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Vie de Christophe Colomb. Baron de Pierre-Marie-Joseph Bonnefoux
Читать онлайн.Название Vie de Christophe Colomb
Год выпуска 0
isbn http://www.gutenberg.org/ebooks/30922
Автор произведения Baron de Pierre-Marie-Joseph Bonnefoux
Жанр Зарубежная классика
Издательство Public Domain
L'astrolabe n'était cependant que l'anneau astronomique perfectionné, et, comme lui, qu'un instrument de suspension qui, à cause de la mobilité d'un navire, ne pouvait donner à bord que des résultats approximatifs; il était loin de l'arbalète qui vint ensuite, laquelle était également loin du quart de nonante, tout à fait mis de côté, cependant, depuis l'invention des instruments à réflexion, tels que l'octant, le sextant et le cercle de Borda, qui ne laissent rien à désirer.
Toutefois, cette mesure eut un grand effet moral; car les équipages, attribuant à l'astrolabe une perfection qu'il ne possédait pas, s'imaginèrent qu'ils navigueraient désormais avec plus de sécurité; sous un autre rapport, elle eut des conséquences du plus haut intérêt. En effet, Colomb, qui a toujours fait preuve d'une promptitude d'esprit incomparable pour saisir les différentes phases d'une question, et pour en tirer le parti le plus favorable à ses vues, ne manqua pas de préconiser l'astrolabe comme l'instrument destiné à ouvrir un champ libre à ses découvertes, et de le présenter comme devant calmer les craintes de tous ceux qui voudraient partager sa fortune.
Dès lors, et pendant qu'on était sous l'impression favorable de cette innovation, il ne balança plus un seul instant, et il demanda une audience au roi afin de lui communiquer son projet. L'audience ne se fit pas attendre: Colomb se présenta avec une noble assurance; il exposa sa théorie, montra la carte de Toscanelli, et il assura à Jean II que s'il voulait lui confier des navires et des hommes pour les armer, il les conduirait dans les riches contrées de l'Orient en cinglant directement à l'Ouest, et qu'il aborderait à l'île opulente de Cipango, d'où il établirait une communication directe avec le grand Kan, souverain d'un des États les plus riches et les plus splendides du monde.
Le roi l'écouta avec une attention soutenue, et lui promit d'en référer à une junte, qui fut en effet nommée et qui était composée de Rodrigue et de Joseph, dont nous venons de parler, et du confesseur du roi, Diego Ortiz, évêque de Ceuta, Castillan de naissance, ordinairement appelé du nom de Cazadilla qui était celui de sa ville natale, et fort estimé à cause de ses lumières et de son instruction.
La junte, qui n'eut qu'à délibérer sur les plans présentés par Colomb, sans s'entretenir avec lui-même, déclara qu'ils étaient extravagants, et que l'auteur de ces plans ne pouvait être qu'un visionnaire; mais le roi qui avait entendu Colomb, et qui savait, à n'en pas douter, que, loin d'être un visionnaire, il s'exprimait avec toute la lucidité d'un homme aussi instruit que sensé, le roi, disons-nous, n'admit pas cette décision de la junte, et il assembla son conseil privé, qui était composé des savants les plus éminents du Portugal, pour en délibérer.
Malheureusement, Cazadilla en faisait partie, et, plus malheureusement encore, il est dans la nature humaine que nul n'est plus obstiné ni de plus mauvaise foi qu'un savant qui se trompe; aussi, par son ardente influence, les théories de Colomb furent-elles qualifiées d'impraticables, et de chimères sans base et sans raison!
Cazadilla fit plus encore; car, voyant le mécontentement que le roi Jean II éprouvait de cette nouvelle décision et le penchant qu'il continuait à manifester pour tenter l'entreprise, il eut recours à une manœuvre indigne, qu'il présenta au roi sous le prétexte spécieux, si souvent invoqué en pareil cas, qu'il était de la dignité de la couronne de ne pas s'engager à cet égard par une détermination officielle, et qu'il fallait agir à l'insu de Colomb pour vérifier jusqu'à quel point ses propositions pouvaient être fondées.
Le roi eut la faiblesse d'adopter ce conseil, qui n'était qu'une ruse odieuse déguisée sous le semblant de la dignité royale; et, mettant à profit les cartes et les communications diverses de Colomb, des instructions furent tracées, et l'ordre fut donné d'expédier secrètement une caravelle du cap Vert, pour qu'elle fît route immédiatement, et d'après ces mêmes instructions.
Cependant, Colomb était tenu en suspens par plusieurs assurances qu'on lui donnait, que le conseil, ne pouvant agir avec trop de maturité, prenait du temps pour mieux asseoir son jugement. Quant à la caravelle, elle partit; mais elle éprouva des contrariétés; et, comme le capitaine et l'équipage ne rencontrèrent que des mers agitées par des vents impétueux, qu'ils ne virent devant eux que des horizons menaçants et que l'espace succédant à l'espace, sans l'aspect d'aucune terre pour les encourager ou les guider, ils faillirent à l'œuvre comme des hommes non stipulés par l'aiguillon de la gloire ou manquant de conviction, et ils retournèrent au cap Vert, d'où ils firent voile pour Lisbonne; là, ils s'excusèrent de leur manque de résolution, en ridiculisant le projet comme étant déraisonnable et même extravagant.
Cette insigne duplicité indigna Colomb au point qu'il ne voulut plus entendre à rien, même, dit-on, à une disposition que montra le roi à renouer la négociation. Sa femme était morte depuis quelque temps, il ne tenait donc plus au Portugal par aucun lien, et il en serait parti immédiatement, si ses affaires pécuniaires, dérangées par le peu de soins que ses préoccupations scientifiques lui avaient permis d'y donner, lui en avait laissé la faculté. Il fit alors tous ses efforts pour rétablir ses finances; et finalement, il quitta ce royaume en 1484, emmenant avec lui son jeune fils Diego.
Quelque fâcheux pour notre illustre navigateur qu'aient pu être les événements que nous venons de décrire, ils ont eu, toutefois, le résultat de démontrer invinciblement la fausseté des allégations par lesquelles on a cherché à insinuer que l'idée première de ses projets ne lui appartenait pas en propre, et qu'elle lui avait été suggérée par des révélations qui lui avaient été faites dans ses voyages à la côte de Guinée, ou par la connaissance de faits empreints de caractères tellement vraisemblables qu'ils avaient dû être acceptés par lui comme des preuves. Ainsi, cette prétendue statue qui, sur le cap le plus avancé de la plus occidentale des Açores, avait un doigt mystérieusement dirigé vers l'occident; ainsi, ces vues de terres que l'on croyait, en certains temps, apercevoir du sommet des montagnes des îles Canaries; ces pièces de bois grossièrement travaillées, apportées par des vents d'Ouest; ces arbres d'espèces étrangères à l'Europe ou à l'Afrique, dont les troncs avaient été roulés par les vagues jusques à notre continent; ces cadavres parvenus sur nos côtes, et dont les traits ou les formes n'appartenaient à aucune race alors connue dans nos pays!.. tout cela était évidemment des fables; car, s'il y avait eu la moindre certitude, s'il avait existé le moindre prétexte à en retirer des inductions favorables, il est certain que le roi Jean, que Cazadilla, que la junte, que le conseil privé, que les marins de la caravelle expédiée du cap Vert en auraient eu connaissance, qu'ils n'auraient pas traité Colomb de visionnaire, et qu'ils n'auraient point déclaré que ses projets étaient extravagants.
Il est donc bien démontré que, dans le Portugal, pays où l'art de la navigation était le plus avancé, et qui était le mieux situé pour connaître l'exactitude de ces bruits ou de tous ceux qui pouvaient alors circuler sur l'existence de contrées transatlantiques, rien qui eût un caractère authentique n'y existait; que les théories de Colomb, touchant ces mêmes contrées, y furent unanimement qualifiées d'impraticables ou d'insensées, et qu'à lui seul revient l'honneur tout entier non-seulement d'avoir conçu de si vastes projets, mais encore de les avoir exécutés!
Il règne quelque obscurité sur la vie de Colomb pendant l'année 1485; nous allons en rapporter ce qui paraît le moins vague dans le récit des historiens qui ont traité ce sujet.
De Lisbonne il se rendit à Gênes où il renouvela ses propositions de découvertes dans l'Occident; la république, alors occupée de guerres ruineuses qui minaient sa prospérité, ne crut pas pouvoir accepter des offres qui auraient ajouté beaucoup d'éclat à sa puissance, et dont les conséquences avantageuses pour son opulence auraient