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vanter la sagesse et la magnificence; il crut donc devoir engager son frère Barthélemy à s'embarquer pour cette île, afin de faire connaître ses plans à ce souverain, et de chercher à les lui faire approuver. Quant à lui, après avoir embrassé son vieux père qui vivait encore, et après avoir satisfait, autant qu'il était en lui, à sa piété filiale, par les mesures qu'il prit pour subvenir aux besoins de sa vieillesse, il partit pour l'Espagne avec l'espoir d'y recevoir un accueil plus favorable que celui que lui avaient fait jusqu'alors les gouvernements auxquels il s'était adressé.

      À une demi-lieue de Palos, sur une éminence solitaire qui avoisine la mer, se trouvait, et se trouve même encore aujourd'hui, un ancien couvent de Franciscains, entouré d'un bois de pins, et qui est dédié à Sainte-Marie de la Rabida. À la porte de ce couvent, en l'année 1486, s'arrêta, un jour, un étranger qui venait de débarquer sur les côtes de l'Espagne, et qui, exténué de fatigue, conduisant par la main un jeune enfant également épuisé, frappa et demanda un peu d'eau et de pain pour ranimer les forces défaillantes de cet enfant qui était son fils. Cet étranger, qui devait, plus tard, doter la couronne d'Espagne de possessions innombrables, et qui, en ce moment, faisait un humble appel à la charité du frère gardien d'un simple couvent de ce royaume, c'était Christophe Colomb, qui se rendait à Huelva dans l'espoir d'y trouver son beau-frère Correo!

      Le supérieur du couvent entrait en ce même moment: c'était un homme instruit, intelligent, qui, après avoir accompli les premiers devoirs de l'hospitalité, fut tellement frappé de l'air de noblesse et de dignité de son hôte, qu'il lia conversation avec lui et qu'il l'engagea à faire quelque séjour au couvent.

      Ce supérieur, qui se nommait Jean Perez de Marchena, ne put, sans un sentiment de sympathie extrême, entendre le récit de la vie de l'étranger qui lui en confia toutes les particularités et se garda bien d'omettre les pensées de découvertes dont il était le plus préoccupé; mais, se méfiant de son propre jugement, le supérieur en référa à Garcia Fernandez, médecin de Palos, qui était un de ses amis. Fernandez fut séduit, comme l'avait été Jean Perez; il en conversa avec des marins, avec des pilotes de l'endroit qui parurent frappés de la grandeur de l'idée; mais ce qui acheva de déterminer la conviction du supérieur du couvent, fut l'approbation décidée qui fut donnée aux théories de Colomb par Martin Alonzo Pinzon, de Palos, l'un des plus habiles capitaines de la marine marchande espagnole, et chef d'une famille de marins aussi riche que distinguée. Pinzon fit même plus qu'approuver; car il offrit, spontanément, une forte somme pour contribuer à un armement, et sa personne pour accompagner Colomb afin de le seconder dans le voyage.

      Jean Perez, qui avait été confesseur de la reine, donna alors un libre cours à ses bonnes intentions; il conseilla à Colomb de se rendre immédiatement à la cour; il lui remit une lettre pressante de recommandation pour Fernando de Talavera, prieur du couvent du Prado, confesseur actuel de la reine, homme ayant une grande influence politique et qu'il connaissait très-particulièrement; il lui promit aussi de garder au couvent son fils Diego, et de veiller paternellement en tout à sa personne ainsi qu'à son éducation. Pinzon offrit les moyens pécuniaires pour subvenir au voyage; enfin, au printemps de l'année 1486, Colomb, enthousiasmé, Colomb, le cœur ravi de ces encouragements et de ces secours inespérés, s'éloigna du couvent de la Rabida pour se rendre à la cour de Castille réunie en ce moment, à Cordoue où les souverains espagnols, Ferdinand et Isabelle, se trouvaient pour hâter la conquête de Grenade qui appartenait encore aux Maures.

      La guerre opiniâtre que les Espagnols faisaient aux Maures et la situation politique du pays, se lient trop étroitement à l'exécution des projets de Christophe Colomb, pour que nous n'entrions pas, à cet égard, dans quelques détails qui expliquent les retards qu'il éprouva pour faire accueillir favorablement ces mêmes projets.

      Ferdinand, roi d'Aragon, et Isabelle, reine de Castille, régnaient à cette époque en Espagne: ils avaient uni leurs destinées et leur politique par un mariage qui, en satisfaisant à leur bonheur personnel, leur permettait de combiner leurs efforts pour la gloire de l'Espagne et pour achever d'en expulser les Maures qui, depuis longtemps, y avaient établi leur domination. C'était, en ce moment, l'unique objet de leur ambition; et tous leurs vœux, toutes leurs ressources étaient concentrés et dirigés vers ce noble but.

      Cependant, les deux royaumes d'Aragon et de Castille étaient, en particulier, dans une indépendance complète l'un vis-à-vis de l'autre. Grâce à l'accord aussi parfait que désintéressé de ces deux souverains en tout ce qui touchait aux intérêts de l'Espagne, jamais aucun empiétement ne se fit remarquer sur leurs droits respectifs: ainsi, dans chacun des deux royaumes, les impôts étaient levés selon les lois de chacun de ces pays; la justice était rendue au nom de chacun des souverains; mais, dans les actes généraux, leurs deux noms étaient joints pour la signature, leurs têtes figuraient ensemble sur la monnaie nationale, et le sceau royal portait déployées les armes confondues de la Castille et de l'Aragon.

      On a dit, à l'étranger, que Ferdinand était fanatique, ambitieux, égoïste, perfide même; mais, en Espagne, il a toujours été cité comme possédant un esprit étendu, une intelligence pénétrante, un caractère égal, et comme un homme d'une politique consommée, doué d'un grand talent d'observation, et sans rival pour les travaux du cabinet.

      Quant à Isabelle, les écrivains contemporains n'en ont jamais parlé qu'avec un enthousiasme extrême. Le temps a confirmé ce langage, et il a été ratifié par les écrivains de tous les autres pays. Lorsque Colomb arriva à Cordoue, il y avait dix-sept ans qu'Isabelle était mariée, et on la dépeint alors comme réunissant l'activité et la résolution d'un homme à la douceur féminine la plus accomplie, accompagnant son mari dans les camps, assistant à tous les conseils, animée par les idées les plus pures de la gloire, et adoucissant toujours, par les élans de son caractère généreux, les rigueurs parfois trop sévères de la politique calculatrice du roi. Dans la direction des affaires de son royaume, on nous la montre comme uniquement occupée à améliorer la législation, à guérir les plaies engendrées par de longues guerres intérieures, à encourager les arts, les sciences, la littérature, et ce fut par ses soins que l'université de Salamanque acquit l'illustration dont elle a joui pendant longtemps, parmi les nations. Enfin, sa prudence semblait, en tout, être inspirée par une sagesse infinie, elle veillait sans cesse aux intérêts de tous, et elle était la mère du peuple dans toute l'acception de ce mot.

      Mais si nous nous reportons à la plus tendre jeunesse d'Isabelle, à ce qu'elle était avant d'unir son sort à celui du roi d'Aragon, rien n'égale les descriptions qui ont été faites des charmes de sa personne, et nous ne pouvons résister au plaisir de citer le portrait qui en a été tracé par un auteur étranger:

      «La plus poétique imagination de l'Espagne, pays renommé pour la beauté des femmes, n'aurait pu concevoir une beauté plus régulière: ses mains, ses pieds, son buste et tous ses contours, portaient l'empreinte de la grâce la plus accomplie. Sa taille, quoique moyenne, était remplie de noblesse et de dignité. Celui qui la contemplait ne savait, au premier abord, s'il était fasciné par la perfection du corps ou par l'expression que l'âme communiquait à un extérieur, pour ainsi dire, irréprochable. Née sous le soleil de l'Espagne, elle descendait, cependant, par une longue suite de rois, des monarques goths, et leurs fréquentes alliances avec des princesses étrangères avaient produit, sur sa physionomie, un mélange de l'éclatante fraîcheur du Nord avec la séduisante vivacité des femmes du Midi. Son teint était blanc, et son épaisse chevelure d'un brun clair; ses yeux bleus, d'une douceur ravissante, rayonnaient d'intelligence et de sincérité. Pour ajouter à tant d'attraits, quoique élevée à la cour, une franchise austère, mais inoffensive, régnait dans son langage comme dans ses regards, et, en étincelant sur son visage, à l'éclat de la jeunesse ajoutait celui de la vérité.»

      Telle était, telle avait été la noble femme qui contribua, plus peut-être que son mari, à l'expulsion définitive des Maures du territoire espagnol; et qui, quelque grande et patriotique que fût cette œuvre, était destinée à acquérir la gloire plus grande encore, puisqu'elle la rend immortelle dans l'histoire, d'avoir une influence décisive sur la découverte du Nouveau-Monde. Enfin, ce qui prouve clairement l'extrême supériorité de l'esprit d'Isabelle, c'est que, destinée à gouverner l'Espagne conjointement avec

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