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l’une de ses mains derrière le dos, marchant en flâneur qui jouit du soleil et de l’air frais, et qui ne soupçonne pas qu’on peut surveiller sa promenade.

      Il franchit l’octroi, longea les fortifications, sortit de nouveau par la porte Champerret, et revint sur ses pas par la route de la Révolte.

      Allait-il entrer dans les immeubles du numéro 3 ? Lupin le désira vivement, car c’eût été la preuve certaine de sa complicité avec la bande Altenheim ; mais l’homme tourna et gagna la rue Delaizement qu’il suivit jusqu’au-delà du vélodrome Buffalo.

      À gauche, en face du vélodrome, parmi les jeux de tennis en location et les baraques qui bordent la rue Delaizement, il y avait un petit pavillon isolé, entouré d’un jardin exigu.

      Léon Massier s’arrêta, prit son trousseau de clefs, ouvrit d’abord la grille du jardin, ensuite la porte du pavillon, et disparut.

      Lupin s’avança avec précaution. Tout de suite il nota que les immeubles de la route de la Révolte se prolongeaient, par derrière, jusqu’au mur du jardin.

      S’étant approché davantage, il vit que ce mur était très haut, et qu’une remise, bâtie au fond du jardin, s’appuyait contre lui.

      Par la disposition des lieux, il acquit la certitude que cette remise était adossée à la remise qui s’élevait dans la dernière cour du numéro 3 et qui servait de débarras au Brocanteur.

      Ainsi donc, Léon Massier habitait une maison contiguë à la pièce où se réunissaient les sept complices de la bande Altenheim. Par conséquent, Léon Massier était bien le chef suprême qui commandait cette bande, et c’était évidemment par un passage existant entre les deux remises qu’il communiquait avec ses affidés.

      – Je ne m’étais pas trompé, dit Lupin, Léon Massier et Louis de Malreich ne font qu’un. La situation se simplifie.

      – Rudement, approuva Doudeville, et, avant quelques jours, tout sera réglé.

      – C’est-à-dire que j’aurai reçu un coup de stylet dans la gorge.

      – Qu’est-ce que vous dites, patron ? En voilà une idée !

      – Bah ! Qui sait ! J’ai toujours eu le pressentiment que ce monstre-là me porterait malheur.

      Désormais, il s’agissait, pour ainsi dire, d’assister à la vie de Malreich, de façon à ce qu’aucun de ses gestes ne fût ignoré.

      Cette vie, si l’on en croyait les gens du quartier que Doudeville interrogea, était des plus bizarres. Le type du Pavillon, comme on l’appelait, demeurait là depuis quelques mois seulement. Il ne voyait et ne recevait personne. On ne lui connaissait aucun domestique. Et les fenêtres, pourtant grandes ouvertes, même la nuit, restaient toujours obscures, sans que jamais la clarté d’une bougie ou d’une lampe les illuminât.

      D’ailleurs, la plupart du temps, Léon Massier sortait au déclin du jour et ne rentrait que fort tard – à l’aube, prétendaient des personnes qui l’avaient rencontré au lever du soleil.

      – Et sait-on ce qu’il fait ? demanda Lupin à son compagnon, quand celui-ci l’eut rejoint.

      – Non. Son existence est absolument irrégulière, il disparaît quelquefois pendant plusieurs jours ou plutôt il demeure enfermé. Somme toute, on ne sait rien.

      – Eh bien ! Nous saurons, nous, et avant peu.

      Il se trompait. Après huit jours d’investigations et d’efforts continus, il n’en avait pas appris davantage sur le compte de cet étrange individu. Il se passait ceci d’extraordinaire, c’est que, subitement, tandis que Lupin le suivait, l’homme, qui cheminait à petits pas le long des rues, sans jamais s’arrêter, l’homme disparaissait comme par miracle. Il usa bien quelquefois de maisons à double sortie. Mais, d’autres fois, il semblait s’évanouir au milieu de la foule, ainsi qu’un fantôme. Et Lupin restait là, pétrifié, ahuri, plein de rage et de confusion.

      Il courait aussitôt à la rue Delaizement et montait la faction. Les minutes s’ajoutaient aux minutes, les quarts d’heure aux quarts d’heure. Une partie de la nuit s’écoulait. Puis survenait l’homme mystérieux. Qu’avait-il pu faire ?

      – 4 –

      – Un pneumatique pour vous, patron, lui dit Doudeville un soir vers huit heures, en le rejoignant rue Delaizement.

      Lupin déchira. Mme Kesselbach le suppliait de venir à son secours. À la tombée du jour, deux hommes avaient stationné sous ses fenêtres et l’un d’eux avait dit : « Veine, on n’y a vu que du feu… Alors, c’est entendu, nous ferons le coup cette nuit » Elle était descendue et avait constaté que le volet de l’office ne fermait plus, ou du moins, qu’on pouvait l’ouvrir de l’extérieur.

      – Enfin, dit Lupin, c’est l’ennemi lui-même qui nous offre la bataille. Tant mieux ! J’en ai assez de faire le pied de grue sous les fenêtres de Malreich.

      – Est-ce qu’il est là, en ce moment ?

      – Non, il m’a encore joué un tour de sa façon dans Paris. J’allais lui en jouer un de la mienne. Mais tout d’abord, écoute-moi bien, Doudeville. Tu vas réunir une dizaine de nos hommes les plus solides… tiens, prends Marco et l’huissier Jérôme. Depuis l’histoire du Palace-Hôtel, je leur avais donné quelques vacances… Qu’ils viennent pour cette fois. Nos hommes rassemblés, mène-les rue des Vignes. Le père Charolais et son fils doivent déjà monter la faction. Tu t’entendras avec eux, et, à onze heures et demie, tu viendras me rejoindre au coin de la rue des Vignes et de la rue Raynouard. De là, nous surveillerons la maison.

      Doudeville s’éloigna. Lupin attendit encore une heure jusqu’à ce que la paisible rue Delaizement fût tout à fait déserte, puis, voyant que Léon Massier ne rentrait pas, il se décida et s’approcha du pavillon.

      Personne autour de lui… Il prit son élan et bondit sur le rebord de pierre qui soutenait la grille du jardin. Quelques minutes après, il était dans la place.

      Son projet consistait à forcer la porte de la maison et à fouiller les chambres, afin de trouver les fameuses lettres de l’Empereur dérobées par Malreich à Veldenz. Mais il pensa qu’une visite à la remise était plus urgente.

      Il fut très surpris de voir qu’elle n’était point fermée et de constater ensuite, à la lueur de sa lanterne électrique, qu’elle était absolument vide et qu’aucune porte ne trouait le mur du fond.

      Il chercha longtemps, sans plus de succès. Mais dehors, il aperçut une échelle, dressée contre la remise, et qui servait évidemment à monter dans une sorte de soupente pratiquée sous le toit d’ardoises.

      De vieilles caisses, des bottes de paille, des châssis de jardinier encombraient cette soupente, ou plutôt semblaient l’encombrer, car il découvrit facilement un passage qui le conduisit au mur.

      Là, il se heurta à un châssis, qu’il voulut déplacer.

      Ne le pouvant pas, il l’examina de plus près et s’avisa, d’abord qu’il était fixé à la muraille, et, ensuite, qu’un des carreaux manquait.

      Il passa le bras : c’était le vide. Il projeta vivement la lueur de la lanterne et regarda : c’était un grand hangar, une remise plus vaste que celle du pavillon et remplie de ferraille et d’objets de toute espèce.

      « Nous y sommes, se dit Lupin, cette lucarne est pratiquée dans la remise du Brocanteur, tout en haut, et c’est de là que Louis de Malreich voit, entend et surveille ses complices, sans être vu ni entendu par eux. Je m’explique maintenant qu’ils ne connaissent pas leur chef. »

      Renseigné, il éteignit sa lumière, et il se disposait à partir quand une porte s’ouvrit en face de lui et tout en bas. Quelqu’un entra. Une lampe fut allumée. Il reconnut le

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