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Les rues de Paris, Tome Premier. Bouniol Bathild
Читать онлайн.Название Les rues de Paris, Tome Premier
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isbn
Автор произведения Bouniol Bathild
Жанр Биографии и Мемуары
Издательство Public Domain
«Eh bien! donnez-moi vous-même un thème, celui que vous voudrez.
– Soit, reprit Mozart, ajoutant en à-parté: je vais bien t'attraper.
Et au bout de quelques instants, il remettait à Beethoven un sujet de fugue hérissé de difficultés et qui pour un débutant offrait plus d'un piége. Mais le jeune artiste sut les deviner, et ce thème presque impossible il le développa avec tant de force, de verve, de génie, que Mozart, confondu, se leva doucement, et se glissant sur la pointe du pied dans la pièce voisine, dit à des amis qui s'y trouvaient:
«Faites attention à ce jeune homme, vous en entendrez parler quelque jour.»
Après la mort de son père, (1792) Beethoven quitta la ville de Bonn, qui lui offrait trop peu de ressources, et se rendit de nouveau à Vienne, mais avec la pensée, cette fois, de s'y fixer. Il n'y retrouva plus Mozart, mais la Providence lui ménageait un protecteur plus puissant et non moins zélé dans la personne du prince Lichnowsky, «un de ces nobles seigneurs, dit Fétis11, comme on en rencontrait alors en Autriche et dont la générosité ne connaissait pas de bornes pour l'encouragement des hommes de talent.» Passionné pour la musique, il accueillit Beethoven avec une bonté parfaite, lui assura une pension de 600 florins et voulut qu'il demeurât dans son hôtel. La princesse partageait les goûts de son mari et ne témoigna pas moins de bienveillance à l'artiste, profondément reconnaissant, mais qui, de l'aveu de son ami Schindler, ne savait point assez maîtriser les inégalités de son caractère et les brusqueries de son humeur: «Personne n'était moins aimable que lui dans sa jeunesse,» et la princesse, qui savait faire la part de la faiblesse humaine, eut plus d'une fois à l'excuser auprès de son mari, moins porté à l'indulgence pour ces fugues de l'artiste.
Beethoven, apprécié alors surtout comme exécutant et improvisateur, successivement fit connaître et jouer plusieurs grandes compositions, entre autres la Symphonie en ut majeur, la Symphonie en ré, et le grand Septuor, qui étendirent sa réputation au loin. Ces divers ouvrages, composés dans un intervalle de 10 ans, de 1790 à 1800, appartiennent à sa première manière, moins personnelle, et dans laquelle, malgré le mérite incontestable, se trahit l'influence d'Haydn et de Mozart pour lesquels, à cette époque, l'artiste professait une admiration enthousiaste.
Beethoven, sans nul souci de la vie matérielle, et sûr du lendemain, jouissait paisiblement de ses succès, en rêvant des œuvres nouvelles, d'un caractère plus original et plus puissant, lorsque tous-à-coup, hélas! il vit se couvrir des plus sombres nuages cet horizon que l'espérance peignait de si riantes couleurs et déroulait avec d'immenses et ravissantes perspectives. Faibles et ignorants que nous sommes! Qui de nous n'est porté à envier, comme des mortels fortunés entre tous, les privilégiés du génie et de la gloire, en oubliant trop facilement que, par une loi mystérieuse, qui tient à un dessein profond de la Providence, ils sont presque toujours aussi les prédestinés du malheur. La couronne de lauriers sur leur front s'entrelace à la couronne d'épines. Cette organisation supérieure, mais d'autant plus délicate qui les tire hors de pair, les rend aussi plus vulnérables à la douleur; ils ressemblent à ces pics élevés dont le sommet tout d'abord attire la foudre. Et puis, comme l'a dit admirablement un poète contemporain, malheureux lui surtout par sa faute, la souffrance, qui fait vibrer en eux les cordes intimes, est d'ordinaire la source la plus féconde d'inspiration:
Rien ne nous rend si grand qu'une grande douleur.
Mais, pour en être atteint, ne crois pas, ô poète,
Que ta voix ici-bas doive rester muette.
Les plus désespérés font les chants les plus beaux,
Et j'en sais d'immortels qui sont de purs sanglots.
......
Quand ils parlent ainsi d'espérances trompées,
De tristesse et d'oubli, d'amour et de malheur,
Ce n'est pas un concert à dilater le cœur.
Leurs déclamations sont comme des épées;
Elles tracent dans l'air un cercle éblouissant;
Mais il y pend toujours une goutte de sang12.
Son protecteur le plus généreux étant venu à mourir, (1801) Beethoven perdit sa pension alors que la guerre qui troublait l'Allemagne diminuait beaucoup ses autres ressources. Il habitait alors avec ses deux frères, chargés de tous les détails de la vie commune, afin que l'artiste ne fût en rien distrait de son travail; mais tout probablement sa bourse supportait seule la dépense. Aussi la gêne, dont il a souffert par malheur presque toute sa vie, ne devait pas être moindre à cette époque que plus tard, quand en envoyant à Ries une sonate pour la vendre à Londres, il écrivait: «Cette sonate a été écrite dans des circonstances bien pénibles; car il est triste d'être obligé d'écrire pour avoir du pain. C'est là où j'en suis maintenant.»
Dans une autre lettre d'une date plus récente, il dit encore: «Si je n'étais pas si pauvre et obligé de vivre de ma plume, je n'exigerais rien de la Société Philharmonique; mais dans la position où je me trouve, il faut que j'attende le prix de ma symphonie.»
La situation toujours précaire de Beethoven ne lui permit pas de se marier ainsi qu'il résulte d'une lettre écrite à son ami Wegeler en 1801: «Mon infirmité me poursuit partout comme un spectre; fuyant les hommes, je devais paraître misanthrope, ce que pourtant je suis peu. Ce changement a été produit par une aimable et charmante fille (Mlle Julie de Guicciardi) qui m'aime et que j'aime aussi. Voilà depuis deux ans quelques moments de bonheur et c'est la première fois que je sens que le mariage pourrait me rendre heureux. Mais, hélas! elle est au-dessus de mon rang; de plus il m'est impossible dans ce moment de songer à me marier, il faut que je travaille à me faire un sort.» Le mariage donc ne se fit point et l'artiste eut le chagrin de voir celle qu'il aimait en épouser un autre, le comte de Gallenberg.
Ce ne fut pas encore là pourtant sa plus grande douleur: elle lui vint de l'infirmité, cruelle surtout pour un musicien, dont il avait ressenti les premières atteintes dès l'année 1798, et qui fit des progrès trop rapides. Car, par une lettre de Beethoven à Wegeler, sous la date du 29 juin 1800, on voit que sa surdité avait pris un caractère grave. Cependant le pauvre artiste, qui en éprouvait une sorte d'humiliation, s'efforçait de dissimuler son infirmité, favorisé en cela par la connivence inconsciente de ses amis attribuant à sa distraction habituelle ce défaut d'audition. Ries, son élève, fut deux ans avant de s'en apercevoir. Un jour qu'il se promenait avec Beethoven, en traversant un bois, il entendit les sons d'une flûte dont un berger jouait non sans talent. Ravi de cette mélodie champêtre, Ries se tourna vers le maître pour lui demander ce qu'il en pensait, mais quelle ne fut pas sa surprise quand Beethoven, après avoir prêté attentivement l'oreille, lui dit avec un accent douloureux qu'il n'entendait rien, rien… Tout le reste de la promenade, il fut silencieux et Ries fit de vains efforts pour l'arracher à sa pénible préoccupation.
Tous les remèdes ordinaires épuisés, et la médecine avouant presque son impuissance, l'illustre maëstro dut s'affermir de plus en plus dans cette conviction désolante pour lui que son mal était incurable. Ce qu'il souffrit alors, lui-même nous l'apprend par la peinture qu'il a faite de son état, dans une espèce de testament, écrit en octobre 1802, et dont le brouillon s'est retrouvé dans ses papiers après sa mort.
«Ô hommes qui me croyez haineux, intraitable ou misanthrope, et qui me représentez comme tel, combien vous me faites tort! Vous ignorez les raisons qui font que je vous parais ainsi. Dès mon enfance, j'étais porté de cœur et d'esprit au sentiment de la bienveillance: j'éprouvais même le besoin de faire de belles actions; mais songez que, depuis six années, je souffre d'un mal terrible qu'aggravent d'ignorants médecins… Pensez que, né avec un tempérament ardent, impétueux, capable de sentir les agréments de la société, j'ai été obligé de m'en séparer de bonne heure et de mener une vie solitaire. Si quelquefois je voulais oublier mon infirmité, oh! combien j'en étais durement puni par la triste et douloureuse épreuve de ma difficulté
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A. de Musset: