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de la locomotion aérienne sera trouvée dans une tout autre voie, croyez-moi.

      A ce moment, une rumeur se fit entendre dans la grande salle du rez-de-chaussée. Les jeunes gens prêtèrent l'oreille.

      Au même instant, la bonne face réjouie de la Providence des inventeurs, René de Médouville, s'encadra dans l'entre-bâillement de la porte.

      —Ne vous effrayez pas, dit-il, ce sont les admirateurs des hommes volants qui font une ovation à Lefebvre et à Curtis, qui ont été reconnus parmi les consommateurs. Ça doit être quelquefois bien gênant d'être célèbre!...

      —Aussi t'efforces-tu de le devenir!... fit, avec une bourrade amicale, La Tour-Miranne, qui, fidèle à sa promesse, apparaissait accompagné d'Outremécourt. Allons, fais-nous place, moulin à idées!...

      Réviliod, que l'on appelait aussi, en plaisantant, le Petit Biscuitier parce qu'il était le fils du richissime fabricant de biscuits de France, «la marque universellement connue R-T», ne s'était pas démonté pour si peu, et le flot intarissable de ses paroles coulait toujours.

      —L'aéroplane, biplan ou monoplan, ne se prête à aucune utilisation pratique possible; A la guerre, me dites-vous, il sera précieux pour les reconnaissances!... Erreur profonde, messieurs. La première condition à remplir à la guerre est de pouvoir s'élever le plus haut possible pour se mettre à l'abri des coups de l'artillerie ennemie, or c'est à peine si les appareils actuels peuvent atteindre quelques centaines de mètres. Leurs pilotes seront donc exposés à être mitraillés sitôt aperçus; ils auront beau aller vite, les obus iront encore plus vite qu'eux. C'est pourquoi je m'évertue à le répéter: ces recherches sont stériles et ne sauraient conduire à rien de sérieux! Il faudra en revenir au principe opposé, à l'aéronat plus léger que l'air, qui donne gratuitement la sustention et assure la sécurité de l'équipage!...

       Blériot sur son aéroplane monoplan.

      —Allons, coupa La Tour-Miranne, vous vous bouchez les yeux pour ne pas voir clair, mon brave Réviliod. C'est un parti pris chez vous de dénigrer les choses nouvelles. Vous êtes un rétrograde, un contempteur du progrès!...

      Le Petit Biscuitier, piqué au vif, sursauta.

      —Un rétrograde, moi!... Par exemple, voilà un reproche que je ne pensais pas mériter, moi qui adopte toutes les créations, toutes les conquêtes de l'ingéniosité humaine, aussitôt que leur utilité m'est démontrée...

      —Ah! je vous y prends, il faut que vous reconnaissiez cette utilité...

      —Tiens!.... Cela me paraît élémentaire! Mais, pour en revenir au sujet de notre conversation, voudriez-vous seulement m'énumérer, La Tour-Miranne, les applications dont l'aéroplane actuel vous semble susceptible, et celles que vous pourriez raisonnablement en faire?...

      Le sportsman se redressa.

      —Ce que j'en ferais, si je savais m'en servir!... Eh bien! j'en ferais l'engin de tourisme idéal, bien supérieur à la bicyclette, au chemin de fer et à l'automobile!

      La Tour-Miranne avait prononcé ces mots d'une voix vibrante d'enthousiasme. Ses amis se rapprochèrent de lui.

      —Oui, reprit-il avec chaleur, l'aéroplane, tel qu'il est dès maintenant, peut constituer un moyen de locomotion idéal, je ne parle pas seulement pour l'exploration des régions inconnues du globe, cela viendra plus tard, mais pour le vrai tourisme, car il peut faire ce que ne saurait faire l'auto, avec quoi on ne peut dominer du regard le panorama du pays que l'on traverse. Le ballon dirigeable, seul, peut lui être comparé pour cet usage spécial, mais il ne faut pas oublier qu'il lui faut un hangar prêt à le recevoir au bout de chaque étape et qu'il est d'un entretien plutôt délicat...

      —Vous voudriez faire des voyages d'agrément avec des aéroplanes?... interrompit en ricanant le défenseur des aérostats.

      —Pourquoi pas!... répliqua avec assurance le jeune homme.

      —Vous n'iriez pas loin avant de casser du bois, je le crains.

      —C'est à savoir!... Pourquoi ne ferais-je pas—une fois mon apprentissage d'aviateur terminé, bien entendu!—tout aussi bien que les expérimentateurs, aux succès de qui nous venons d'applaudir?... Tenez, je vais même plus loin dans mes affirmations, et je vous dis qu'il n'en est pas un de nous qui, après avoir appris à conduire un biplan ou un monoplan, ne deviendrait aussi habile qu'un élève de Wright ou de Farman!...

      —C'est un paradoxe et une affirmation un peu audacieuse...

      —Et pourquoi cela, interrogea Outremécourt intervenant dans la conversation. Je dis comme La Tour-Miranne, moi, et je crois qu'il n'est nullement indispensable d'être un individu exceptionnel pour conduire un aéro. Il n'a pas fallu tant d'heures que cela aux initiateurs du vol aérien pour devenir des maîtres. Qui nous empêcherait de devenir aussi habiles qu'eux?...

      —Paroles que tout cela!...

      Le marquis de La Tour-Miranne avait réfléchi pendant que parlait son ami.

      —Voulez-vous que nous vous donnions les preuves de ce que nous avançons, dit-il?

      —Et comment cela?...

      —Eh bien! écoutez-moi un instant. J'ai une idée. Je vais vous l'exposer et nos amis nous diront ce qu'ils en pensent.

      Et le jeune homme, s'accoudant à la cheminée du salon, prit la parole et développa sa pensée avec aisance et précision.

       Table des matières

       Table des matières

      M. DE LA TOUR-MIRANNE PRONONCE UN DISCOURS.—UN NOM DIFFICILE A TROUVER.—BUT POURSUIVI PAR LA NOUVELLE SOCIÉTÉ.—LE TOURISME EN AÉROPLANE.—LES TREIZE FONDATEURS.—LES ÉTAPES DU TOUR DE FRANCE.—DES PAROLES AUX ACTES.

      —On a reproché—non sans quelque raison—aux Français d'être par trop casaniers et de s'attacher trop fidèlement à leur clocher sans jamais vouloir le perdre de vue. Il résulte de cet état d'esprit que la jeunesse française ne connaît pas le monde et qu'elle est trop timorée pour s'expatrier et porter au loin le flambeau du génie national, ce qui est déplorable à tous points de vue, car, non-seulement nous ne savons pas lutter au loin contre les étrangers, mais ceux-ci eux-mêmes réussissent à s'implanter chez nous sans que nous puissions nous défendre contre leur invasion pacifique. Je le dis donc bien haut, il nous faut lutter par tous les moyens contre cette inertie et cette routine, et il est de toute nécessité d'apprendre aux jeunes Français à voyager.

      D'autre part, il faut réagir contre cette mode qui sévit depuis quelques années chez nous, parmi les gens qui se déplacent pour leur plaisir, de ne trouver de beaux paysages, de sites remarquables, de monuments curieux qu'hors de nos frontières. Il résulte de cet espèce de snobisme, qu'alors que les étrangers viennent dans notre pays, dont ils ont reconnu les agréments, les Français dédaignent les beautés de leur patrie et vont porter leur admiration et leur or chez leurs voisins, qui ont industrialisé les curiosités naturelles de leur région et en tirent par suite de bons revenus, alors que nous avons beaucoup mieux chez nous.

      Vous me direz que l'on commence toutefois à reconnaître l'exactitude des faits que je rapporte et que la jeunesse, encouragée par la multiplicité des moyens de transport actuels, est entrée dans le mouvement et se met à voyager, les plus fortunés en automobile, les autres à bicyclette ou en trains de plaisir. Un nouveau mode de locomotion s'offre à notre usage, et il me semble,

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