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fut bien plus grande, quand, au temps ordinaire de l'élection du podestat futur, on apprit que Baldini manoeuvrait pour rester en charge. Il avait fait venir de Rome Godefroy, chapelain du pape, chargé par le pontife d'absoudre de tout serment tant le podestat qui, à son installation, avait juré de ne pas garder le pouvoir au delà de son année, que les électeurs, le conseil, la commune entière qui juraient tous les ans de ne souffrir ni la prorogation ni la réélection de ce souverain magistrat. Déjà les électeurs étaient renfermés, le scrutin leur avait été remis et leur séance se prolongeait aux yeux du public soupçonneux. Ils avaient expédié un message à l'archevêque, au chapelain et aux frères mineurs dont le crédit était fort grand, pour qu'on leur dît si en effet ils pouvaient sans péché renommer le podestat actuel contre la teneur de leur serment. L'impatience publique trancha la question. Il y eut un soulèvement universel; on protesta que ce parjure et cet opprobre ne seraient pas soufferts, et comme il plut à Dieu, l'archevêque et les frères mineurs répondirent aux électeurs de ne pas songer à la réélection: Spino de Sorexino, Milanais, fut nommé.

      (1230) La magistrature de Sorexino fut troublée et terminée par un incident qui fait connaître le peuple et le siècle. On avait fait capture de quelques pirates de Porto-Venere. On condamna les complices à la mutilation de la main droite, et les chefs au dernier supplice. Mais dans ce pays où le sang se répandait avec si peu de scrupule et souvent pour des intérêts si indignes, il régnait une horreur invincible pour les exécutions de la justice. Ce sentiment favorable à l'impunité, perpétué jusqu'à nos jours, y était entretenu par les soins des prêtres, et surtout des religieux qui avaient ordinairement les honneurs de toute grâce obtenue pour les malfaiteurs convertis. Dans cette occasion les dominicains et les frères minimes sollicitèrent pour les condamnés. Le podestat, peu disposé à céder, pour couper court à tout délai, ordonna d'exécuter la sentence sans remise au lendemain; c'était un dimanche et le jour de la fête de Nazaire et Celse, saints martyrs de Gênes. Cette circonstance souleva d'indignation les femmes de tous les rangs et avec elles l'archevêque et le reste du clergé. Le podestat voulait être obéi; il convoqua un parlement à Saint-Laurent. Les femmes se précipitèrent dans l'église et rendirent la convocation inutile. Dans le tumulte un cheval effrayé emporta le malheureux Sorexino et le précipita sur le perron de Saint-Laurent. Il eut une jambe cassée. A peine transporté chez lui et le premier appareil mis, les officiers qu'il avait chargés de veiller à l'exécution des condamnés vinrent lui annoncer un miracle inouï. Sur quatre coupables, deux qui en marchant à la mort s'étaient recommandés à Dieu et à saint Jean-Baptiste, pendus avec leurs compagnons n'étaient pas morts comme eux. Ils respiraient encore. On venait demander de nouveaux ordres sur un incident si peu croyable. Le podestat, dont l'accident passait déjà pour un jugement de Dieu, se hâta d'ordonner que les deux malheureux fussent ramenés. Le conseil, appelé, consentit que leur grâce et leur liberté fussent prononcées. Enfin, comme pour imprimer plus avant les terreurs superstitieuses, le podestat ne se rétablit des suites de sa chute que pour être frappé de mort subite au milieu des réjouissances de sa guérison.

      CHAPITRE VI.

       Frédéric II. - Expédition de Ceuta.

      (1231) L'état de l'Italie était toujours précaire. L'empereur Frédéric indiqua une diète à Ravenne, où il voulait, d'accord, disait-il, avec le saint-père, pourvoir aux discordes et aux guerres intestines dont les villes étaient agitées. C'est en ces termes qu'il manda les représentants de la commune de Gênes. Dans cette assemblée il promulgua un décret général pour défendre à toute cité de prendre ses podestats ou ses gouverneurs parmi les citoyens des villes lombardes en rébellion contre la souveraine puissance impériale. Les députés de Gênes eurent peine à obtenir la parole pour lui représenter humblement que le podestat de l'année prochaine était déjà nommé, que l'élection, toujours faite à l'avance et au temps déterminé par les lois du pays, était tombée sur un Milanais1; qu'à cette époque l'intention de l'empereur n'était ni annoncée ni prévue; Gênes à l'avenir se garderait bien de tout choix qui pourrait déplaire, mais on réclamait son indulgence pour ce qui était déjà fait. On ne pouvait faire affront au podestat désigné; on ne pouvait, sans manquer à toutes les lois de la commune et aux serments les plus sacrés, rétracter une nomination régulière et solennelle qui n'avait pas même été faite par acclamation, mais qui était sortie de l'urne d'un scrutin2. Frédéric ne donna point de réponse. Les députés de retour ayant rendu compte de leur mission, les partisans impériaux élevèrent la voix et demandèrent que le podestat élu fût contremandé. Ils prirent les armes pour appuyer leur voeu. Cependant le parti opposé l'emporta dans le conseil, et l'installation du nouveau magistrat fut délibérée. Frédéric, irrité, fit emprisonner les Génois qui se trouvaient dans son royaume de Sicile, et saisit leurs biens (1232). Gênes tint un grand parlement sur cette fâcheuse nouvelle. Les opinions divergentes s'y donnèrent pleine carrière. On proposa d'entrer franchement dans la ligue lombarde. La majorité du conseil fit du moins résoudre une ambassade à cette ligue. La minorité, qui voulait députer à l'empereur, parut assez imposante pour ne pas refuser d'expédier à Frédéric un chanoine de Saint-Laurent, comme négociateur secret; mais il fut promptement éconduit. Les amiraux de l'empereur donnèrent la chasse aux bâtiments génois. Frédéric, occupé d'autres combinaisons, affecta la miséricorde (1233). Il écrivit à Gênes des lettres pacifiques. Les messagers se succédèrent; enfin la négociation tourna heureusement. Les Génois détenus à Naples et en Sicile furent remis en liberté, ils reprirent leurs propriétés séquestrées. L'effet de ce raccommodement dura quelques années, pendant lesquelles les Génois continuèrent à recevoir leur podestat de Florence, de Bologne, de Milan. La république, dans cet intervalle, adhéra de plus en plus au pape, envoya des ambassadeurs traiter avec Venise, et mit le plus grand soin à rétablir la concorde troublée dans les villes guelfes de son voisinage.

      Le commerce maritime était toujours l'intérêt principal. On expédiait fréquemment des galères pour protéger la navigation, particulièrement pour tenir en respect les Mores d'Espagne et de Barbarie, tantôt amis, tantôt ennemis, et toujours prêts à prendre leurs avantages quand ils voyaient de riches proies et peu de forces pour leur imposer. Dix galères et quelques bâtiments légers devant Ceuta avaient ramené (1231) à l'alliance de Gênes l'émir qui y commandait et le soudan de Maroc, suzerain de ce pays. Malocello et un Spinola en avaient rapporté au trésor de Gênes huit mille besants et avaient montré au peuple, comme un don de l'émir à la république, un cheval couvert de drap d'or et ferré d'argent. Ceuta était alors un des points les plus importants du commerce des Génois; ils y avaient beaucoup de marchands et de capitaux, quand tout à coup on apprit qu'une croisade avait été prêchée en Espagne contre cette ville, et qu'elle était menacée d'un siège par les chrétiens. Les croisés avaient déjà pris les bâtiments génois qu'ils avaient rencontrés dans ces parages. Il y avait tout à craindre pour les propriétés et pour les personnes, si l'on ne s'opposait à cette entreprise. Le risque et le scrupule de combattre contre des chrétiens pour les païens affligeaient vivement, mais un intérêt humain si puissant devait passer avant tout. On se hâta d'expédier une flotte. On espéra qu'en déployant ces forces devant les Espagnols et en employant les voies de la conciliation, les hostilités pourraient être évitées. On obtint en effet quelques promesses, mais si vaines que les croisés tentèrent ouvertement d'incendier la flotte génoise. En même temps le soudan invoquait le secours des Génois et s'engageait à payer la moitié des frais des armements qu'ils enverraient pour la défense des intérêts communs. Cet appel détermina un effort; on fit partir vingt-huit galères et quatre grands vaisseaux (1234). Il paraît que ce puissant secours détourna l'orage et rendit la sécurité à Ceuta. Mais quand on en vint à réclamer du soudan le remboursement des dépenses suivant sa promesse, il fut peu disposé à la tenir. Les Génois qui étaient en force la revendiquèrent avec une hauteur menaçante; le soudan traînant la négociation en longueur, fit venir de l'intérieur des troupes nombreuses de ses barbares. Une rixe entre cette soldatesque et les équipages des galères ne tarda pas à s'élever; ce fut le signal d'un massacre et surtout du pillage et de l'incendie des magasins et des maisons des Génois. Rien ne put induire le soudan à la réparation de ce dommage et à l'exécution de ses engagements. On n'eut pas d'autre ressource que de déclarer formellement la guerre à ce prince barbare, tandis que

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