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mon dire et mon soufflet d'un bon coup d'épée.

      Evrard tourna le dos et s'éloigna tranquillement tandis que les autres s'évertuaient à faire entendre raison à Evil éperdu de rage.

      Quand les pas d'Evrard se furent un peu perdus dans l'éloignement, le capitaine, laissé plus libre, put avancer avec ceux qui l'accompagnaient en le retenant encore.

      On arrivait au coin de la rue du Trésor. James Evil parut se calmer. Les assistants, qui demeuraient tous à la haute ville, s'engagèrent dans la ruelle en souhaitant le bonsoir à l'officier qui poursuivit son chemin dans la direction du château, après avoir grommelé un adieu plus ou moins courtois.

      A peine les autres l'avaient-ils quitté que le capitaine hâta le pas. Il

       avait aperçu trois ombres qui remontaient de la rue du Fort au château

       Saint-Louis. Il fit quelques pas en courant et jeta un cri de joie.

       C'étaient trois officiers de son régiment.

      —Êtes-vous de service? leur demanda-t-il.

      —Nous venons de terminer notre ronde, répondirent les autres.

      —Bien! Dans ce cas venez avec moi. Un maraud de Canadian vient de m'insulter. Il faut lui en faire demander pardon à grands coups de plat d'épée. Allons vite! Il ne peut être loin et je sais où il demeure.

      —Allons! dirent les autres enchantés d'une pareille affaire. Et tous prirent le chemin de la basse ville.

      Marc Evrard laissait la côte de Lamontagne et s'engageait, dans la descente rapide où l'on a construit depuis l'escalier qui descend dans la rue Champlain. Il allait, ballotté entre la crainte de voir son amour à jamais compromis et le plaisir d'une vengeance plus qu'à moitié satisfaite, lorsqu'un bruit de pas précipités qui se rapprochaient de lui, le tira de sa rêverie.

      Il n'en fit pas immédiatement grand cas et s'engagea dans la rue

       Sous-le-Fort.

      Ceux qui le poursuivaient l'avaient aperçu au tournant de la rue. Ils roulèrent plutôt qu'ils ne descendirent jusqu'à la rue Sous-le-Fort.

      Au tapage que faisaient les quatre hommes, Marc se retourna; il était en face de sa maison.

      Mais eût-il voulu s'y réfugier qu'il n'en aurait pas eu le temps; les quatre assaillants s'interposaient entre la porte et lui.

      Marc vit que la retraite était interceptée. Il recula jusqu'à la maison d'en face contre laquelle il s'adossa pour n'être pas entouré tout à fait. D'un mouvement rapide, il avait en même temps dégrafé son manteau et l'avait enroulé autour de son bras gauche. Avec ce manchon et sa canne pour toutes armes défensives et offensives, il attendit l'attaque des assaillants, qui tombèrent sur Evrard avec furie en voyant qu'il songeait à se défendre.

      Tout en parant les premiers coups avec l'habileté d'un homme a qui les ressources de l'escrime ne sont pas inconnues, Marc leva les yeux. Les fenêtres du premier étage de sa demeure, au-dessus du magasin, étaient éclairées.

      —Célestin! cria Marc Evrard, de toute la force de ses poumons,

       Célestin!

      Au même instant une ombre gigantesque se dessina sur le plafond, et puis, au travers de la fenêtre que l'on ouvrit avec violence:

      —Qu'y a-t-il donc, Monsieur Marc? demanda la voix formidable de

       Célestin Tranquille.

      —Décroche mon épée qui est au-dessus de la cheminée et jette-la moi que je serve un peu ces messieurs à la française.

      —Ventre de chien! cria Tranquille qui disparut aussitôt de la fenêtre.

      Son ombre courut encore une fois sur le plafond de l'appartement, mais en sens inverse. Et puis, on entendit un corps pesant qui dégringolait l'escalier et un bruit d'enfer dans la porte qui s'ouvrit avec fracas.

      —Voici, Monsieur, cria le colosse qui traversa la rue d'une seule enjambée.

      A son approche, deux des assaillants qui virent Tranquille arme pour son compte de l'énorme barre de chêne qui servait à fermer la porte du magasin, s'écartèrent un peu et se retournèrent pour lui faire face. Tranquille profita de l'éclaircie et jeta l'épée à Marc Evrard. Celui-ci la saisit au vol.

      —A présent, grommela Tranquille qui se cracha clans les mains en empoignant sa massue improvisée, à nous autres, mes petits bedons!

      Et son arme terrible levée sur eux, il chargea les assaillants.

      Ceux-ci surpris, mais non pas effrayés, se préparaient à se défendre bravement. Ils se partagèrent leurs ennemis: deux contre Evrard et deux contre Tranquille.

      Le premier coup du colosse tomba dans le vide avec un formidable grondement. L'officier auquel il était destiné avait fait un saut de côté en évitant ce coup d'assommoir.

      Tandis que Tranquille relevait son arme, l'autre lui poussa un coup de pointe qui, sans pénétrer entre les côtes, lui fit une longue éraflure. Mais bien mal en prit au malheureux agresseur.

      —Attends un peu, toi! hurla Célestin Tranquille.

      Cette courte phrase n'était pas finie que la barre s'abattait sur le dos de l'Anglais qui lâcha son arme avec un beuglement de douleur et tomba comme une masse morte, les semelles en l'air et le nez dans la boue.

      Le premier revint à la charge et allait se fendre à fond sur Tranquille pour le percer d'outre en outre. Celui-ci le prévint.

      —Tiens! tu en veux, toi aussi, dit le géant. Eh! bien! souffle-toi dans les doigts.

      D'un revers de son arme Tranquille frappa si rudement l'avant bras droit de son second adversaire que celui-ci se mit à pousser des cris de chien écrasé en secouant son bras luxé qui se balançait inerte comme une manche vide.

      —Hein! mon bonhomme, dit Célestin, c'est tout comme l'onglée, ça vous pique les menottes!

      Et puis, avec un profond soupir de satisfaction:

      —Ha!… aux deux autres.

      —Arrête! cria Marc qui ferraillait avec Evil et le quatrième, ceux-ci m'appartiennent!

      —C'est bon! puisque vous le voulez, grommela Tranquille qui s'appuya sur sa massue. Mais, ma foi du bon Dieu! Monsieur Marc, je vous avertis que s'ils ont le malheur de vous endommager la peau, pas un d'eux ne sortira vivant d'ici. Je les massacre en masse.

      Marc avait déjà reçu un coup d'estoc dans la cuisse et plusieurs autres dans son manteau qui lui servait de bouclier. Pourtant à lui seul il était au moins aussi fort que ses deux adversaires, puisqu'il leur tenait tête depuis plusieurs minutes. A deux ou trois reprises, il avait senti que la pointe de son arme perçait des boutonnières dans les chairs de ses deux antagonistes.

      Profitant d'une violente flanconade de seconde qu'il venait de fournir au compagnon d'Evil et qui forçait le premier à rompre la mesure, Marc, après une feinte d'estoc en prime, frappa la tête du capitaine d'un rude coup de taille. Celui-ci chancela et recula avec un hurlement de rage.

      Le second d'Evil, en rompant, avait jeté un regard en arrière et s'était aperçu que leurs deux compagnons d'aventure, à moitié assommés par Tranquille, s'enfuyaient éclopés. A le voir chanceler il crut Evil grièvement blessé, tourna le dos à son tour et rejoignit les autres qui remontaient la côte de Lamontagne en boitant comme, des loups éreintés dans un piège.

      Evil se vit abandonnée, et encore tout étourdi de sa blessure à la tête, il jugea prudent aussi de battre en retraite et détala en criant 133 Marc:

      —A bientôt, Monsieur Evrard!

      Après cette menace, le bruit de ses pas se perdit au tournant de la rue.

      —Hé bien! c'est tout! ce n'est pas plus malin que ça!

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