jamais été si étonné, si confondu et si au-dessous de moi-même. La surprise ajoutant