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recevoir ses ordres, et délibérer en sa présence sur le refus fait par les princes.

      «Pour cet effet, il faut faire des défenses aux députés[223] de retourner à Paris et de désemparer la cour, et prendre garde particulièrement que les présidents ne s'y en retournent pas[224], pour ce qu'il est de la dernière importance qu'il n'y ait point là de présidents, si l'on veut établir le parlement ailleurs: ce qui est absolument nécessaire pour conserver l'autorité du roi; autrement, il ne faut pas douter que tous les peuples ne suivent à la fin un parti, où le parlement de Paris, le corps de ville et les princes du sang seront unis. Mais, s'il s'établit un autre parlement, les affaires seront bien balancées, et l'autorité du roi soutenue dans les provinces. Ceux de la cour qui ont des grâces à espérer, et qui se ménagent avec le parlement pour le besoin qu'ils en ont, ne reconnaîtront plus pour parlement que celui qui sera autorisé par le roi, où seront tous les[T.I pag.135] présidents et le procureur général, qui sont ceux qui font le corps.

      «Dans cette pensée, avant que le roi s'éloigne et que la difficulté des chemins s'augmente, il faudrait, sans perte de temps, que chacun travaillât à même dessein, et obliger ceux qui sont à la cour d'écrire à leurs amis: M. le garde des sceaux[225], à son fils[226], son gendre[227] et à ceux sur qui il a pouvoir; M. de Villeroy, à M. Sève[228]; M. Servien, à M. Fraguier[229]; M. le Tellier, à d'autres; M. Perrot, à M. Bénard[230], et à d'autres de sa chambre; M. de Bragelonne[231], à son beau-frère; Bonneau[232], à son fils[233] et à son neveu; Richebourg, des gabelles, à son fils et à son gendre; écrire à Ménardeau[234] pour lui et[T.I pag.136] son frère. Un mot à MM. Sévin[235], Thibeuf[236], Prévost[237], Doujat[238] et autres, qui ne sont retenus que par le calme présent et l'espérance d'un prompt accommodement; M. de Verthamont[239], qui est à la cour, à son frère et d'autres, ses parents.

      «Enfin, il n'y a personne qui n'ait pouvoir sur quelqu'un, et cette affaire mérite une application prompte, et il ne faut pas douter qu'en deux fois vingt-quatre heures on n'en fasse sortir grand nombre, lesquels, dès le premier jour que l'on voudra, avec M. le garde des sceaux, les ducs et pairs que l'on pourra avoir, les conseillers d'honneur, quatre maîtres des requêtes, feront un corps très-considérable, lequel sera établi par le roi même au lieu où il sera, et, après quelques jours, le nombre augmentant, sera envoyé dans telle ville qui sera concertée; ils ne s'appliqueront qu'au service du[T.I pag.137] roi, et, étant unis dans une même volonté et dans le parti légitime, ils serviront très-utilement.

      «C'est notre avis, auquel vous êtes conjuré de faire réponse prompte; autrement, si l'on ne prend cette résolution de bonne sorte, ou qu'on ne s'accommode promptement, chacun, se croyant inutile, s'en va chez soi, et ceux de Paris se porteront tous dans les intérêts des plus forts.

      «Renvoyez-moi ce Mémoire et la réponse, laquelle je vous ferai rendre, si vous le voulez.

      «Il est étrange qu'hier tous les opposants à M. de Rohan[240] firent défaut, et que le roi n'ait pas fait former une opposition par mon substitut[241]; que M. de Bouillon n'ait pas fait trouver un avocat qui ait plaidé trois heures durant sur la prééminence de Château-Thierry et de ses autres terres[242]; que tous les autres gens de la cour n'aient pas le cœur de traverser par la chicane une affaire, laquelle est contre le service du roi présentement et contre leur intérêt pour ce que les princes l'affectionnent. Il sera reçu demain, si on n'y donne ordre avant l'entrée du Palais[243].

      «Mandez-moi des nouvelles des armées, si vous en savez; de Lorraine[244] et d'Espagne, et du lieu où le roi[T.I pag.138] doit venir, si c'est chose qui soit résolue et que l'on veuille bien dire; des nouvelles de la santé de M. de Mancini[245]; assurez Son Éminence de mon service.»

      Le lendemain, 15 juillet, Nicolas Fouquet, répondant à un des familiers du cardinal Mazarin, insistait encore sur les mêmes idées. «J'ai reçu, lui écrivait-il[246], votre billet fort tard; nos Messieurs[247] étaient dispersés et engagés en divers lieux, en sorte qu'il s'est passé du temps à les rejoindre. Ils n'ont pas cru pouvoir aller ce soir à Saint-Denis, pour ce qu'il n'y a point ici d'escorte et qu'il eût fallu bien du temps d'en envoyer querir une à l'armée, qui est à quatre grandes lieues d'ici, et qu'il n'y a point de sûreté; mais la principale raison est qu'ils croient qu'il est impossible d'aller sans être vus, et d'être vus sans être suivis tout le jour et la nuit même de diverses personnes qui les voudront retenir à souper et à coucher, chacun sachant bien qu'ils n'ont point de gîte. Outre qu'y étant allés avant-hier et ayant dit publiquement qu'ils retournaient chez eux et ne voulaient pas demeurer à coucher, il est impossible que le soupçon ne tombât sur eux, et ce à la veille d'une réponse au parlement. D'ailleurs, l'entrée dans la maison de M. le cardinal[248] étant exposée à la vue des députés qui observent tout, ils les auraient fait observer toute la nuit,[T.I pag.139] et, en l'état où sont les affaires, ces Messieurs estiment que le service qu'ils pourraient rendre dans une telle conférence ne serait pas si grand que le préjudice qu'ils apporteraient, et aux affaires publiques, et aux leurs en particulier, si la chose était découverte, comme ils n'en doutent pas. M. de Champlâtreux, d'ailleurs, ayant mandé qu'il viendrait les voir cette après-dinée, ou demain matin, sur un billet qu'ils lui avaient écrit, ils ne savent quel prétexte ils pourraient avoir pour un changement si subit, et cent autres raisons qui leur font croire le secret impossible.

      «Nous estimons que les ordres sont à présent donnés au parlement. S'ils ne le sont pas, et que l'on eût dessein d'avoir leur avis là-dessus, ils n'en peuvent prendre d'autre que celui que je vous ai mandé, qui est d'envoyer au parlement, dès la pointe du jour, une lettre de cachet du roi pour leur faire savoir les intentions de Sa Majesté, lesquelles intentions doivent être réglées sur la résolution à laquelle on se déterminera: ce qu'il faut faire présentement, parce qu'en temporisant et en négociant, tout périra inévitablement.

      «Si l'on croit que M. le cardinal puisse demeurer et que les forces du roi soient capables de résister à celles des ennemis, il faut retrancher toute espérance de paix et d'accommodement, afin que chacun prenne son parti et que le roi appuie son autorité de tout ce qui y pourra contribuer; et, en ce cas, il faut que la lettre de cachet porte la juste indignation du roi du refus qui a été fait de faire venir des députés de la part des princes, et mander tout le reste du parlement. Si, au contraire,[T.I pag.140] M. le cardinal est dans le doute de pouvoir résister et qu'il ait quelque pensée de se retirer, il faut dès aujourd'hui, plutôt que demain, s'accorder avec M. le Prince solidement, pour ce que, dans peu de jours, il ne le pourra peut-être plus ou refusera les assurances du retour de M. le cardinal, et, les peuples devenant insolents, M. le Prince n'en sera plus le maître. En un mot, il n'y a personne en tout le royaume de tous ceux qui ne sont point intéressés en cette affaire qui ne dise la même chose: prendre une résolution certaine; il vaut mieux qu'elle ne soit pas si bonne, pourvu qu'elle soit certaine, et que chacun sache sur quel fondement il a à travailler.

      «Sitôt que nous aurons des nouvelles de ce qui aura été fait demain au parlement, nous vous manderons nos sentiments là-dessus. Cependant nous nous reposons dans l'assurance que nous serons avertis du temps du départ et de la marche du roi.

      «Si mon frère[249] est de retour, que M. le cardinal nous l'envoie bien instruit de ses intentions; nous conférerons avec lui de tout ce qui se peut faire.

      «J'écrirai à mes gens, dès ce soir, pour ce que vous me mandez; mais ce ne peut être que pour après-demain au plus tôt, encore si les lettres ne se perdent point. Je suis en peine d'un paquet envoyé pour cet effet.

      «J'ai regret de l'état où vous me mandez M. Mancini.[T.I pag.141]

      «Il est nécessaire que M. le garde des sceaux mande ici MM. les maîtres des requêtes du quartier du conseil[250], pour venir faire leur quartier à la suite du roi, et que l'on transfère la juridiction des requêtes de l'Hôtel[251] au même lieu où sera le parlement.

      «Il faut travailler à faire sortir le plus grand nombre qu'il se pourra des officiers du parlement. M. Saintot[252] peut presser M. son frère; Bonneau peut écrire à son fils; M. Jeannin[253], à ses beaux-frères. Il faut écrire à M. Prévost, sa présence étant plus nécessaire que tout ce qu'il peut faire à Paris.

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