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toutes les merveilles fourmillant sur notre belle terre de France. Je suis persuadé, après avoir assisté aux magnifiques envolées des modernes hommes-oiseaux sur la plaine de Bétheny, que l'aéroplane est dès à présent parvenu à un point suffisant de pratique pour qu'on puisse envisager, sans outrecuidance, son application au tourisme. Tous, autant que nous sommes ici, nous sommes capables de rivaliser—après une certaine période d'apprentissage, s'entend!—avec les conducteurs d'aéroplanes que nous avons admirés ces jours-ci. Et si je suis partisan décidé du plus lourd contre le plus léger que l'air, c'est justement à cause de la plus grande maniabilité de l'aéroplane, comparativement au dirigeable. Je n'ai pas la prétention, d'ailleurs, d'exécuter du premier coup, surtout au-dessus de tous les terrains, des parcours extraordinaires. Non, mon ambition est plus modeste et mon intention n'est nullement de voler avec la vitesse de l'hirondelle au-dessus des mers et des sommets de nos montagnes les plus escarpées. Je me contenterais très bien d'étapes moyennes de quarante à cinquante kilomètres; cela me semble très suffisant pour des promeneurs ne songeant à battre nul record, pas plus qu'à conquérir le moindre prix, et cela donne le moyen de visiter tout ce qu'une région peut contenir d'intéressant. Avec un programme aussi modéré, je crois la chose faisable, car nous pourrons avoir des appareils plus robustes et plus pratiques à tous points de vue, puisque tout ne s'y trouvera pas sacrifié à la question de la vitesse.

      Je me résume. Que diriez-vous donc, mes chers amis, de tenter ensemble un voyage d'études, de ville à ville, en aéroplane, et de profiter de la prochaine belle saison pour entreprendre une expédition de ce genre et entraîner par notre exemple la jeunesse française encore indécise. N'est-ce pas là un beau programme à remplir?... Vulgariser le tourisme aérien en fournissant la démonstration de sa praticabilité, de ses avantages et de ses agréments, en un mot de sa supériorité sur tous les autres procédés de locomotion? Voilà quelle est mon idée, et si vous avez, comme je le crois, l'esprit sportif, vous ne la rejetterez pas sans lui faire l'honneur de l'examiner. J'ai dit. Maintenant j'attends les contradicteurs et suis prêt à leur répondre!

      Cette longue tirade terminée, le jeune homme attira une chaise à lui et s'assit en souriant et murmurant:

      —Je suis à bout de souffle! C'est une vraie conférence que je viens de prononcer!

      L'assistance, qui avait suivi l'orateur avec attention et sans l'interrompre, accueillit la péroraison de ce discours par un murmure approbateur, puis le diapason des voix s'éleva, des discussions particulières s'engagèrent avec animation, mais la voix perçante de Réviliod domina le tumulte.

      —Le tourisme aérien en ballon dirigeable, passe encore, disait le Petit Biscuitier, mais en aéroplane, non, ce n'est pas réalisable, croyez-moi.

      —Eh bien! dans ce cas, nous aurons le mérite de l'inaugurer!... lui riposta Outremécourt.

      Pour dominer le bruit, Médouville asséna plusieurs coups de canne retentissants sur une table, en s'écriant d'un ton de voix suraigu:

      —Je demande la parole. J'ai une proposition à vous adresser!...

      Un silence relatif s'établit, et le Mécène en profita pour s'expliquer.

      —Je crois, comme notre ami La Tour-Miranne, que les excursions en aéroplane sont faisables, et je me fais fort de trouver des inventeurs qui nous fourniront les appareils perfectionnés qui nous seront nécessaires. Je propose donc d'unir nos efforts dans un but commun, et pour cela de créer la première société qui existera dans le monde, de sport et surtout de tourisme aérien. Que tous ceux qui sont de mon avis et veulent nous aider lèvent la main!...

      Un tonnerre d'acclamations roula et une douzaine de mains se levèrent

      —C'est cela!... Bien trouvé, Médouville!... Nous vous suivrons!... clamèrent des voix enthousiastes.

      —Et moi, je vous répète que c'est impossible!... protesta Réviliod s'agitant comme un possédé.

      Sans tenir compte de cette contradiction obstinée, le protagoniste des inventeurs continua:

      —Le principe étant admis, la première chose à déterminer maintenant c'est de donner un nom à notre association. Que diriez-vous, mes amis, de Club des Aéroplanistes Français?...

      —Trop long!... fit Outremécourt. Je propose un nom plus court: Avia-Club, par exemple.

      —Aviator-Société, cria une autre voix.

      —Les Touristes aériens! prononça un quatrième.

      —Pour donner satisfaction à chacun, et avoir une désignation exacte, choisissons donc Aéro-tourist-club, cela dit tout!... proposa à son tour le marquis de La Tour-Miranne.

      —Oui! oui! Aéro-tourist-club, approuvèrent les juvéniles partisans des aéroplanes, malgré les dénégations et les marques de désapprobation du Petit Biscuitier qui s'agitait désespérément au milieu d'eux.

      —Voilà donc le premier point acquis! reprit alors Médouville, qui s'était décidément improvisé le speaker de la réunion. Notre Société a un nom, il faut maintenant lui constituer un bureau, suivant les plus purs usages du parlementarisme. Je n'ai pas besoin de demander qui vous voulez voir à la tête de l'Aéro-tourist-club...

      Les paroles de l'orateur furent couvertes par des acclamations répétées.

      —La Tour-Miranne!... La Tour-Miranne, président!... fut-il répondu à l'unanimité.

      Le sportsman s'inclina.

      —Je vous remercie, mes chers amis, de l'honneur que vous me faites, et je tâcherai de le mériter en conduisant de mon mieux, je ne dirai pas notre barque, mais l'aéroplane qui portera les couleurs de notre nouveau club. Je vous demanderai seulement d'unir vos efforts aux miens pour organiser la première caravane aérienne à travers le ciel de France.

      Des applaudissements nourris accueillirent ce petit discours, mais La Tour-Miranne fit signe qu'il n'avait pas fini de parler et le bruit s'apaisa quelque peu.

      —Vous avez bien voulu me choisir pour la présidence de l'Aéro-tourist-club, reprit-il. Il nous faut encore un vice-président, un secrétaire général et un trésorier pour compléter le bureau chargé de veiller aux intérêts de la Société et, en premier lieu, d'en élaborer les statuts. Je vous prierai donc de me désigner ces collaborateurs indispensables.

      Des colloques s'établirent aussitôt et au bout de quelques instants l'accord se fit. Outremécourt accepta le poste de vice-président, Médouville celui de secrétaire, et Léonce Breuval, dont le père était agent de change, celui de trésorier, Réviliod, Damblin et les autres assistants ayant décliné toute candidature.

      —Ainsi donc, scanda Médouville, le bureau de l'Aéro-tourist-club est bien et dûment constitué d'un accord unanime. Il s'agit de déterminer exactement son but et de jeter les plans des premiers actes de son existence.

      —Son but!... La Tour-Miranne l'a très nettement indiqué je crois, fit observer Damblin. Ne s'agit-il pas, si j'ai bien compris, de vulgariser par l'exemple, l'usage de l'aéroplane pour les voyages de plaisance?...

      —En effet, approuva le promoteur de la nouvelle société, et je n'aurais pas mieux défini le rôle que nous voulons jouer que vous venez de le faire, mon cher Damblin. Quant à la seconde question de notre secrétaire général, je répondrai qu'à mon avis il faut frapper l'imagination des masses par l'organisation d'une longue excursion aérienne, de façon à donner la démonstration irréfutable de la valeur de l'aéroplane comme engin de tourisme.

      —Le tour de France en aéroplane!... ricana Réviliod.

      —Le tour de France?... Oui, pourquoi pas, répliqua sans hésiter le marquis. Cela n'a rien d'impossible, puisque nous bornerons notre ambition à de courtes envolées avec une vitesse très raisonnable!

      Le Petit Biscuitier haussa les épaules avec dédain.

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