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étrange que nous ne publions plus régulièrement les communiqués officiels français. La raison en est bien simple. Il n'y en a plus ou presque plus.

      C'est à peine si de temps en temps le Gouvernement publie quelques lignes.

      Le prétexte donné c'est que l'on ne veut pas fournir d'indication aux Allemands sur les positions des troupes alliées et cacher les mouvements de celles-ci.

      (Le Bruxellois, 24 octobre 1914.)

      Voici un petit relevé, fait d'après Le Temps, qui permet de vérifier cette affirmation. Ajoutons que, dans aucun des communiqués français, il n'est dit que le Gouvernement veut cacher des mouvements de troupes.

      Nombre de lignes des communiqués officiels français publiés par Le Temps:

      Les communiqués du 15 octobre 1914 comptent 25 lignes.

       - 16 - 12 -

       - 17 - 18 -

       - 18 - 18 -

       - 19 - 30 -

       - 20 - 29 -

       - 21 - 16 -

       - 22 - 24 -

       - 23 - 43 -

      Encore plus tard, les «communiqués officiels» furent tolérés. La photographie d'un journal de Bruxelles, tel qu'il revient de la censure (pl. XV), fera voir au lecteur comment celle-ci procède. Tout commentaire serait superflu.

      Malheureusement pour les Allemands, nous continuons à recevoir des journaux français non tronqués, ce qui nous met à même de rétablir le texte authentique des communiqués et de constater du même coup l'imposture des feuilles soumises. Il faut croire que le gouvernement occupant se rendit compte de l'inutilité de son élagage, car, à partir de juillet-août 1915, les communiqués alliés paraissent généralement au complet dans les journaux de Bruxelles. Bien mieux, la Kölnische Zeitung elle-même en donne le texte à peine falsifié.

      Toutefois, de nombreux articles sont chaque fois retranchés par les ciseaux de la censure. Au commencement, les journaux laissaient simplement des blancs à la place des mutilations. Mais le lecteur était ainsi averti du tripotage, chose que les Allemands ne peuvent pas admettre. Aussi font-ils publier à Bruxelles, à l'usage des quotidiens bâillonnés, deux journaux dactylographiés: Le Courrier belge. dont «tous les articles ont passé par la censure», et L'Hollando-Belge (sic), qui jouit des mêmes prérogatives. Les journaux châtrés sont tenus d'y découper des emplâtres ayant la surface voulue pour cacher l'amputation.

      Voici un nouvel exemple de ce qui reste d'un texte après que la censure y a sévi:

       Science allemande.

       Genus mendacio natum.

      On n'aura jamais fini de démasquer le système de réticences et de mensonges par lesquels le Gouvernement allemand essaie d'égarer l'opinion belge. Le système se développe sans cesse et trouve parfois, hélas, de tristes complicités parmi ceux qui se disaient hier nos compatriotes. En voici un nouvel exemple. J'ai sous les yeux deux volumes jaunes imprimés rue Van-Schoor, 32, à Bruxelles, et intitulés: Histoire de la Guerre de 1914-1915, d'après les documents officiels.

      Pareil titre est une promesse, un engagement d'honneur... dans les pays sans «Kultur». Mais le livre est autorisé par le Gouvernement impérial, et qui dit «censure allemande» dit «falsification». Les documents des puissances centrales sont reproduits fidèlement et au complet (nous le supposons du moins). Quant aux documents des Alliés, qu'on juge, par cet exemple choisi entre cent, ce qu'ils deviennent dans une telle publication.

      Il s'agit du rapport si connu de Sir Goschen, un des documents diplomatiques les plus importants de cette guerre. Extrayons-en une partie du récit de la fameuse entrevue avec M. von Bethmann-Hollweg. Nous donnons en regard le texte authentique et la rédaction frelatée que tolère la science loyale d'outre-Rhin.

TEXTE FALSIFIÉ (Histoire de la Guerre, I, p. 206 et suiv.) Je trouvai le chancelier dans une visible agitation. Son Excellence dit que la décision de S. M. Britannique était terrible. L'Angleterre allume la guerre entre deux nations soeurs qui ne désireraient au fond que de vivre en paix. Tous nos efforts ont été vains. Ce que vous faites dépasse toute imagination; vous faites le coup de l'homme qui attaque par derrière un autre déjà aux prises avec deux agresseurs. Je protestai vigoureusement contre ses arguments. TEXTE AUTHENTIQUE Je trouvai le chancelier dans une grande agitation. Son Excellence commença une harangue qui dura vingt minutes. Il me dit que la décision de S. M. Britannique était terrible. Tout cela pour un mot neutralité, un mot auquel en temps de guerre on n'a jamais fait attention, tout cela enfin pour un chiffon de papier. L'Angleterre allume la .guerre entre deux nations soeurs qui ne désireraient au fond que de vivre en paix. Tous nos efforts ont été vains. Toute ma politique s'écroule comme un château de cartes. Ce que vous faites dépasse toute imagination; vous faites le coup de l'homme qui attaque par derrière un autre déjà aux prises avec deux agresseurs. Je laissai passer l'orage, mais je protestai vigoureusement contre son langage. M. von Jagow m'a dit, lui répliquai-je, que, pour des raisons stratégiques qui sont pour vous une question de vie ou de mort, vous deviez violer la neutralité de la Belgique. Souffrez que je vous dise, qu'au point de vue de notre honneur, le respect de cette neutralité est aussi une question de vie ou de mort. Nous devons faire respecter le traité, sinon quelle confiance aurait-on encore dans la signature de l'Angleterre? Le chancelier réplique: A quel prix devrons-nous respecter ce traité? L'Angleterre y a-t-elle pensé? Je fis remarquer à Son Excellence que la crainte d'événements même fâcheux n'est jamais une excuse pour rompre un traité. Mais Son Excellence devint si exaltée que je m'aperçus qu'il était inutile de continuer l'entretien et que nos paroles étaient de l'huile jetée sur le feu.

      Le reste du récit de l'entrevue est à l'avenant, mais—et ici nous tombons dans le ridicule—l'histoire du chiffon de papier par Sir Goschen est omise, le misérable essai de réfutation de M. von Bethmann-Hollweg est reproduit in extenso, page 465 du second volume.

      Et voilà comment depuis treize mois se prépare au delà du Rhin l'histoire «définitive» de la guerre. La falsification s'y organise militairement... comme tout le reste. Un document mérite-t-il plus d'égards qu'un traité?

      VERAX. (La Libre Belgique, n° 49, octobre 1915, p. 2, col. 1.)

      Comment les journaux «belges» acceptent-ils leur muselière? Un article de La Belgique (journal censuré de Bruxelles), reproduit et commenté par L'Echo belge de La Haye, nous renseignera:

      Le nommé Ray Nyst, journaliste de métier, publie dans un quotidien imprimé au pays occupé quelques aperçus sur la censure. Il sera utile de ne pas les oublier à l'heure de la victoire. Nous ne prendrons pas la peine de discuter l'opinion de M. Ray Nyst, évidemment, mais il est bon que nos lecteurs en prennent connaissance:

      «La censure! ah! voilà une grosse affaire! De loin, quel épouvantail! De près, ce n'est rien. N'avez-vous jamais eu en main de ces libelles, publiés sous le manteau, patriotards et crapuleux (sic)? De ces écrits propageant des appels provocateurs malsains (est-ce à La Libre Belgique que s'adresse M, Ray Nyst?) en opposition avec tout sentiment de droiture et qui sont la négation même de l'évolution du droit et des conférences de La Haye? Voilà quels papiers auraient à craindre la censure!

      «En présence d'un honnête imprimé qui ose se montrer, la censure allemande suit les règles de toutes les censures, nationale ou étrangère. Le gouvernement volontaire ou imposé est toujours juge de l'opportunité de laisser connaître ou non telle ou telle nouvelle d'ordre politique ou militaire. Le droit international et les conférences sont d'accord là-dessus.

      Et le bon sens de même! La censure ne fait pas les journaux ni les fascicules scientifiques; la censure

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