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Les aventures complètes d'Arsène Lupin. Морис Леблан
Читать онлайн.Название Les aventures complètes d'Arsène Lupin
Год выпуска 0
isbn 4064066387921
Автор произведения Морис Леблан
Жанр Языкознание
Издательство Bookwire
6
Les sept bandits
– 1 –
– Madame peut-elle recevoir ?
Dolorès Kesselbach prit la carte que lui tendait le domestique et lut : André Beauny.
– Non, dit-elle, je ne connais pas.
– Ce monsieur insiste beaucoup, madame. Il dit que madame attend sa visite.
– Ah !… peut-être… en effet… Conduisez-le jusqu’ici. Depuis les événements qui avaient bouleversé sa vie et qui l’avaient frappée avec un acharnement implacable, Dolorès, après un séjour à l’hôtel Bristol, venait de s’installer dans une paisible maison de la rue des Vignes, au fond de Passy.
Un joli jardin s’étendait par derrière, encadré d’autres jardins touffus. Quand des crises plus douloureuses ne la maintenaient pas des jours entiers dans sa chambre, les volets clos, invisible à tous, elle se faisait porter sous les arbres, et restait là, étendue, mélancolique, incapable de réagir contre le mauvais destin. Le sable de l’allée craqua de nouveau et, accompagné par le domestique, un jeune homme apparut, élégant de tournure, habillé très simplement, à la façon un peu surannée de certains peintres, col rabattu, cravate flottante à pois blancs sur fond bleu marine.
Le domestique s’éloigna.
– André Beauny, n’est-ce pas ? fit Dolorès.
– Oui, madame.
– Je n’ai pas l’honneur…
– Si, madame. Sachant que j’étais un des amis de Mme d’Ernemont, la grand-mère de Geneviève, vous avez écrit à cette dame, à Garches, que vous désiriez avoir un entretien avec moi. Me voici.
Dolorès se souleva, très émue.
– Ah ! Vous êtes…
– Oui.
Elle balbutia :
– Vraiment ? C’est vous ? Je ne vous reconnais pas.
– Vous ne reconnaissez pas le prince Paul Sernine ?
– Non… Rien n’est semblable… ni le front, ni les yeux… Et ce n’est pas non plus ainsi…
– Que les journaux ont représenté le détenu de la Santé, dit-il en souriant… Pourtant, c’est bien moi.
Un long silence suivit où ils demeurèrent embarrassés et mal à l’aise.
Enfin il prononça :
– Puis-je savoir la raison ?…
– Geneviève ne vous a pas dit ?…
– Je ne l’ai pas vue… Mais sa grand-mère a cru comprendre que vous aviez besoin de mes services…
– C’est cela… c’est cela…
– Et en quoi ?… je suis si heureux…
Elle hésita une seconde, puis murmura :
– J’ai peur.
– Peur ! s’écria-t-il.
– Oui, fit-elle à voix basse, j’ai peur, j’ai peur de tout, peur de ce qui est et de ce qui sera demain, après-demain… peur de la vie. J’ai tant souffert… je n’en puis plus.
Il la regardait avec une grande pitié. Le sentiment confus qui l’avait toujours poussé vers cette femme prenait un caractère plus précis aujourd’hui qu’elle lui demandait protection. C’était un besoin ardent de se dévouer à elle, entièrement, sans espoir de récompense.
Elle poursuivit :
– Je suis seule, maintenant, toute seule, avec des domestiques que j’ai pris au hasard, et j’ai peur… je sens qu’autour de moi on s’agite.
– Mais dans quel but ?
– Je ne sais pas. Mais l’ennemi rôde et se rapproche.
– Vous l’avez vu ? Vous avez remarqué quelque chose ?
– Oui, dans la rue, ces jours-ci, deux hommes ont passé plusieurs fois, et se sont arrêtés devant la maison.
– Leur signalement ?
– Il y en a un que j’ai mieux vu. Il est grand, fort, tout rasé, et habillé d’une petite veste de drap noir, très courte.
– Un garçon de café ?
– Oui, un maître d’hôtel. Je l’ai fait suivre par un de mes domestiques. Il a pris la rue de la Pompe et a pénétré dans une maison de vilaine apparence dont le rez-de-chaussée est occupé par un marchand de vins, la première à gauche sur la rue. Enfin l’autre nuit…
– L’autre nuit ?
– J’ai aperçu, de la fenêtre de ma chambre, une ombre dans le jardin.
– C’est tout ?
– Oui.
Il réfléchit et lui proposa :
– Permettez-vous que deux de mes hommes couchent en bas, dans une des chambres du rez-de-chaussée ?…
– Deux de vos hommes ?…
– Oh ! Ne craignez rien… Ce sont deux braves gens, le père Charolais et son fils… qui n’ont pas l’air du tout de ce qu’ils sont… Avec eux, vous serez tranquille. Quant à moi…
Il hésita. Il attendait qu’elle le priât de revenir. Comme elle se taisait, il dit :
– Quant à moi, il est préférable que l’on ne me voie pas ici… oui, c’est préférable… pour vous. Mes hommes me tiendront au courant.
Il eût voulu en dire davantage, et rester, et s’asseoir auprès d’elle, et la réconforter. Mais il avait l’impression que tout était dit de ce qu’ils avaient à se dire, et qu’un seul mot de plus, prononcé par lui, serait un outrage.
Alors il salua très bas, et se retira.
Il traversa le jardin, marchant vite, avec la hâte de se retrouver dehors et de dominer son émotion. Le domestique l’attendait au seuil du vestibule. Au moment où il franchissait la porte d’entrée, sur la rue, quelqu’un sonnait, une jeune femme…
Il tressaillit :
– Geneviève !
Elle fixa sur lui des yeux étonnés, et, tout de suite, bien que déconcertée par l’extrême jeunesse de ce regard, elle le reconnut, et cela lui causa un tel trouble qu’elle vacilla et dut s’appuyer à la porte.
Il avait ôté son chapeau et la contemplait sans oser lui tendre la main. Tendrait-elle la sienne ? Ce n’était plus le prince Sernine… c’était Arsène Lupin. Et elle savait qu’il était Arsène Lupin et qu’il sortait de prison.
Dehors il pleuvait. Elle donna son parapluie au domestique en balbutiant :
– Veuillez l’ouvrir et le mettre de côté…
Et elle passa tout droit.
« Mon pauvre vieux, se dit Lupin en partant, voilà bien des secousses pour un être nerveux et sensible comme toi. Surveille ton cœur, sinon… Allons, bon, voilà que tes yeux se mouillent