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j'inclinai la tête.

      —Ah! messieurs, reprit Lavenay, j'ai une autre proposition à vous soumettre avant d'interroger le sort.

      —Parle vite.

      —Nous allons faire un serment, continua d'une voix grave notre ami, un serment solennel et terrible,—tel que des gens comme nous peuvent en prêter un,—un serment d'amitié, d'amour, mais de mort aussi.

      —Lequel? demanda Maurevailles.

      —Eh bien, reprit Lavenay, jurons d'aider de tout notre pouvoir, de servir par tous les moyens possibles l'heureux d'entre nous à qui le sort aura donné celle que nous aimons tous les quatre.

      —Soit, répondîmes-nous.

      —Et il est bien convenu que celui qui manquerait à ce serment et qui ne se résignerait pas à la volonté exprimée par le destin...

      —Celui-là, dit Maurevailles, sera tenu de se battre avec les trois autres!»

      IV

      OU LE MARQUIS DE VILERS SE TROUVE ÊTRE

       UNE ANCIENNE CONNAISSANCE DE LA BELLE

       HAYDÉE.

      Tony, de plus en plus intrigué, continua à lire:

      «Nous fîmes le serment convenu et nous jetâmes nos quatre noms dans un chapeau.

      Le sort allait décider...

      Mais une difficulté se présenta.

      Qui donc allait plonger la main dans cette urne improvisée? Quel était celui d'entre nous qui en retirerait le nom de l'élu du destin?

      —Messieurs, dis-je à mon tour, il y a un moyen de nous mettre tous d'accord. Nous allons prier la belle Hongroise de plonger sa jolie main dans le tricorne.

      —Ah! quelle drôle d'idée! Mais comment obtenir?...

      —Soyez tranquille, je m'en charge.

      —Bon! et après?

      —Après? Je suis d'avis que nous brûlions les trois noms demeurés au fond du chapeau sans les lire.

      —Et le quatrième?

      —Si vous le voulez bien, le quatrième papier ne sera point déroulé tout de suite, et son contenu demeurera un mystère pour tous.

      —Jusqu'à quand?

      —Jusqu'à ce que nous ayons réalisé le plan que je médite.

      —Voyons! firent-ils tous trois.

      Je posai sur une table le tricorne de Maurevailles qui contenait les quatre papiers, puis je jetai un regard autour de nous pour m'assurer que nous étions toujours seuls.

      —Messieurs, repris-je alors, laissez-moi vous dire que nous ne savons absolument rien de notre belle inconnue, si ce n'est qu'elle est la fille de ce vieux magnat qui lui donne le bras.

      —Qu'importe? fit Lavenay.

      —J'aimerais assez, puisque nous allons la tirer au sort, que chacun de nous concourût à sa conquête avant que le sort se fût prononcé.

      —Mais, dit le baron, tu oublies que nous avons fait le serment d'aider le vainqueur.

      —Je le sais...

      —Voyons, explique-toi...

      —Eh bien, je suis persuadé que nous déploierions bien plus de zèle isolément, si chacun de nous avait l'espoir que son nom fût contenu dans le quatrième bulletin.

      —Au fait, dit Marc de Lacy, c'est une bonne idée.

      —Ah! vous trouvez?

      —C'est également mon avis, ajouta Maurevailles.

      —Eh bien, arrêtons un plan.

      —Soit!

      —Je vais prendre quelques renseignements à travers le bal, faites-en autant.

      —Et puis?

      —Quand nous saurons où demeure la belle Hongroise, nous aviserons aux moyens, soit de nous introduire chez elle, soit de l'enlever.

      —Je penche pour ce dernier parti, dit Gaston de Lavenay.

      —Et moi aussi, répliquèrent Maurevailles et Marc de Lacy.

      Nous laissâmes le tricorne de Maurevailles sur la table où je l'avais placé, et nous rentrâmes dans le bal, où chacun de nous prit une direction différente.

      Moi, j'allai passer mon bras sous celui d'un jeune et charmant officier autrichien, aide de camp du major Bergheim, le commandant de Fraülen.

      Le lieutenant Hinch, tel était son nom, s'était pris pour moi, dès le premier jour de trêve, d'une grande sympathie, que je lui rendais, du reste.

      —Mon cher lieutenant, lui dis-je en lui montrant la belle Hongroise qui valsait en ce moment au milieu d'un groupe d'admirateurs enthousiastes, quelle est cette jeune fille?

      Il me regarda en souriant.

      —Ah! je vous y prends, vous aussi! me dit-il.

      —Que voulez-vous dire?

      —Que vous êtes amoureux.

      —Passionnément.

      —Vous avez cela de commun avec les cinquante ou soixante officiers de l'armée impériale qui sont ici ce soir.

      —Oh! mais vous aussi, sans doute?

      —Oh! non, dit le lieutenant, et cela tient à ce que j'ai laissé à Vienne une blonde fiancée que j'aime...

      —Eh bien, tant mieux!

      —Pourquoi?

      —Je craignais que nous ne fussions rivaux.

      —Oh! mon cher, répondit le lieutenant, je crois que ni vous ni personne ne réussirez jamais auprès d'elle.

      —Bah! fis-je avec la fatuité d'un officier de vingt-six ans. Comment se nomme-t-elle, votre Hongroise?

      —Haydée, comtesse Mingréli.

      —Le nom est joli.

      —C'est la fille de ce vieux comte Mingréli qui est appuyé là-bas, à cette colonne, et regarde danser.

      —Je l'ai déjà vu. Ainsi vous dites que Haydée...

      —Passe pour avoir un amour mystérieux.

      —Diable!

      —On ne sait pas quel est celui qu'elle aime, mais on sait bien qu'elle a refusé la main des plus riches et des plus nobles seigneurs de l'empire.

      —Est-ce qu'elle habite Fraülen?

      —Non; elle vient même assez rarement ici et ne quitte guère le manoir de son père, situé sur les bords du Danube. Ah! continua le lieutenant en riant, si vous voulez en faire le siège et tenter d'enlever la comtesse, vous ne serez pas le premier qui en aura eu l'idée.

      —Vraiment!

      —Un magnat des environs, après avoir demandé sa main et avoir été refusé, a fait un siège en règle du château.

      —Et il a été repoussé?

      —Le vieux comte Mingréli lui a envoyé, à cent pas de distance, du haut d'une tour, une balle dans le front! Si le coeur vous en dit...

      —Mais, mon cher, m'écriai-je, tout ce que vous me dites là, loin de me décourager, irrite ma passion naissante.

      —C'est assez l'ordinaire.

      —Est-ce que vous ne pourriez pas me présenter?...

      —Au

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