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L'art russe. Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc
Читать онлайн.Название L'art russe
Год выпуска 0
isbn 4064066085650
Автор произведения Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc
Жанр Документальная литература
Издательство Bookwire
Si un rameau de race âryenne s'établit dans les plaines du Tigre et de l'Euphrate, par exemple, les deux éléments peuvent se mélanger, mais on retrouve toujours la trace des influences originaires[15].
Un de ces rameaux occupe-t-il un territoire où le bois de construction, aussi bien que le limon, font défaut, comme est le territoire hellénique, mais où abondent les matériaux calcaires, la pierre de taille,—tout en se servant de ces matériaux, on distingue, dans leur emploi, les formes imposées par le système de structure de charpente. Le Grec dorien pousse si loin son aversion pour les éléments empruntés à d'autres races que les races âryenne et sémitique, qu'il n'emploie jamais le mortier dans ses constructions comme moyen d'agglutinage, bien qu'il le connaisse parfaitement, puisqu'il fait des enduits légers et d'une extrême finesse peur appliquer la peinture. En un mot, il bâtit toujours en pierre sèche. Et même le romain, lui, qui emploie les deux modes: il ne les mêle point, et s'il bâtit en pierre d'appareil, jamais il ne réunit par un ciment ces matériaux taillés; il les pose jointifs.
Sur quelque point du globe que ce soit, les constructions dérivent toujours de ces principes fondamentaux; soit de l'un ou de l'autre, soit des deux ensemble. Mais les origines sont d'autant plus apparentes qu'on remonte plus haut dans l'histoire des peuples. Cependant, jamais elles ne s'effacent entièrement.
Quant à l'ornementation, deux principes se trouvent également en présence chez les humains: l'ornementation géométrique et celle qui dérive d'une imitation des produits de la nature, faune et flore.
Il n'est peuplade si barbare qui ne possède certains éléments d'art, et c'est une illusion de croire que l'art se développe en raison du degré de l'état policé qu'aujourd'hui on appelle civilisation.
Un peuple de mœurs très barbares peut posséder, sinon un art très parfait, des éléments d'art susceptibles d'un grand développement. Et nous en avons la preuve tous les jours. Ces misérables Thibétains, qui vivent à l'état quasi sauvage, à notre point de vue européen, façonnent, cependant ces tissus merveilleux dont, à grand'peine, avec tous nos moyens de fabrication perfectionnés, nous imitons la composition et l'harmonie. Les pauvres chaudronniers hindous font avec des instruments élémentaires ces vases de cuivre repoussé et gravé dont le galbe et les dessins sont ravissants, et, chose étrange, les éléments de perfectionnement, qu'à notre point de vue nous apportons à ces artistes et artisans, ne font qu'altérer et détruire bientôt même leurs facultés créatrices, soit dans la composition, soit dans l'exécution. Les éléments d'art et d'industrie européens introduits en Chine et au Japon précipitent la décadence de l'art chez ces peuples avec une effrayante rapidité.
Il faut donc admettre que, dans un milieu barbare, des éléments d'art existent parfois et peuvent être assez puissants pour exercer une influence marquée dans le développement artistique de peuples relativement civilisés.
Ceci dit, nous devons considérer comment l'ornementation procède.
Les monuments d'art les plus anciens connus dans l'histoire de l'humanité sont certainement ces os d'animaux sur lesquels sont gravés des linéaments, monuments qui sont contemporains de l'âge de pierre primitif et se trouvent avec des débris de mammouths, de rennes et de l'ours des cavernes.
Jusqu'à présent on n'a découvert ces restes du génie primitif des humains que dans l'ouest de l'Europe[16] et on ne sait à quelle race les attribuer. Quoi qu'il en soit, ces gravures reproduisent habituellement des êtres animés: chevaux, mammouths, rennes, hommes, parfois des lignes dont on ne peut indiquer la signification, mais point de dessins géométriques, même rudimentaires.
Peut-être des fouilles dirigées avec intelligence dans d'autres parties du monde feront-elles découvrir des monuments contemporains de ceux-ci et où apparaîtrait le tracé géométrique.
Mais si on arrive à une époque plus rapprochée de nous, les dessins géométriques se montrent[17]: cercles, triangles, lignes croisées, entrelacées, parallèles, spirales.
Sur les armes de bois, de corne ou d'os appartenant aux races noires les plus sauvages, aujourd'hui comme jadis—car la plupart de ces races ne paraissent pas susceptibles de progrès—les dessins géométriques sont fréquents, et, relativement très supérieurs comme correction aux grossières imitations des objets naturels.
Si l'on atteint des temps encore plus rapprochés de nous, on peut constater des faits qui ne manquent pas d'importance.
Pendant que certains peuples conservent l'ornement géométrique en y mêlant la faune et la flore, comme les Égyptiens, les Sémites en général, d'autres abandonnent entièrement le tracé géométrique dans l'ornementation pour se consacrer exclusivement à l'imitation de la faune et de la flore.
Tels ont été les Grecs pendant l'antiquité, telle a été en Occident, pendant le moyen âge, l'école française.
Il faut dire que ce sont là des exceptions; car, à toutes les époques de l'histoire, en Asie et chez les nations où les arts de l'Orient et sémitiques ont exercé une influence, l'ornementation mêle sans discontinuité les combinaisons géométriques à l'imitation de la faune et de la flore, et, même chez les Sémites, le tracé géométrique dans l'ornementation l'emporte singulièrement sur la flore, puis l'imitation de la faune fait défaut.
Les Pélasges, les Hellènes, qui, dans l'état primitif de leur civilisation, ne semblent avoir eu d'autre art que l'art asiatique, où ce mélange entre le tracé géométrique et l'imitation de la faune et de la flore apparaît dès l'époque la plus ancienne, surent donc s'affranchir de ces traditions et furent les premiers peut-être à imiter les productions naturelles à l'exclusion du tracé géométrique, sans se départir de cette imitation, mais en la perfectionnant sans cesse.
Quant aux Romains, ils ne firent autre chose que de suivre la voie ouverte par les Grecs, en abandonnant les éléments étrusques, d'autant qu'ils n'employaient guère, sous l'empire, que des artistes grecs.
Et cependant, au déclin de l'empire, ces mêmes Grecs, influents sur le territoire asiatique, abandonnèrent la voie ouverte par leur grande école hellénique pour revenir aux compositions orientales. Ainsi apportèrent-ils ces compositions d'art à Byzance, en y mêlant quelques débris de l'art élevé si haut par eux à l'apogée de leur grandeur.
Un fait inverse se produit en France vers le Xe siècle. L'élément gallo-romain, qui dominait alors aussi bien dans la structure architectonique que dans l'ornementation, est étouffé peu à peu sous l'influence de l'art byzantin, dans le Midi particulièrement, et scandinave asiatique dans le Nord.
Ce que nous appelons le roman, en France, n'est, à tout prendre, qu'un apport asiatique sur un fonds romain. La structure quasi romaine subsiste avec une certaine persistance dans les provinces du Nord; mais dans l'Ouest la structure byzantine exerce une grande influence et modifie profondément l'architecture, pendant qu'au Nord, au Centre, à l'Ouest et au Midi, l'ornementation gallo-romaine disparaît presque simultanément. Les objets, les étoffes, les meubles rapportés de Byzance produisent dans l'ornementation de l'architecture méridionale française une véritable transformation. Cette ornementation va, par suite des relations fréquentes de la Provence avec la Syrie, chercher ses nouveaux modèles dans les édifices d'Orient, pendant que les apports asiatiques, francs, scandinaves, se mêlent aux traditions gallo-romaines et se rencontrent avec les éléments d'ornementation empruntés à Byzance.
La Russie se trouva, en ce qui touche l'ornementation, à peu près dans le même cas.
D'une part, elle avait l'art de Byzance, qui tendait à se vulgariser, au moins dans les provinces voisines de la cité impériale; d'autre part, des éléments slaves, peut-être aussi scandinaves.
ORNEMENTATION