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de l'époque ne pouvait le surpasser dans l'art de la navigation.

      Quant à son physique, quant au caractère de ses traits, peut-être est-ce une puérilité de s'arrêter à ces détails quand il s'agit d'un homme aussi supérieur que Colomb; nous en donnerons cependant une description que nous croyons fidèle, car elle a été faite par son fils Fernand.

      «Christophe Colomb avait le front large, le visage long, le nez aquilin; il avait les yeux clairs; son teint était blanc et embelli de vives couleurs; ses cheveux avaient été blonds pendant sa jeunesse; sa taille était au-dessus de la moyenne; son regard était animé, et l'expression de sa physionomie était grave et noble.»

      Il existe un grand nombre de portraits de Colomb; on doit à M. Jomard une appréciation critique des plus remarquables d'entre eux: il donne la préférence à celui qui, depuis quelque temps, est entré dans la galerie de Vicence et où l'on reconnaît la touche du Titien ou au moins d'un des meilleurs peintres de son école. Celui qui écrit ces lignes en possède un également, qu'il conserve avec un respect religieux, car il lui offre deux grandes garanties de ressemblance: la première est une identité parfaite avec la description de Fernand; la seconde consiste dans les lignes en langue espagnole qui sont placées au-dessous, et dont voici la traduction littérale:

      «Christophe Colomb, grand-amiral de l'Océan, vice-roi et gouverneur général des Indes occidentales qu'il découvrit. – Copié d'après un portrait original conservé dans sa famille. – Ladite copie donnée à M. le baron de Bonnefoux, préfet maritime, par le vice-amiral Gravina.»

      On sait que Gravina commandait en second l'armée navale espagnole aux ordres de l'amiral Mazzaredo, que l'amiral Bruix amena à Brest en 1799; et qu'il commandait en chef les forces navales de sa nation réunies aux nôtres à Trafalgar où il fut tué en combattant vaillamment. Gravina était, en outre, chambellan de Sa Majesté Catholique.

      Colomb avait beaucoup d'éloquence naturelle alliée à une vive clarté dans la discussion; quoique ayant mené une vie fort aventureuse et ayant longtemps fréquenté des hommes aux mœurs très-libres, les siennes étaient irréprochables, et nul ne savait mieux que lui se respecter et se faire respecter; aussi le voyait-on affable, affectueux et d'une douceur extrême envers les personnes qui l'approchaient; il était même parvenu à corriger une tendance naturelle à l'irritabilité en s'habituant à un maintien digne et grave, en ne se permettant aucun écart de langage et en vivant avec simplicité. Enfin, pendant sa vie entière, il fit preuve d'une piété sincère, qui, par la suite, lorsqu'il déroula ses théories devant des théologiens qui les trouvaient en contradiction ouverte avec ce qu'ils croyaient être des vérités incontestables, ne permit jamais qu'on pût le soupçonner d'attaquer volontairement la religion, et lui servit plus, peut-être, qu'aucune de ses autres qualités à faire adopter ses plans. Tout concourait donc à en faire un homme hors ligne et propre à exécuter le projet inouï qu'il conçut depuis, celui de découvrir les limites de l'Atlantique; car ce n'est pas assez d'avoir un mérite éminent, si l'on ne possède en même temps les qualités qui peuvent mettre ce mérite en évidence et lui faire porter ses fruits.

      À Lisbonne, Colomb se maria avec une des deux filles d'un Italien nommé Palestrello, mort après avoir été l'un des marins les plus distingués du temps du prince Henri; il avait été le colonisateur et l'un des gouverneurs de l'île de Porto-Santo, qui, avec Madère, avait été découverte en 1418 et 1419, par Tristan Vaz et par Zarco. Toutefois, et malgré cette position avantageuse, il n'avait laissé qu'une modique fortune. L'autre fille de Palestrello avait épousé Correo, autre marin qui avait également été gouverneur de Porto-Santo. Après son mariage, Colomb fit plusieurs voyages en Guinée; il alla même à Porto-Santo pour des intérêts de famille. Ce fut pendant le séjour qu'il fit en cette île que naquit Diego, son fils ainé. Dans l'intervalle de ses campagnes, Colomb dressait des cartes marines dont la vente lui servait à soulager l'existence de son vieux père à qui il pensait toujours avec une tendre reconnaissance, et à aider ses frères lors de leur début dans le monde.

      Les conversations que, dans cette période, il eut avec Correo, l'application qu'il portait à la construction de ses cartes qui était une de ses occupations favorites, l'étude qu'il fit des journaux, manuscrits et plans de son beau-père, furent pour lui des motifs incessants d'examen; ces motifs, joints à l'enthousiasme avec lequel les découvertes multipliées des Portugais le long du continent d'Afrique étaient accueillies, transportèrent son imagination et lui firent concevoir le dessein de tenter plus encore, et d'aller dans l'Inde en se dirigeant vers l'Occident.

      Bientôt ses pensées ne purent plus se détacher de ce dessein, et plus il s'en préoccupait, plus il trouvait des raisons pour y persister.

      On a dit que plusieurs entretiens, plusieurs fables, plusieurs redites ou rapports recueillis par Colomb, soit sur la côte de Guinée, soit surtout aux Açores et à Porto-Santo, sur l'existence d'une terre étendue située de l'autre côté de l'Atlantique, avaient été le point de départ de la grande idée de Colomb; mais si ces bruits, qu'on a cités depuis lors, avaient eu quelque consistance, le prince Henri les aurait connus, et il n'aurait certainement laissé à aucun autre la gloire de l'entreprise.

      On ne peut donc attribuer ce point de départ à d'autres causes qu'à celles qui sont assignées par Fernand, et qui sont le fruit de la réflexion la plus persévérante et la mieux mûrie. Suivons, en effet, Colomb pas à pas; nous verrons ainsi se confirmer l'opinion de Fernand, et il sera impossible de ne pas reconnaître avec lui, que des rapports vagues, des bruits incohérents, des contes chimériques, des faits peu concluants, tels que ceux que l'envie a inventés ou amplifiés après l'événement, n'eurent aucune influence sur l'esprit vigoureux de Colomb, et que ses idées reposaient sur ses recherches mentales et sur les convictions les mieux fondées.

      Toscanelli, Italien très-versé dans la cosmographie, habitait alors la ville de Florence; or, il existe une correspondance entre Colomb et Toscanelli qui remonte à l'année 1474; mais on doit penser que le sujet abordé par Colomb était mûri déjà depuis longtemps dans son jugement, lorsqu'il entra en communication épistolaire avec ce savant. Il y posa en principe que la terre est un corps sphérique dont on pouvait faire le tour dans le sens de l'équateur, et que les hommes placés aux antipodes les uns des autres, y marchaient et s'y tenaient debout pieds contre pieds, ce qui était une des assertions les plus téméraires qu'on pût alors avancer: il divisait l'équateur, comme toutes les circonférences de cercle, en 360 degrés, et, s'appuyant sur le globe de Ptolémée et sur la carte plus nouvelle de Marinus de Tyr, il accordait aux anciens la connaissance géographique de 225 de ces degrés, qui comprenaient tout l'espace renfermé de l'Est à l'Ouest, entre la ville de Thiné, extrémité orientale de l'Asie, et les îles Fortunées ou Canaries, extrémités occidentales du monde alors connu. Depuis ce temps-là, les Portugais avaient découvert les Açores; ainsi, il fallait ajouter environ 15 degrés aux 225 des anciens, ce qui donnait une somme de 240 degrés, équivalente aux deux tiers de l'étendue circulaire de la terre.

      Ce calcul de Colomb était rigoureux dans la supposition de l'exactitude du globe et de la carte dont il se servait comme base; mais il est évident pour nous aujourd'hui, que l'extrémité orientale de l'Asie y était portée beaucoup trop loin, et cette erreur, qu'on ne pouvait attribuer à Colomb, fut très-heureuse, car elle ne lui permettait de compter que sur un parcours de 120 degrés ou de 2,400 lieues marines entre les Açores et le point le plus rapproché de l'Asie. Il devait donc, après avoir franchi l'espace occupé par ces 120 degrés, ou arriver aux confins orientaux de l'Asie, ou découvrir les terres qui pouvaient s'interposer. Si même on s'en rapportait aux calculs de l'Arabe Alfragan, fondés sur l'opinion d'Aristote, de Sénèque, de Pline et de Strabon, ces 120 degrés auraient été loin de valoir 2,400 lieues, car ce mathématicien supposait la terre moins étendue qu'elle ne l'est réellement; selon lui, chaque degré de l'équateur était inférieur à 20 lieues marines d'une assez grande quantité.

      La réponse de Toscanelli fut un vif encouragement pour Colomb; il y était même fait mention du fameux Marco Paolo, voyageur vénitien qui avait établi, dans une narration de ses voyages par terre et dans l'Orient pendant le quatorzième siècle, que les parties les plus éloignées du continent asiatique et dans lesquelles il avait pénétré, étaient

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