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Cartes

       Préface

      La longue et mouvementée aventure de l’élaboration du quatrième tome de la collection Der Schweizerische Generalstab/L’Etat-major général suisse, aventure brièvement rappelée dans l’introduction qui suit, se termine enfin. Nous disposons maintenant, avec les dix tomes qui concrétisent le résultat de cette magnifique entreprise collective, d’une vision d’ensemble, fouillée, chronologiquement complète, thématiquement diversifiée, de la genèse et du développement contemporain de cette institution essentielle dans l’histoire de la défense militaire moderne de notre pays.

      Le présent volume, dont la réalisation n’aurait pas été possible sans la confiance et le généreux soutien du Fonds National Suisse de la Recherche Scientifique, a été rédigé par un chercheur confirmé, le major Dimitry Queloz, historien et historien militaire, docteur ès lettres, qui a conduit sa méticuleuse enquête avec une rigueur et une finesse qui donnent à ce solide travail une grande valeur historiographique.

      La parution de ce quatrième tome comble une lacune importante et donne enfin sa cohérence à l’ensemble du projet. Les années concernées, 1874–1906, sont en effet absolument cruciales dans l’histoire de l’Etat-major général, dont on peut dire qu’il prend alors véritablement naissance et consistance. Depuis 1817 et jusqu’à l’Organisation militaire de 1874, on a affaire, d’abord jusqu’en 1848, à une sorte de préhistoire au cours de laquelle un embryon d’autorité militaire de surveillance apparaît en temps de paix, devenant un Conseil de guerre fédéral en cas de conflit. La Constitution de 1848 innove par la création du Département militaire fédéral et d’un état-major permanent, mais il faut attendre 1865 pour que soit mis sur pied un «bureau d’état-major» qui va évoluer, à travers l’Organisation militaire centralisatrice de 1874, en un véritable Etat-major général doté de larges compétences. Il s’agit là d’une étape décisive dans le long mouvement de concentration des pouvoirs militaires suprêmes qui aboutira, avec Armée XXI, à la désignation d’un Chef de l’armée.

      Toute la première partie de ce livre montre, fort bien et de manière extrêmement fouillée, comment cette institution nouvelle, créée par le politique, parvient lentement et laborieusement à la fin du XIXe siècle, dans un fort développement de ses activités, à acquérir une reconnaissance de l’ensemble de l’armée et de ses hiérarchies. Cette affirmation, cet élargissement, qui vont de pair avec une amélioration structurelle et une professionnalisation partielle de l’accomplissement de ses missions, seront reconnus par l’Organisation militaire de 1907 qui placera enfin, officiellement, l’EMG au-dessus des autres services du DMF.

      L’évolution doit beaucoup à la personnalité de certains des chefs de l’EMG, auxquels une grande attention est portée par l’auteur, en particulier au colonel Arnold Keller (1890–1905), sous l’impulsion duquel la modernisation s’accélère, la planification devient progressivement mieux informée et plus concrète, malgré les résistances et la pauvreté des moyens matériels attribués à l’EMG. On est frappé, surtout dans l’observation du début des trente ans concernés, par la plasticité de cet instrument sans tradition, doté de peu d’expérience, par les tâtonnements de son organisation sans cesse retouchée, au gré des convictions personnelles et de l’influence des modèles étrangers, prussien surtout, tant bien que mal adaptés aux réalités helvétiques. Somme toute, la tonalité de cette genèse correspond bien au contexte de la naissance de la Suisse moderne, après 1848/1874. Au phénomène de la «construction nationale» contemporaine, soit l’affirmation d’une identité collective, unificatrice, aussi nécessaire après la Guerre du Sonderbund que délicate dans un pays qui ne constitue pas une véritable nation, correspond la mise sur pied d’un encadrement institutionnel et administratif efficace et adapté à l’époque. La problématique de cette nécessaire édification était particulièrement subtile dans le domaine militaire, à quelques décennies de la guerre civile et pour un secteur auquel s’identifiait au plus haut degré, depuis la nuit des temps, la souveraineté cantonale. Typiquement suisse apparaît également la méfiance de beaucoup d’officiers de troupes envers les officiers de l’EMG, suspectés de constituer une caste élitaire imbue de ses supériorités, accusés de développer un esprit peu compatible avec le démocratisme foncier de la société suisse, très attachée au système de milice.

      Dans un second temps, l’ouvrage analyse la délicate position de la Suisse diplomatique et militaire dans une Europe contemporaine où s’affirment les nationalismes et les rivalités de puissances qui mèneront au désastre de 1914. L’auteur a su bien mettre en évidence, dans son analyse de la planification des concentrations et des mouvements de troupes en fonction des menaces potentielles, les gros problèmes d’information rencontrés par l’EMG en raison de l’inexistence, puis du sous-développement persistant d’un service de renseignements plus ou moins improvisé et dont le renforcement rencontrait la méfiance ou l’incompréhension des politiques. Cette faiblesse rappelle le sous-développement parallèle de l’appareil diplomatique du pays, que les milieux politiques avaient beaucoup de peine à moderniser, retranchés dans le sentiment que la pratique de la neutralité traditionnelle pouvait ou devait s’accompagner d’une sorte d’apathie dans les relations internationales. En résulte un singulier manque de clairvoyance dans la perception de certaines des intentions de nos grands voisins, ou dans la détermination des pires dangers; cette carence apparaît, avec le recul, comme particulièrement inquiétante en cette période de marche à la Première Guerre mondiale.

      L’insertion très éclairante de la problématique suisse dans le contexte diplomatique international et sa mise en rapport avec la planification militaire des grandes puissances voisines constituent un apport central du livre. Elles permettent en effet de mesurer rétrospectivement – avec la prudence et les nuances que doit naturellement s’imposer l’historien qui bénéficie de la connaissance de la suite des événements … – le degré de la perspicacité ou de l’aveuglement helvétiques à l’aune de la réalité des conceptions, des calculs et des desseins français, allemands, italiens et autrichiens.

      Philippe Henry

      Professeur honoraire de l’Université de Neuchâtel

       Remerciements

      Commencée il y a un quart de siècle, cette étude, qui constitue le tome IV de la collection Der Schweizerische Generalstab/L’Etat-major général suisse, a connu diverses mésaventures. Dans un premier temps, le colonel EMG Georges Rapp, directeur du Gymnase de la Cité à Lausanne, en assumait la rédaction. La mort l’empêcha de mener l’entreprise à son terme. Un groupe d’historiens membres de l’Association suisse d’histoire et de sciences militaires prit la relève sous la direction du brigadier Jean Langenberger. Se rendant compte qu’il fallait un auteur unique pour assurer la cohérence du volume, le groupe décida, en 2003, de changer de stratégie. Il contacta le professeur Philippe Henry de l’Institut d’histoire de la Faculté des lettres et sciences humaines de l’Université de Neuchâtel afin de poursuivre les travaux dans le cadre d’un projet de recherche du Fonds National Suisse de la Recherche Scientifique (FNS). Nous exprimons toute notre gratitude au professeur Philippe Henry qui a accepté de diriger ce projet et de nous en confier la réalisation, ainsi qu’à l’Institut d’histoire qui a mis à disposition l’infrastructure nécessaire à cette recherche. De même, nous voudrions remercier le colonel EMG Roland Beck, directeur de l’Arbeitskreis zur Erforschung der Geschichte des Schweizerischen Generalstabes qui chapeaute l’ensemble des projets de recherche consacrés à l’histoire de l’Etat-major général et qui a soutenu nos activités de recherche et de publication de l’ouvrage.

      Au moment de commencer notre recherche, nous avons pu exploiter les travaux effectués par nos prédécesseurs. Ils ont constitué une base de travail

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