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eut à vaincre l’opposition de son père pour répondre à cette lettre; encore ne lui permit-il de le faire qu’en ces termes cérémonieux:

      «Cher Monsieur,!

      «Mon père m’a prié de vous dire qu’il sera heureux de vous recevoir au château de Belton le jour qu’il vous plaira de fixer.

      «Agréez, etc.

      «CLARA AMADROZ.»

      Par le retour du courrier, Will Belton annonça qu’il serait au château le15août. «On peut se passer de moi ici pendant dix jours, disait-il en post-scriptum, parce que notre moisson sera tardive, mais il faut que je sois revenu une semaine avant l’ouverture de la chasse.»

      On voit par ce ton familier que Will n’avait pas été intimidé par le billet formaliste de sa cousine.

      «Sans cœur! s’écria M. Amadroz, me parler de chasse dans un pareil moment!» Clara ne voulut pas convenir qu’elle partageait l’avis de son père; elle était décidée à attendre la venue de son cousin pour le juger.

      Dans la ville de Belton, proche de l’église, se trouvait une petite maison appelée le cottage de Belton, louée depuis deux ans par M. Amadroz au colonel Askerton et à sa femme. Ils étaient complétement étrangers au pays, le colonel s’y étant établi pour chasser. Comme la porte du jardin du cottage donnait dans le parc de Belton, les rapports entre les deux familles étaient faciles, et une intimité s’était promptement formée entre Clara et Mrs Askerton.

      Mrs Winterfield, se faisant l’écho de quelques ru meurs, avait en vain cherché à prémunir sa nièce contre le danger de cette liaison soudaine. Celle-ci était décidée à défendre Mrs Askerton contre tous venants, et ne tint aucun compte des avertissements qui lui furent donnés.

      Aussitôt que Clara fut informée de la visite de son cousin, elle alla l’annoncer à son amie qui l’approuva sans réserve. «Sans doute, dit-elle, il vient voir s’il ne peut pas arranger les affaires en vous épousant, et c’est ce qui pourrait arriver de plus heureux; à votre place je ne le laisserais pas partir avant de l’avoir vu à mes pieds, si toutefois les hommes se mettent encore dans cette posture suppliante, ce dont je doute.» Clara prit fort mal la plaisanterie et y coupa court en quittant le cottage.

      Au jour désigné, Belton arriva dans un cabriolet loué à Taunton. M. Amadroz avait affecté tout le jour la plus complète indifférence; mais, en entendant le bruit des roues, il quitta précipitamment son fauteuil et s’avança dans le vestibule. Clara le suivit et se trouva sans savoir comment, échangeant des poignées de main avec un grand garçon large d’épaules, ayant de grands yeux gris brillants, le nez droit, la bouche grande, les dents presque trop parfaites, d’épais cheveux bruns coupés courts et de petits favoris lui venant à moitié des joues. Clara n’avait jamais vu physionomie plus ouverte.

      «Vous êtes la petite fille que je me rappelle avoir vue chez M. Folliott quand j’étais enfant? lui demanda-t-il d’une voix peut-être un peu trop sonore.

      –Oui, je suis cette petite fille, répondit Clara en souriant.

      –Quand je pense qu’il y a vingt ans de cela!

      –Vous ne devriez pas m’en faire souvenir, monsieur Belton.

      –Pourquoi pas?

      –Parce que cela montre combien je suis vieille.

      –Ah! oui, certainement; mais il n’y a là personne pour m’entendre.»

      Une demi-heure après, comme Belton montait dans sa chambre, Clara trouva moyen de lui parler seule et de lui expliquer la situation.

      «Monsieur Belton, dit-elle, vous serez obligé de supporter les inconvénients de notre nouvelle position; le fait est que nous sommes maintenant très-pauvres.

      –Ah! voilà justement ce que je voulais savoir. Pour ce qui est de la pauvreté, je trouve que ce n’est rien quand on est jeune, mais cela ne laisse pas d’être pénible à mesure qu’on vieillit. Y puis-je quelque chose?

      –Tout ce que vous pouvez, c’est d’être bon pour mon père. Il a été obligé d’affermer le pare à M. Stovey et n’aime pas à en parler.

      Mais comment y apporter remède si on n’en parle pas?

      –Il n’y a pas de remède.

      –C’est ce que nous verrons; mais je serai bon pour lui et pour vous aussi, si vous le permettez. Vous n’avez plus de frère. Je serai votre frère, voulez-vous?

      –Je veux bien,» dit Clara.

      M. Amadroz, ayant déclaré son intention de descendre pour déjeuner tout le temps du séjour de son cousin, était à neuf heures et demie avec sa fille, dans le petit salon, quand Will entra, son chapeau à la main, essuyant les gouttes de sueur qui lui coulaient du front.

      «Vous êtes déjà sorti, monsieur Belton? lui dit le squire.

      –J’ai fait le tour de la propriété. Six heures ne me trouvent pas souvent dans mon lit, hiver ou été. Quand on est agriculteur, on doit se lever matin. L’herbe pousse d’elle-même durant la nuit, mais le jour il faut y veiller.

      –Ici, cela ne ferait pas grand bien à l’herbe, dit le squire tristement.

      –Autant ici qu’ailleurs. J’ai quelque chose à vous dire là-dessus.»

      Il s’était assis, tout en parlant, devant la table du déjeuner et jouait de la fourchette avec grande activité.

      «Je pense, monsieur, que vous ne tirez pas le meilleur parti possible de votre parc.

      –Ne parlons pas de cela, s’il vous plaît, dit le squire.

      –Je n’en parlerai pas si cela vous déplaît, mais, vraiment, vous devriez y faire attention.

      –Comment? dit Clara.

      –Si votre père ne veut pas garder le parc à sa main, il devrait l’affermer à quelqu’un qui y mit un troupeau au lieu de couper le foin d’année en année sans rien remettre dans la terre, comme compte faire ce Stovey. Je lui ai parlé et telle est son intention.

      –Personne ici n’a d’argent pour mettre un troupeau sur la propriété, dit le squire aigrement.

      –Alors vous devriez vous adressez ailleurs, voilà tout. Écoutez, monsieur Amadroz, je le ferai moi-même.» Il s’était servi deux larges tranches do mouton froid et mangeait de bon appétit tout en parlant.

      «C’est impossible, dit le squire.

      –Je ne vois pas pourquoi ce serait impossible; vous vous en trouveriez mieux, et moi aussi, si je dois avoir un jour la propriété.

      A ces mots le squire fit la grimace.

      Ce même jour, à midi, l’opposition du squire était vaincue; Stovey avait résilié son bail moyennant cinq cents francs d’indemnité, et Will s’était substitué à lui avec une augmentation considérable. M. Amadroz n’en revenait pas.

      Dans l’après-midi, Will demanda à sa cousine de venir se promener.

      «Je vous montrerai tout ce que je compte faire,» lui dit-il.

      Elle prit aussitôt son chapeau et son ombrelle et le suivit. Dès qu’ils furent assez loin de la maison pour ne pas être entendus:

      «Votre père a de l’antipathie pour moi, dit Will, et je n’en suis pas étonné.

      –Je ne crois pas qu’il ait d’antipathie pour vous, monsieur Belton.

      –Si, et rien de plus naturel: je suis son héritier au lieu de vous. Il ne doit pas m’aimer; mais j’en viendrai à bout, et il finira par ne plus pouvoir se passer de moi.

      –Vous êtes un homme extraordinaire, monsieur Belton.

      –Je voudrais bien que vous ne m’appeliez pas monsieur Belton;

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