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je vous sauverai, moi! exclama Gontran dans un élan superbe.

      Ossipoff hocha la tête.

      —Hélas! je connais mon pays, je sais qu'il est impossible de s'innocenter d'un crime semblable à celui dont je suis accusé.

      —Mais le Tzar est juste.

      —Oui! mais on l'aveuglera, si l'on y a intérêt.

      —Mais vous avez des preuves de votre innocence... produisez-les, et cette accusation terrible, mais absurde, tombera d'elle-même.

      Le vieillard se redressa et répondit d'une voix rauque:

      —Rappelez-vous ce que je vous disais hier soir... et voyez combien justes étaient mes pressentiments... on m'a soupçonné, on m'a épié, et maintenant...

      Il se tut, sentant les yeux de Sharp braqués sur lui.

      Puis il reprit avec fermeté:

      —Il est peu probable que je vous reverrai... Adieu donc, et soyez persuadé, quelque soit le sort qui m'attend, que je le subirai avec résignation si vous me jurez de protéger Séléna... ma pauvre fille, que ma disparition va laisser sans protection... sans soutien.

      Ému au souvenir de son enfant, le vieillard s'arrêta; un sanglot s'étrangla dans sa gorge et une larme vint rouler au bord de sa paupière.

      —Jurez-vous, Gontran, reprit-il, jurez-vous?

      —Sur ce que j'ai de plus sacré au monde, répondit Gontran, je jure d'aimer Séléna, de la respecter, de la défendre et de tout faire avec elle pour vous sauver.

      Il se pencha vers le vieillard, le baisa au front et sortit du laboratoire sans même honorer d'un salut le juge et son compagnon.

      Dans le vestibule, il se heurta à Wassili.

      —Ah! monsieur le comte! exclama le domestique, vous êtes libre!... et mon maître?

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      Gontran fit un geste désespéré.

      Wassili commença aussitôt à se répandre en lamentations auxquelles le jeune homme coupa court aussitôt.

      —Allons, dit-il brusquement, garde tes doléances pour plus tard et conduis-moi auprès de Mlle Séléna.

      —Mlle Séléna? répéta Wassili, qu'est-ce que vous lui voulez donc?

      —J'ai besoin de lui parler. Mène-moi à sa chambre, ou plutôt prie-la en mon nom de vouloir bien descendre.

      —Aucune de ces deux choses n'est possible, riposta le domestique en hochant la tête.

      —Et pourquoi?

      —Parce que la chambre de mademoiselle est fermée à clé et que cette clé est entre les mains d'un gardawoï qui monte la garde à la porte.

      Gontran réfléchit un moment et commanda:

      —Conduis-moi quand même; j'aviserai.

      Après avoir monté derrière Wassili une vingtaine de marches, le comte se trouva sur un palier où un homme de police se promenait de long en large, d'un air profondément ennuyé.

      A la vue des nouveaux venus, il s'avança vivement et demanda d'une voix rude:

      —Que venez-vous faire ici?

      —Réponds-lui, fit Gontran à Wassili, que je désire parler à Mlle Ossipoff.

      Le domestique traduisit en russe la réponse; le gardawoï éclata d'un gros rire brutal.

      —Impossible de parler à la demoiselle, répliqua-t-il.

      —Pourquoi? demanda Wassili sur l'ordre du comte.

      —Parce que c'est la consigne.

      Le comte tira de sa poche une pièce d'or qui alluma dans l'œil de l'homme de police un éclair de convoitise.

      —Offre-lui cela, dit M. de Flammermont, s'il veut me laisser causer cinq minutes avec Mlle Ossipoff.

      Sans doute le gardawoï devina-t-il le sens de ces paroles, car il tira la clé de sa poche, l'introduisit dans la serrure, fit jouer le pène et tendit la main dans laquelle Wassili laissa tomber la pièce d'or.

      Alors l'homme ouvrit la porte et Gontran entra dans la chambre.

      Séléna, assise dans un fauteuil, le visage enfoui dans ses mains, sanglotait.

      Au bruit de la porte qui s'ouvrait elle releva la tête, et, apercevant M. de Flammermont, elle courut à lui, les mains tendues.

      —Mon père! cria-t-elle.

      —Hélas! mademoiselle, M. Ossipoff, victime d'une erreur de police ou d'une machination odieuse, est prisonnier.

      —Prisonnier! mais c'est infâme!... c'est horrible!... Je veux le voir!

      Ce disant, elle s'avançait vers la porte.

      —Cela n'est pas possible, fit Gontran, un gardien est là qui ne vous laissera pas sortir... moi-même, pour entrer, j'ai dû le soudoyer.

      La jeune fille, désespérée, se tordit les mains.

      —On ne peut pourtant pas emmener mon père, sans que je le voie, sans que je l'embrasse.

      Gontran hocha la tête.

      —Hélas! murmura-t-il, il est plus que probable que le juge vous refusera cette grâce... aussi étais-je venu vous trouver pour vous assurer de mon entier dévouement et vous dire que vous pouviez compter sur moi en tout et pour tout.

      —Il faut sauver mon père, monsieur, il faut le sauver...

      —Je cours à l'ambassade, et par l'intermédiaire de mon ambassadeur je vais demander une audience au Tzar... Si dans cette première entrevue j'échoue, je tenterai d'en obtenir une seconde et alors vous m'accompagnerez... vos larmes et vos prières obtiendront peut-être justice.

      —Mais de quoi mon pauvre père est-il donc accusé? demanda-t-elle.

      —On prétend qu'il fait partie d'une association de nihilistes.

      On eût dit que cette réponse était tombée comme un coup de massue sur la tête de la jeune fille, qui ferma les yeux et eût glissé sur le plancher si le bras de Gontran ne l'avait retenue.

      —A moi, Wassili, à moi, cria-t-il.

      Le domestique entra, suivi du gardawoï qui fit signe à M. de Flammermont de quitter la chambre.

      Et comme le comte faisait la sourde oreille déclarant qu'il n'abandonnerait pas Séléna dans l'état où elle se trouvait.

      --- Partez, monsieur le comte, partez, fit le domestique... cet homme est capable de nous enfermer tous trois ici... et alors qui donc s'occuperait de faire remettre en liberté mon pauvre maître?

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      Gontran, éperdu, porta à ses lèvres la main inerte de la jeune fille, puis il sortit précipitamment, dégringola quatre à quatre l'escalier et se lança comme un fou dans la rue, bousculant sans pitié les curieux massés devant la petite maison.

      Dans le laboratoire, l'interrogatoire se terminait: le juge Mileradowich y mettait toute l'âpreté possible, enserrant l'accusé dans un réseau de questions insidieuses et à double entente, furieux déjà de voir le comte de Flammermont lui échapper et craignant de voir avorter cette superbe affaire dont il avait déjà supputé les bénéfices, comme on a pu le voir au commencement de ce chapitre.

      Le vieux savant ne répondait que par quelques paroles brèves et saccadées et encore seulement lorsque les demandes devenaient plus incisives, plus venimeuses.

      A la fin, la patience échappa à Ossipoff qui s'écria:

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