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Les rues de Paris, Tome Premier. Bouniol Bathild
Читать онлайн.Название Les rues de Paris, Tome Premier
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Автор произведения Bouniol Bathild
Жанр Биографии и Мемуары
Издательство Public Domain
«Il fit, dit Legendre, pour rétablir la discipline parmi les troupes, des ordonnances si sévères et les fit exécuter avec tant de fermeté que, pendant tout son ministère, loin de se plaindre des gens de guerre, les provinces à l'envi demandaient qu'on leur en envoyât pour consommer les denrées qu'ils payaient à prix raisonnable et en argent comptant. Les gens de justice étaient d'autres sangsues qui n'avaient pas moins dévoré la substance du peuple. Les procès ne finissaient point… Le juge, d'intelligence avec le praticien, multipliait la procédure, ce qui ruinait les parties en frais. La prévention ou l'intérêt, et le plus souvent la faveur, décidaient trop souvent dans les affaires; aussi, le nouveau roi (Louis XII), qui était juste et équitable, établit, par l'avis du premier ministre, un tribunal supérieur sous le titre de Grand Conseil où l'homme sans protection, qui aurait peine à avoir justice, devant les tribunaux ordinaires, contre gens d'un trop grand crédit, pût avoir aisément recours et où ses plaintes fussent jugées avec autant de diligence que d'équité3.»
C'était là une excellente institution et qui témoigne, à la gloire de Georges d'Amboise, de son esprit d'équité comme de sa haute prévoyance. Par malheur, quoique répondant à de si légitimes besoins, ayant, si l'on peut s'exprimer ainsi, sa racine dans les entrailles même de la justice, elle ne paraît avoir eu qu'une courte durée, laissant toute grande ouverte la porte aux abus, à l'arbitraire, aux injustices, qui contribuèrent pour une large part à amener et précipiter dans la suite les catastrophes où s'engloutit la monarchie. Ces sages mesures, dont le cardinal avait pris l'initiative, furent complétées par d'autres ordonnances non moins utiles et qui longtemps servirent comme de code national. Pourtant, quoique justes et sages, elles soulevèrent de vives oppositions, particulièrement parmi les écoliers et les régents de l'Université qui se prétendaient lésés dans leurs priviléges. Non contents de déclamer contre le ministre et contre le roi lui-même, par eux attaqués, insultés dans des libelles répandus à profusion, ils se préparaient audacieusement à passer de la parole à l'action, et une sédition eût éclaté sans la prudente fermeté du ministre. L'approche de quelques troupes que conduisait le roi en personne fit réfléchir les mutins. La clémence acheva ce que la peur avait commencé. Le roi, entré dans Paris, se hâta de calmer les craintes, et le cardinal d'Amboise, déclara en son nom que Sa Majesté voulait bien oublier les insolentes étourderies des écoliers, les emportements sans doute irréfléchis des régents, et les injures même que les uns et les autres s'étaient permises contre lui, mais qu'on y prît garde, car une autre fois, il n'y aurait pas de pardon!
– Vive le roi! vive le cardinal! s'écrièrent à l'envi les écoliers et leurs maîtres qui ne laissaient pas d'avoir une grande peur à la vue des lances et des hallebardes, et ne regrettaient pas de se sentir rassurés.
– Vive notre bon roi! vive le cardinal, son glorieux ministre! criaient avec un enthousiasme plus sincère et un entraînement plus réel les bons bourgeois et gens du peuple, grandement reconnaissants au prince comme à son ministre, des mesures relatives aux impôts qui avaient signalé les débuts du règne. Car le roi, faisant remise du don de joyeux avènement, avait de plus voulu que toutes les dépenses du sacre fussent acquittées sur les revenus de ses domaines particuliers. Puis aussitôt après, le ministre diminua d'un dixième les impôts à recouvrer, et continua toujours depuis à les réduire tant qu'ils fussent aux deux tiers de ce qu'ils étaient d'abord. Malgré les charges résultant des guerres et des coûteuses expéditions auxquelles le roi se laissa entraîner, Georges d'Amboise sut, par de sévères économies, compenser le déficit et n'eut jamais besoin de rétablir les impôts supprimés.
On comprend que cette tutélaire administration ait rendu populaire le ministre qui n'était pas moins cher à la France qu'à son roi, heureux toujours de se rappeler que non-seulement d'Amboise, sous le règne précédent, avait partagé sa disgrâce, mais que le frère de celui-ci, le cardinal d'Albi, aumônier de la régente, avait fortement contribué pour sa part à faire mettre en liberté le duc d'Orléans (Louis XII). Aussi le prince, rentré en faveur, s'était empressé de faire nommer Georges d'Amboise à l'archevêché de Rouen, et devenu roi, il le choisit pour son principal ministre et obtint pour lui le chapeau de cardinal.
II
Georges d'Amboise accompagna Louis XII, lors de ses expéditions en Italie, expéditions que tout probablement il désapprouvait, mais dont il eut en vain essayé de détourner le roi, non moins entraîné par sa noblesse que par la passion des aventures et le désir du renom militaire. La conquête du Milanais assurée, le cardinal s'efforça de faire aimer le nouveau gouvernement en introduisant dans le pays des institutions sages, modelées sur celles établies en France. Elles auraient dû suffire à assurer pour jamais la soumission des Italiens, sans la mobilité naturelle à ces peuples qui se montraient dès lors ce qu'on les a vus presque toujours. «Tant que les troupes françaises occupaient l'Italie, ils paraissaient humbles et soumis; mais dès qu'elles avaient tourné le dos, ils secouaient le joug et fomentaient des troubles,» dit un historien du temps.
Le cardinal en eut bientôt la preuve. Après avoir établi à Milan pour gouverneur le maréchal Trivulce (choix malheureux d'ailleurs), il retourna en France. Mais à peine avait-il repassé les monts qu'il apprenait la révolte des Milanais, qui cernaient Trivulce réfugié dans la citadelle. D'Amboise, à la tête d'une armée que commande la Trémouille, redescend en Italie, et les bourgeois de Milan, autant effrayés et humbles qu'ils s'étaient montrés plus présomptueux d'abord, se hâtent d'envoyer à sa rencontre une députation pour faire leur soumission et implorer merci. Le cardinal, qui voulait donner une leçon aux rebelles, passe sans répondre aux envoyés autrement que par un regard sévère, puis il fait son entrée dans la ville au milieu des troupes en armes, formidable cortége! et va se loger à la citadelle. Sur tout son passage, on criait: Grâce! grâce! miséricorde! Mais son visage impassible ne laissait rien deviner de ses sentiments. Seulement, il fit dire aux notables bourgeois que le vendredi suivant, trois jours après, ils eussent à se réunir dans la cour de l'Hôtel de ville pour y entendre leur sentence.
Est-il besoin de dire l'anxiété de tous pendant ces trois jours d'attente où il n'était permis à personne de sortir de la ville, et avec quelles terreurs les pauvres bourgeois se rendirent le vendredi au lieu indiqué? Ils n'eurent pas lieu d'être rassurés en voyant au dehors les troupes fermant toutes les avenues et la cour de l'Hôtel de ville elle-même garnie de soldats à l'air menaçant, tandis que, sur une sorte de haut tribunal, apparaissait le cardinal, assis et entouré de tous les officiers de la justice civile et militaire. Terrifiés, à cette vue, ils tombent à genoux tendant les mains à la façon des suppliants.
Le cardinal, naturellement doux et humain et qui avait peine à contenir son émotion, leur ordonna de se relever et d'une voix qu'il s'efforçait de rendre sévère, leur reprocha leur rébellion, menaçant des plus terribles châtiments en cas de récidive, mais pour cette fois il annonça que tout était pardonné. On imagine la joie de ceux qui l'écoutaient et dont témoignaient les cris et les vivats des plus bruyants s'ils n'étaient pas fort sincères.
– Vive la France! vive le roi, le grand roi! le bon roi! Vive le très-illustre cardinal, le meilleur des ministres, auquel nous devons nos biens et nos vies! etc.
Georges d'Amboise, étourdi de ces acclamations qu'il estimait à leur valeur, fut reconduit par la foule dans son palais au bruit des vivats et sous une pluie de fleurs.
La paix rétablie dans le Milanais, dont il avait changé le gouverneur, le cardinal revint en France où, dans l'année 1504, une famine et une épidémie, qu'on eut à déplorer en même temps, lui donnèrent l'occasion de montrer une fois de plus sa prudence comme sa charité. Ainsi qu'autrefois, le ministre du Pharaon d'Égypte, il prit si bien ses mesures qu'encore que le blé eût manqué en France, le peuple n'eut que peu à souffrir de la disette. Quant à l'épidémie, que les historiens
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Histoire du cardinal d'Amboise.