ТОП просматриваемых книг сайта:
L'affaire Sougraine. Pamphile Lemay
Читать онлайн.Название L'affaire Sougraine
Год выпуска 0
isbn 4064066084196
Автор произведения Pamphile Lemay
Жанр Языкознание
Издательство Bookwire
Mademoiselle Léontine ne savait plus comment sortir de sa cachette et regrettait bien son enfantillage. Qu'allait-il penser d'elle? Une fille qui se cache pour entendre ce que l'on dit, c'est laid. Elle n'avait qu'une chose à faire: s'accuser de son étourderie. Il était si bon qu'il pardonnerait. Cependant elle n'en faisait rien. Elle n'osait point. Ida, sa bonne amie, trouverait bien un moyen de la tirer de là. Elle ne se hâtait toujours point mademoiselle Ida.
--Savez-vous, continua Rodolphe, que cela m'amuserait de voir la fortune de D'Aucheron se fondre comme neige. Léontine aurait la preuve que mon amour est tout désintéressé. J'essuierais moins de contrariétés, je rencontrerais moins d'obstacles dans la poursuite de mon rêve. Non pas que je craigne la lutte et que je ne me sente point le courage de vaincre; mais si elle allait se fatiguer avant moi, elle.
Léontine ne pouvant supporter plus longtemps la fausse position où elle se trouvait, ramassa toute son énergie et rentra le front haut dans la salle où causaient madame Villor, Rodolphe et Ida.
--Je vous pardonne, dit-elle, monsieur Rodolphe, d'avoir un peu mal parlé de ceux qui me tiennent lieu de parents et je vous demande pardon de mon étourderie.
--Quoi! vous étiez là? fit Rodolphe beaucoup moins étonné qu'il ne le paraissait. Si je vous avais devinée, vous en auriez entendu de belles: Que je ne vous aime guère; que c'est votre fortune que je courtise; que vous n'êtes point belle à faire tourner la tête; que vous avez des défauts. Un tas de mensonges!... Oui, j'aurais menti pour la première fois de ma vie, exprès, par malice.
Il riait en disant cela.
--C'est peut être un peu ce que vous avez fait, reprit Léontine, mais j'avoue que j'ai mérité vos sarcasmes. On ne m'y reprendra plus.
--Votre plus grande faute, dit Rodolphe, c'est de m'avoir privé pendant un gros quart-d'heure du plaisir de vous entendre. Je ne vous garderai pas rancune, pourtant, puisque demain je pourrai vous voir encore et pendant toute une soirée.
--Vous accompagnerez Ida, n'est-ce pas?
--Avec le plus grand plaisir, si ma cousine ne s'y oppose pas.
--Je suis toujours heureuse de sortir avec toi, cousin, mais j'hésite à me risquer--même sous ton égide--dans le grand monde et dans les brillantes soirées.
--Sois sans crainte, cousine, le grand monde est bien petit, et les soirées brillantes ne sont pas plus désagréables que les autres quand on y rencontre des personnes que l'on aime.
Un pas un peu lourd, un peu lent, se fit entendre alors. Ce n'était plus le pas léger de la jeunesse.
--Voici quelqu'un, mademoiselle Léontine, vous cachez-vous, demanda Rodolphe, d'un ton plaisant.
--Méchant! lui répondit la jolie brunette en le menaçant du doigt.
La porte n'était pas ouverte que l'on entendait déjà un proverbe: «Faites le bien, Dieu fera le mieux.»
--Le professeur Duplessis, s'écrièrent à la fois la femme et les jeunes filles.
Rodolphe ne le connaissait pas.
--Moi-même, mes belles dames, fit le vieux professeur, en saluant respectueusement.
--M. Rodolphe Houde, étudiant en médecine.
--Pardon, ma tante, docteur en médecine, interrompit le jeune homme.
--Eh oui! docteur en médecine, reprit madame Villor, en présentant le jeune homme.
--«Il vaut mieux courir au pain qu'au médecin,» échappa le père Duplessis. Et il continua:
--M. Rodolphe Houde, je vous félicite d'être le neveu d'une si bonne tante et le cousin d'une si jolie cousine.
--Monsieur le professeur dit Rodolphe, d'un ton demi-sérieux demi-badin, j'espère que plus tard, si nous nous rencontrons encore tous ensemble, vous féliciterez ma tante et ma cousine d'avoir, l'une un si digne neveu et l'autre un si brave cousin.
--C'est cela: «Fais honneur à tes habits et tes habits te feront honneur,» répliqua le professeur en prenant le siège qu'on lui offrait.
Les deux jeunes filles, craignant d'être indiscrètes, ou voulant causer à leur aise, passèrent dans la chambre voisine.
--Puisque Monsieur est votre neveu, je puis sans doute parler de vous devant lui.
--Il sait notre gêne, répondit Madame Villor.
--Le notaire Vilbertin, reprit le professeur, a dit à qui voulait l'entendre qu'il allait vous jeter dans la rue. «Le fumier couvert d'or reste toujours fumier.» Son clerc, qui fut mon élève, m'a rapporté cela ce matin même; et je viens vous dire de ne point vous décourager... La Providence a soin des petites insectes qui trottent sur nos sillons, elle ne peut oublier les pauvres humains qui la bénissent?
--C'est vrai, mais mon Dieu! il est malaisé d'espérer contre toute espérance....
--Bah! laissez faire le ciel, il est ingénieux. Il vous causera quelque bonne surprise.... «Si Dieu a créé la bouche il a aussi créé de quoi la remplir.»
Des larmes coulaient des yeux de madame Villor.
--Monsieur, dit Rodolphe, j'aurais voulu vous connaître plutôt; un jeune homme comme moi gagne beaucoup dans la fréquentation d'un homme comme vous.
--«Chacun est fils de ses oeuvres.» «Il faut puiser tandis que la corde est au puits.» Tout de même, jeune homme, je crois que vous n'avez pas perdu votre temps. Les bons conseils de votre tante ne sont pas tombés dans une terre aride. Tant mieux. J'aime beaucoup la jeunesse, beaucoup. C'est elle qui est l'avenir. Une génération croyante et chaste forme toujours une époque de force, de gloire et de grandeur dans la vie d'un peuple. Oh! la jeunesse, si on savait mieux préserver sa foi! La morale va souvent se perdre sur les écueils du monde si elle n'a pas la foi pour guide. «A navire sans pilote tous les vents sont contraires.» La vraie foi ne fait pas souvent naufrage. Sachons l'inculquer et la morale suivra. «La barque sous voiles n'est pas ballottée comme le vaisseau désemparé.»
Dirait-on, à m'entendre, que je deviens mondain que je ne rêve plus que bal et grande soirée? Voilà bien pourtant la vérité. «Comme on connaît les saints il faut les honorer.»
--Vous allez chez monsieur D'Aucheron, peut-être? observa madame Villor.
--Je vais chez monsieur D'Aucheron. Je ne serai pas fâché de rencontrer là quelques uns de nos hommes politiques. Je veux leur dire dans l'intimité ce que je pense de leur manière de gouverner. J'ai ma petite influence. Puis on a souvent besoin de plus grand que soi. J'ai une autre raison. J'accompagne ma femme. «Le coeur mène où il va.» «Qui prend s'engage.»
--Comment! madame Duplessis va au bal? exclama madame Villor.
--Eh oui! comme elle irait à un enterrement. Même elle se mêle d'intriguer. Pas dans la politique; cette bêtise-là n'est bonne que pour nous, les forts. Elle fait dans les amours. Pas comme entremetteuse, par exemple, oh! non! Comme protectrice de l'innocence menacée. Un beau rôle pour une femme qui a sacrifié, un jour, l'avenir le plus brillant à la foi promise. «Mais il n'y a ni belles prisons, ni laides amours.»
Il paraît que notre jeune ministre Le Pêcheur, a témoigné le désir d'épouser la dot de Mlle D'Aucheron. Une belle dot. Une belle demoiselle aussi, Léontine D'Aucheron, et bonne, et gentille. Un peu.... comment dirai-je? un peu étrange, par exemple. Mais c'est un charme de plus, un charme rare, à mon avis. Elle ne m'entend pas, j'espère. Le citoyen D'Aucheron est on ne peut plus