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en emportent des débris, qui, d'abord nus et informes, témoignent de l'éboulement. Mais la Nature compatissante (Page )et gracieuse, ne le souffre pas. Elle les habille bientôt, leur accorde quelque verdure, gazon, herbes, ronces, arbustes, qui peu à peu sont, à mi-côte, des oasis en miniature, paysages lilliputiens, pendus à la grande falaise, et qui de leur jeunesse consolent sa triste nudité.

      Ainsi le joli, le sublime, chose rare, s'embrassent ici. La montagne, battue des orages, vous conte l'épopée de la terre, sa rude et dramatique histoire, et, pour témoins, montre ses os. Mais ces jeunes enfants de hasard, qui germent de son flanc aride, prouvent qu'elle est toujours féconde, que les débris sont l'élément d'une organisation nouvelle, et toute mort une vie commencée.

      Aussi jamais ces ruines ne nous ont donné de tristesse. Nous y parlions volontiers de destinée, de providence, de mort, de vie à venir. Moi qui ai droit de mourir et par l'âge et par les travaux, elle, le front déjà incliné par les épreuves d'enfance et par la sagesse avant l'heure, nous n'en vivions pas moins d'un grand souffle d'âme, de la rajeunissante haleine de cette mère aimée, la Nature.

      Issus d'elle si loin l'un de l'autre, si unis en elle aujourd'hui, nous aurions voulu fixer ce rare moment de l'existence, «jeter l'ancre sur l'île du (Page )temps.» Et comment l'aurions-nous mieux fait que par cette œuvre de tendresse, de fraternité universelle, d'adoption de toute vie?

      Elle m'y rappelait sans cesse, agrandissant mes sentiments de tendresse individuelle par l'interprétation facile, gaie, émue, de l'âme de la contrée et des voix de la solitude.

      C'est alors, entre autres choses, que je commençai à entendre les oiseaux qui chantent peu, mais parlent, comme les hirondelles, jasant du beau temps, de la chasse, de nourriture rare ou commune, ou de leur prochain départ, enfin de toutes leurs affaires. Je les avais écoutées à Nantes en octobre, à Turin en juin. Leurs causeries de septembre étaient plus claires à la Hève. Nous les traduisions couramment, dans leur douce vivacité, dans cette joie de jeunesse et de bonne humeur, sans éclat et sans saillie, conforme à l'heureux équilibre d'un oiseau si libre et si sage, qui semble, non sans gratitude, reconnaître qu'il reçut de Dieu une part si notable au bonheur.

      Hélas! l'hirondelle elle-même n'est pourtant guère exceptée de cette guerre insensée que nous faisons à la Nature. Nous détruisons jusqu'aux oiseaux qui défendaient les moissons, nos gardiens, nos bons ouvriers, qui, suivant de près la charrue, (Page )saisissent le futur destructeur que l'insouciant paysan remue, mais remet dans la terre.

      Des races entières périssent, importantes, intéressantes. Les premiers de l'Océan, les êtres doux et sensibles à qui la nature donna le sang et le lait (je parle des cétacés), à quel nombre sont-ils réduits? Beaucoup de grands quadrupèdes ont disparu de ce globe. Beaucoup d'animaux de tout genre, sans disparaître entièrement, ont reculé devant l'homme; ils fuient ensauvagés, perdent leurs arts naturels et retombent à l'état barbare. Le héron, noté par Aristote pour son adresse et sa prudence, est maintenant (du moins en Europe) un animal misanthrope, borné, de peu de sens. Le castor, qui, en Amérique dans sa paisible solitude, était devenu architecte, ingénieur, s'est découragé; il fait à peine aujourd'hui des trous dans la terre. Le lièvre, si bon, si beau, original par sa fourrure, sa célérité, la finesse extraordinaire de l'ouïe, aura bientôt disparu; le peu qui reste est abruti. Et pourtant le pauvre animal est encore docile, éducable; avec de bons traitements, on peut lui apprendre les choses les plus contraires à sa nature, celles qui demandent du courage.

      Ces pensées que d'autres ont écrites et bien mieux, nous, nous les eûmes au cœur. Elles ont (Page )été notre aliment, notre rêve habituel, couvé pendant ces deux années, en Bretagne, en Italie; c'est ici qu'elles sont devenues, dirai-je un livre? un fruit vivant? À la Hève, il nous apparut dans son idée chaleureuse, celle de la primitive alliance que Dieu a faite entre les êtres, du pacte d'amour qu'a mis la Mère universelle entre ses enfants.

      La classe ailée, la plus haute, la plus tendre, la plus sympathique à l'homme, est celle que l'homme aujourd'hui poursuit le plus cruellement.

      Que faut-il pour la protéger? révéler l'oiseau comme âme, montrer qu'il est une personne.

      L'oiseau donc, un seul oiseau, c'est tout le livre, mais à travers les variétés de la destinée, se faisant, s'accommodant aux mille conditions de la terre, aux mille vocations de la vie ailée. Sans connaître les systèmes plus ou moins ingénieux de transformations, le cœur unifie son objet; il ne se laisse arrêter ni par la diversité extérieure des espèces, ni par la crise de la mort qui semble rompre le fil. La mort survient, rude et cruelle, dans ce livre, en plein cours de vie, mais comme accident passager: la vie n'en continue pas moins.

      Les agents de la mort, les espèces meurtrières, tellement glorifiées par l'homme, qui y reconnaît (Page )son image, se trouvent ici replacées fort bas dans la hiérarchie, remises au rang que leur doit la raison. Elles sont les plus grossières dans les deux arts de l'oiseau, pour le nid et pour le chant. Tristes instruments du fatal passage; elles apparaissent au milieu de ce livre comme les ministres aveugles de la Nature en sa plus dure nécessité.

      Mais la haute lumière de vie, l'art dans sa première étincelle n'apparaît qu'en les plus petits. Aux petits oiseaux sans éclat, d'une robe modeste et sombre, l'art commence, et, sur certains points, monte plus haut que la sphère de l'homme. Loin d'égaler le rossignol, on n'a pu encore le noter, ni se rendre compte de sa chanson sublime.

      Donc, l'aigle est détrôné ici, le rossignol intronisé. Dans le crescendo moral où va l'oiseau se formant peu à peu, la cime et le point suprême se trouvent naturellement, non dans une force brutale, si aisément dépassée par l'homme, mais dans une puissance d'art, de cœur et d'aspiration, où l'homme n'a pas atteint, et qui, par delà ce monde, le transporte par moment dans les mondes ultérieurs.

      Haute justice, et vraiment juste, parce qu'elle est clairvoyante et tendre! Faible sur bien des points (Page )sans doute, ce livre est fort de tendresse et de foi. Il est un, constant et fidèle. Rien ne le fait dévier. Par-dessus la mort et son faux divorce, à travers la vie et ses masques qui déguisent l'unité, il vole, il aime à tire-d'aile, du nid au nid, de l'œuf à l'œuf, de l'amour à l'amour de Dieu.

      À la Hève, près le Havre, 21 septembre 1855.

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