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la part des peuples.»

      À la suite d'un nouveau voyage en Italie, lors de la révolte des Génois, le cardinal, âgé de cinquante ans à peine, tomba malade à Lyon où il dut s'arrêter. Il succomba au bout de quelques jours, pleuré du peuple et du roi qui, pendant les années qu'il lui survécut, ne cessa de regretter son conseiller fidèle et son sage ami.

      On a reproché et ce semble avec quelque raison au cardinal d'Amboise d'avoir désiré la tiare, ambition qui lui dicta plusieurs fausses démarches: «Mais, dit un écrivain, comme l'ambition de Louis XII fut toujours subordonnée à l'honneur, celle du cardinal d'Amboise fut toujours excitée par l'espérance de faire plus de bien… On peut croire qu'un homme qui ne se démentit pas un instant dans la plus haute prospérité, s'il souhaitait, comme on l'a dit d'être pape, c'était pour travailler à améliorer les mœurs de la chrétienneté.» (Fiévée).

      Au reste, si le cardinal eut dans cette circonstance à se reprocher quelque faiblesse, il s'en repentit humblement. Il jugeait, avec des yeux complétement dessillés, l'illusion des grandeurs et les vanités de la terre, celui qui, sur ce lit de douleur, d'où il ne devait pas se relever, répétait si volontiers au bon frère qui le soignait:

      «Ah! frère Jean, frère Jean! Que n'ai-je été toute ma vie comme vous frère Jean!»

      Georges d'Amboise, comme Louis XII, avait reçu du peuple le beau surnom de: Père du Peuple!

      JACQUES AMYOT

      «Jacques Amyot dit de lui-même, écrit le savant abbé Le Bœuf, qu'il était né à Melun, le 30 octobre 1513, de parents plus avantagés du côté de la vertu que de celui de la fortune. Il ne déclare point la profession dont était son père, Nicolas Amyot, mais ses commensaux le tenaient pour le fils d'un petit marchand de bonneterie: ce qui s'accorde avec Rouillard, qui dit que ce marchand vendait des bourses et des aiguillettes. Lorsqu'il eut appris les premiers rudiments à Melun, il alla à Paris, où il continua ses études de grammaire, servant de domestique à quelques écoliers d'un collége qu'il n'a jamais nommé. Sa mère, Marguerite d'Amour ou des Amours, avait soin de lui envoyer chaque semaine un pain par les bateliers de Melun. L'avidité d'apprendre le poursuivant jusque dans la nuit, il avait recours à la lumière que pouvaient fournir quelques charbons embrasés, et il s'en servait au lieu de chandelle ou d'huile, tant était grande alors son indigence. Avec ces faibles secours pour les premiers commencements il ne laissa pas d'atteindre les classes supérieures.»

      Tels furent, d'après la Notice écrite avec autant de conscience que de bonhomie par l'abbé Le Bœuf, les débuts de Jacques Amyot, représentés par divers biographes, sous des couleurs trop romanesques. Devenu, en suivant les cours de Jean Evagre Remois, au collége du cardinal Lemoine, un excellent helléniste, ayant étudié pareillement la poésie, l'éloquence, la philosophie, J. Amyot partit pour Bourges, à l'âge de 19 ans, afin d'étudier le droit civil avec un jeune homme qui fut depuis avocat célèbre au Parlement.

      À Bourges, où il prenait la qualité de maître-ès-arts, Amyot se rencontra avec Jacques Colin, lecteur ordinaire du roi et abbé de St-Ambroise, qui, prompt à apprécier son mérite, le choisit pour précepteur de ses neveux et lui fit obtenir en même temps une chaire de professeur des langues latine et grecque, dans l'Université dont la ville à cette époque était fière. Les loisirs assez grands, paraît-il, que lui laissait son double emploi, Amyot les consacrait aux travaux littéraires qui devaient plus tard le rendre célèbre et faire de lui un des personnages importants de l'état. Cependant au temps de sa plus grande prospérité, Amyot n'hésitait pas à dire que les dix ou douze années qu'il avait passées à Bourges, obscur professeur, mais tout entier aux lettres, avaient été le plus heureux temps de sa vie. C'est alors qu'après avoir traduit le roman grec de Théagène et Chariclée, il commença la traduction de Plutarque et quelques vies des hommes illustres furent publiées avec une dédicace à François 1er. D'après Rouillard, au contraire, c'est le roman de Théagène et Chariclée qu'il fit présenter au roi, «lequel l'eut si agréable que l'abbaye de Bellozane étant venue à vaquer par le trépas de Vatable, ou Guestabled, très célèbre professeur du roi en la langue hébraïque, icelui roi la lui donna comme au digne successeur d'un si brave devancier.»

      La version de Rouillard paraît plus vraisemblable encore qu'il semble assez singulier de récompenser par une abbaye la traduction d'un ouvrage qui n'est rien moins qu'édifiant, mais dans les idées du temps, il s'agissait d'un livre grec et l'on ne voyait là, même François 1er, que l'érudition. Si bien encouragé cependant, Amyot s'était mis avec ardeur à la traduction de Plutarque; lorsqu'il la jugea assez avancée, il fit un voyage en Italie pour consulter les manuscrits des plus célèbres bibliothèques et conférer avec les savants illustres que l'Italie comptait en fort grand nombre. Après son retour, le cardinal de Tournon qu'il avait connu à Rome, «ayant appris que le roi souhaitait un précepteur pour ses fils les ducs d'Orléans et d'Anjou, présenta Amyot à Henri II qui lui donna cette charge dont il jouit le reste de son règne et sous celui de François II.» Le loisir, que lui laissaient ses fonctions de précepteur lui permit de terminer la translation en français des Vies des hommes illustres qui parut avec une dédicace à Henri II. La traduction des Œuvres morales de Plutarque ne put être achevée que sous le règne de Charles IX (connu auparavant sous le nom de duc d'Orléans), à qui l'ouvrage fut dédié. Le jeune roi n'avait pas besoin de cette circonstance pour se rappeler son précepteur, car dès le lendemain du jour de son avènement, (6 décembre 1560), il le fit son grand aumônier et le nomma aussi conseiller d'état et conservateur de l'Université de Paris. Il lui donna de plus l'abbaye de Roches au diocèse d'Auxerre et celle de Saint-Corneille, de Compiègne. «Le prince, dit le digne abbé Le Bœuf, l'appelait son maître lorsqu'il voulait lui parler familièrement; mais il lui fit aussi quelquefois des reproches, par exemple sur sa trop grande frugalité, en ce que pouvant faire bonne chère, il se contentait souvent de manger des langues de bœuf.»

      Quelques années après, l'évêché d'Auxerre étant venu à vaquer par la mort du cardinal de la Bourdaisière «Charles IX, qui désirait ardemment l'avancement de son maître, (c'est le nom qu'il lui donnait toujours),» voulut que Jacques Amyot lui succédât. Celui-ci, ayant reçu les bulles de Rome, se fit sacrer et, avec l'assentiment du roi, partit bientôt après pour Auxerre où il arriva au mois de mai 1571.

      Amyot était alors âgé de cinquante-huit ans; il avouait lui-même qu'il n'était ni théologien ni prédicateur, n'ayant presque étudié que des auteurs profanes. Mais il les laissa dès lors pour s'occuper assiduement de la lecture de l'Écriture Sainte et de celle des pères grecs et latins. La Somme de Saint Thomas d'Aquin lui devint si familière qu'il la possédait presque en entier. Il hésita longtemps à monter en chaire «parce qu'il se défiait beaucoup de ses forces et que la faiblesse de sa voix lui inspirait peu de courage», cependant malgré ses craintes, il réussit parfaitement au gré de ses auditeurs «et prêcha dans un style si clair et si châtié et en même temps si enrichi de sentences, que les savants sortaient de la prédication bien plus éclairés qu'ils n'y étaient arrivés et les ignorants n'en revenaient point sans être instruits de leurs devoirs et rendus meilleurs qu'auparavant.»

      L'église d'Auxerre, comme plusieurs autres du diocèse, avait beaucoup souffert des spoliations des huguenots. Le nouvel évêque, comme il s'y était engagé par avance vis-à-vis des chanoines, fit don à la sacristie de la cathédrale de divers ornements dont elle avait le plus grand besoin, manquant même du nécessaire; il n'épargna rien ensuite pour rendre au chœur son ancien lustre; les chaires des chanoines furent refaites à neuf aussi bien que le trône épiscopal. Les grilles qui entouraient le sanctuaire et que les profanateurs avaient arrachées et emportées furent remplacées. Amyot fit don encore à son église d'un nouveau jeu d'orgues qui fut construit par le frère Hilaire, religieux de Notre-Dame-en-l'Ile à Troyes venu exprès pour la confection des tuyaux. Une grande partie du vitrail cassé par les calvinistes, fut aussi réparée aux dépens de l'évêque.

      Ces bienfaits et beaucoup d'autres auraient dû rendre le prélat cher à son clergé comme à ses ouailles; il en fut ainsi les premières années, mais lors de l'explosion des passions populaires, soulevées par les guerres religieuses, tout fut oublié, la calomnie aidant. À Auxerre

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