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de la vérité, elle serait bien décevante, car elle paralyserait tous les efforts destinés à lutter contre les tares ancestrales. Mais déjà Ezechiel avait énergiquement protesté (chap. XVIII) contre la fatalité des tares héréditaires; et la vérité est que l'influence de l'hérédité est modifiée grandement par la tendance qu'a tout être vivant à retourner à son type primitif, comme aussi par les influences du croisement, en vertu desquelles l'un des générateurs peut rectifier la tare transmise par son partenaire. Ce n'est que quand les deux générateurs ont les mêmes tares que l'hérédité sévit avec son maximum d'intensité; et alors non seulement les tares s'ajoutent, mais elles semblent se multiplier l'une par l'autre, au point de rendre l'enfant incapable de soutenir la lutte pour l'existence; ou bien, s'il vit, il n'a pas la force de transmettre la vie. Ainsi s'éteignent les familles par les «maladies» héréditaires, à moins qu'un des membres de la race déchue, revenant pour ainsi dire au type primitif, ne porte en lui une force de réaction insoupçonnée,—héritage peut-être d'un passé plus lointain,—qui lui permette de reconstituer la famille.

      Telles sont les considérations générales qu'il m'a semblé utile d'indiquer, parce qu'il en pourrait sortir un grand nombre de conclusions pratiques pour qui sait réfléchir. Mais il faut à présent que j'insiste sur quelques détails plus particuliers.

      D'abord, l'hérédité de la longévité.

      Il est des familles où l'on meurt vieux, de père en fils. On dirait des horloges remontées pour sonner à peu près le même nombre d'heures. Il est d'autres familles où tout le monde meurt jeune, sans cependant qu'on puisse incriminer des «maladies» spéciales. Pourquoi? Force est bien de le dire, nous ne le savons pas.

      Notons, en passant, combien sont erronées les théories qui attribuent à l'homme moyen une longévité moyenne, calculée d'après l'époque de la soudure des épiphyses, ou d'après la durée de la croissance: suivant les calculs de Flourens, cette moyenne devrait être de cent ans. Mais c'est là une simple vue de l'esprit, qui ne repose sur aucune observation sérieuse.

      Certes, on peut établir des moyennes. C'est sur des moyennes de ce genre, et sur le calcul des probabilités, que sont basés les statuts des compagnies d'assurance. De même, il n'est pas déraisonnable de supputer la longévité probable d'un individu donné, quand on est en mesure d'apprécier son capital biologique et la façon dont il sait s'en servir. Mais dire que l'homme est bâti pour vivre cent ans, parce que, dans les espèces animales, la longévité a cinq fois la durée de la croissance, et que, chez l'homme, la durée de la croissance est de vingt ans, c'est établir une théorie sur des bases absolument fragiles.

      Plus importantes encore que la plus ou moins grande longévité des parents, sont, pour nous, certaines particularités de leur état pathologique, qui retentissent d'une façon souvent très profonde sur la valeur de leurs enfants.

      On sait, par exemple, les influences néfastes de l'alcoolisme héréditaire, qui non seulement restreint la natalité, mais condamne ceux qui naissent à une mort rapide.

      N'est-il pas remarquable, en effet, que, dans la nature, les êtres sans défense luttent par leur polynatalité contre les causes de destruction auxquelles les expose leur faiblesse? Voyez dans le monde animal. Les animaux puissants, armés pour la défense ou pour la lutte, sont toujours de médiocres générateurs; l'éléphant, par exemple, ne donne naissance qu'à un nombre très restreint d'individus, la femelle porte longtemps; même remarque pour le lion. Au contraire, les animaux sans défense, se multiplient avec une rapidité qui les rend parfois redoutables: tels les lapins d'Australie. Il a suffi d'un couple importé par hasard dans cette colonie pour que ces animaux se soient multipliés au delà de toute mesure. A l'heure qu'il est, ils constituent encore un fléau pour l'agriculture. C'est que le lapin est un être faible, qui n'a de moyens ni d'attaque, ni de défense, ne sachant que fuir et se cacher. Dans l'espèce humaine, combien ne voit-on pas de ces couples admirablement bien assortis, de santé parfaite, et qui n'ont pas d'enfants? Nous ne parlons pas de ceux qui n'ont qu'un ou deux, enfants; car ici intervient un autre facteur, la restriction volontaire; mais de ces ménages exemplaires, où la venue d'un enfant serait une joie, et qui restent stériles, sans que rien dans l'état des conjoints explique cette stérilité.

      Au contraire, des générateurs de médiocre valeur, au point de vue de la santé, mettent au monde de nombreux enfants, qui bien souvent constituent pour eux une richesse négative. Ces malheureux portent le beau nom de prolétaires (proles, race).

      Mais que dis-je? la loi de protection des faibles s'étend à l'infini. Pourquoi naît-il plus de femmes que d'hommes? Pourquoi tel couple ne donne-t-il naissance qu'à des filles, tel autre qu'à des garçons? C'est que, dans le premier cas, la valeur biologique de la mère était sensiblement inférieure à celle du père. Quand il y a une disproportion marquée entre les deux générateurs, l'enfant qui naît a le sexe du générateur qui vaut le moins.

      Quand un homme vieux et usé épouse une jeune femme pleine de vie et de santé, l'enfant qui naîtra de leur union sera presque toujours un garçon.

      Dans le monde végétal, la même loi de protection des faibles s'observe pour qui sait ouvrir les yeux. Voyez les plantes sans défense: elles pullulent partout, on les trouve sous toutes les latitudes, à toutes les altitudes; au contraire, celles qui se défendent, ont ce qu'on appelle en botanique des «aires» très limitées.

      Dans le monde minéral lui-même, on observe la même loi: les métaux qui se défendent sont des métaux rares, et c'est précisément parce qu'ils sont rares et incorruptibles (mais non incorrupteurs) que l'homme les a pris comme représentant la valeur du travail. L'or, par exemple, que rien n'attaque, est plus rare que les métaux qui s'oxydent facilement, tels que le fer, le cuivre.

      Le diamant inaltérable, qui défie l'injure du temps, est d'une rareté qui lui donne tout son prix.

      C'est de cette loi de protection des faibles, faisant contrepoids aux lois darwiniennes (sélection, adaptation aux milieux, etc.) que résulte un équilibre presque stable dans le monde des êtres créés.

      La syphilis est un des principaux facteurs de dégénérescence. On commence seulement à connaître l'étendue de ses ravages. On sait aujourd'hui qu'elle se transmet aux enfants; qu'elle les fait mourir avant leur naissance, ou le jour même de leur naissance; qu'elle se traduit plus souvent encore, dans les deux premiers mois qui suivent la naissance, par des accidents contagieux; que, dans les premières années de la vie, elle entraîne la mort par méningite (méningite spéciale que l'on prend trop souvent pour une méningite tuberculeuse, et qui serait justiciable d'un énergique traitement anti-syphilitique).

      On sait aussi que, dans les cas exceptionnels, la syphilis des générateurs provoque, à l'âge de huit, dix, quinze ans, des dystrophies, parfois des accidents tertiaires (épilepsie, gommes, etc.): mais ce sont là des curiosités scientifiques.

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