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Histoire de la République de Gênes. Emile Vincens
Читать онлайн.Название Histoire de la République de Gênes
Год выпуска 0
isbn 4064066085735
Автор произведения Emile Vincens
Жанр Документальная литература
Издательство Bookwire
Ainsi fut accomplie la tentative, naguère manquée, de rendre le gouvernement gibelin, en le livrant à un ou deux nobles éminents. On affecta la couleur d'une révolution démocratique. Il est vrai qu'il y eut alors une restitution faite aux plébéiens, qu'on leur donna place dans les conseils d'où la noblesse les avait probablement éliminés: mais il serait dérisoire de représenter cet esprit comme triomphant dans cette occasion. Les chroniques disent dans leur latin qu'alors on fit le peuple3; mais enfin la république abandonnée à la dictature presque arbitraire de deux nobles, tel fut le fruit de cette prétendue révolution dans laquelle on persuada au peuple qu'il avait ressaisi ses droits. Dans cette revendication de son pouvoir, conduit par quelques membres de l'aristocratie, il les accepte pour ses maîtres, et son transport pour la liberté n'est qu'un instrument saisi par des ambitieux pour leur propre profit. Quant aux nobles entre eux, ce n'est qu'une substitution violente de faction et de personnes.
CHAPITRE III.
Démêlés avec Charles d'Anjou.
Le saint roi de France Louis mourait sur le rivage de Tunis pendant que ces événements se passaient en Italie. L'assistance des Génois ne lui manqua pas. Quelques années (1267) avant son expédition, le pape et le roi de Naples avaient fait demander à Gênes de favoriser le voyage d'outre-mer. Ils avaient même profité de cette circonstance pour obliger la république à faire la paix avec Venise afin que rien ne contrariât la croisade. Non-seulement on avait assuré qu'en paix comme en guerre tout serait fait pour seconder les vues du roi de France, mais des ambassadeurs furent envoyés à lui-même pour offrir les services et la marine du pays. Une négociation s'établit et occasionna de fréquents messages réciproques (1269). Il paraît cependant que le roi s'excusa d'affréter les galères de la république1, mais les équipages des siennes furent pris à Gênes. Nombre d'armateurs joignirent leurs bâtiments à sa flotte (1270). En partant d'Aigues-Mortes il y trouva dix mille Génois, engagés à son service ou volontaires, qui, se voyant en si grand nombre, et suivant leur antique usage, convinrent d'élire entre eux des consuls pour prendre soin de tous les intérêts communs. Ils déférèrent cette autorité à deux nobles, Antoine Doria et Philippe Cavaronco. Quand la flotte toucha à Cagliari, les Pisans, qui y dominaient, furent effrayés du grand nombre de leurs ennemis que l'on remarquait dans l'armée française.
Longtemps on avait cru que le roi retournait en Syrie et on l'y suivait avec joie. On fut bien moins satisfait quand l'ordre fut donné de faire voile vers les côtes de Tunis. C'était, à cette époque, une contrée d'un très-grand commerce pour les Génois. Ils avaient leurs alliances avec le roi de ce pays. A l'ombre des franchises et des privilèges obtenus, les marchands y affluaient et y avaient formé des établissements stables. L'expédition allait compromettre tous ces intérêts. En effet, quand la flotte des croisés parut sur le rivage et qu'on y distingua le pavillon de Gênes, le roi more fit arrêter tous les Génois qui se trouvaient dans ses États et s'empara de leurs propriétés. Il les traita cependant avec modération et seulement comme otages. Ils furent renfermés dans un de ses palais. On ne les accusa point d'avoir attiré cette tempête, et il est vrai que sur la flotte même on n'avait appris la direction de la croisade qu'en pleine mer.
On débarqua sous les murs de Carthage. Les Génois se distinguèrent à l'attaque de cette ville. Quand elle fut prise, leur bannière y fut arborée auprès de celle des Français.
Bientôt la peste étendit ses ravages sur cette armée. Le plus jeune fils de Louis mourut, lui-même fut frappé à mort. Ses derniers moments sont connus de tout le monde. Le roi de Naples, qui ne survint qu'au moment où son frère venait d'expirer, veilla au soin de l'armée. A Tunis on était disposé à se délivrer, par une prudente négociation, du danger dont avait menacé une agression si imposante. Une trêve fut bientôt conclue. Les chrétiens s'engagèrent pour un certain nombre d'armées à ne pas renouveler la guerre. Le More consentit sans difficulté à indemniser les Génois pour ce qu'il leur avait enlevé, et la bonne harmonie avec eux fut rétablie sans nuage et consolidée peu après (1272) par un renouvellement de l'ancien traité. C'est ainsi qu'on quitta le rivage d'Afrique. A peine on s'en éloignait qu'une tempête affreuse dispersa la flotte; elle en reçut les plus grands dommages. Beaucoup de vaisseaux génois échouèrent sur les côtes de Sicile; et là, tout ce qu'on put sauver de ces navires naufragés, Charles se l'adjugea par droit royal en vertu d'une odieuse coutume venue des siècles et des pays les plus barbares. Les Génois faisaient valoir des traités qui les exemptaient de ce droit inhumain. Charles