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sais-tu que le chien est enragé?

      —Je l'ai bien vu, maman, à sa queue traînante, à sa tête basse, à sa langue pendante, à sa démarche trottinante; et puis il a mordu Calino et Marguerite sans aboiement, sans bruit; et Calino, au lieu de se défendre ou de crier, s'est étendu à terre sans bouger.

      Le chien secouait la tête, la couronne tombait, et Marguerite le grondait. (Page 33.)

      —Tu as raison, Camille! Quel malheur, mon Dieu! Lavons bien vite les morsures dans l'eau fraîche, ensuite dans l'eau salée.

      —Madeleine l'a menée dans la cuisine, maman. Mais que faire?»

      Mme de Fleurville, pour toute réponse, alla avec Camille trouver Marguerite; elle regarda la morsure, et vit un petit trou peu profond qui ne saignait plus.

      «Vite, Rosalie (c'était la cuisinière), un seau d'eau fraîche! Donne-moi ta main, Marguerite! Trempe-la dans le seau. Trempe encore, encore; remue-la bien. Donne-moi une forte poignée de sel, Camille,... bien.... Mets-le dans un peu d'eau.... Trempe ta main dans l'eau salée, chère Marguerite.

      —J'ai peur que le sel ne me pique, dit Marguerite en pleurant.

      —Non, n'aie pas peur: ce ne sera pas grand-chose. Mais, quand même cela te piquerait, il faut te tremper la main, sans quoi tu serais très malade.»

      Pendant dix minutes, Mme de Fleurville obligea Marguerite à tenir sa main dans l'eau salée. S'apercevant de la frayeur de la pauvre enfant, qui contenait difficilement ses larmes, elle l'embrassa et lui dit:

      «Ne t'effraye pas, ma petite Marguerite; ce ne sera rien, je pense. Tous les jours, matin et soir, tu tremperas ta main dans l'eau salée pendant un quart d'heure; tous les jours tu mangeras deux fortes pincées de sel et une petite gousse d'ail. Dans huit jours ce sera fini.

      —Maman, dit Camille, n'en parlons pas à Mme de Rosbourg, elle serait trop inquiète.

      —Tu as raison, chère enfant, dit Mme de Fleurville en l'embrassant. Nous le lui raconterons dans un mois.»

      Camille et Madeleine recommandèrent bien à Marguerite de ne rien dire à sa maman, pour ne pas la tourmenter. Marguerite, qui était obéissante et qui n'était pas bavarde, n'en dit pas un mot. Pendant huit jours elle fit exactement ce que lui avait ordonné Mme de Fleurville; au bout de trois jours sa petite main était guérie.

      Après un mois, quand tout danger fut passé, Marguerite dit un jour à sa maman:

      «Maman, chère maman, vous ne savez pas que votre pauvre Marguerite a manqué mourir.

      —Mourir, mon amour! dit la maman en riant. Tu n'as pas l'air bien malade.

      —Tenez, maman, regardez ma main. Voyez-vous cette toute petite tache rouge?

      —Oui, je vois bien; c'est un cousin qui t'a piquée!

      —C'est un chien enragé qui m'a mordue.»

      Mme de Rosbourg poussa un cri étouffé, pâlit et demanda d'une voix tremblante:

      «Qui t'a dit que le chien était enragé? Pourquoi ne me l'as-tu pas dit tout de suite?

      —Mme de Fleurville m'a recommandé de faire bien exactement ce qu'elle avait dit, sans quoi je deviendrais enragée et je mourrais. Elle m'a défendu de vous en parler avant un mois, chère maman, pour ne pas vous faire peur.

      —Et qu'a-t-on fait pour te guérir, ma pauvre petite? Est-ce qu'on a appliqué un fer rouge sur la morsure?

      —Non, maman, pas du tout. Mme de Fleurville, Camille et Madeleine m'ont tout de suite lavé la main à grande eau dans un seau, puis elles me l'ont fait tremper dans de l'eau salée, longtemps, longtemps; elles m'ont fait faire cela tous les matins et tous les soirs, pendant une semaine, et m'ont fait manger, tous les jours, deux pincées de sel et de l'ail.»

      Mme de Rosbourg embrassa Marguerite avec une vive émotion, et courut chercher Mme de Fleurville pour avoir des renseignements plus précis.

      Mme de Fleurville confirma le récit de la petite et rassura Mme de Rosbourg sur les suites de cette morsure.

      «Marguerite ne court plus aucun danger, chère amie, soyez-en sûre; l'eau est le remède infaillible pour les morsures des bêtes enragées; l'eau salée est bien meilleure encore. Soyez bien certaine qu'elle est sauvée.»

      Mme de Rosbourg embrassa tendrement Mme de Fleurville; elle exprima toute la reconnaissance que lui inspiraient la tendresse et les soins de Camille et de Madeleine, et se promit tout bas de la leur témoigner à la première occasion.

       Table des matières

       Table des matières

      Il y avait à une lieue du château de Fleurville une petite fille âgée de six ans, qui s'appelait Sophie. A quatre ans, elle avait perdu sa mère dans un naufrage; son père se remaria et mourut aussi peu de temps après. Sophie resta avec sa belle-mère, Mme Fichini; elle était revenue habiter une terre qui avait appartenu à M. de Réan, père de Sophie. Il avait pris plus tard le nom de Fichini, que lui avait légué, avec une fortune considérable, un ami mort en Amérique; Mme Fichini et Sophie venaient quelquefois chez Mme de Fleurville. Nous allons voir si Sophie était aussi bonne que Camille et Madeleine.

      Un jour que les petites sœurs et Marguerite sortaient pour aller se promener, on entendit le roulement d'une voiture, et, bientôt après, une brillante calèche s'arrêta devant le perron du château; Mme Fichini et Sophie en descendirent.

      «Bonjour, Sophie, dirent Camille et Madeleine; nous sommes bien contentes de te voir; bonjour, madame, ajoutèrent-elles en faisant une petite révérence.

      —Bonjour, mes petites; je vais au salon voir votre maman. Ne vous dérangez pas de votre promenade; Sophie vous accompagnera. Et vous, mademoiselle, ajouta-t-elle en s'adressant à Sophie d'une voix dure et d'un air sévère, soyez sage, sans quoi vous aurez le fouet au retour.»

      Sophie n'osa pas répliquer; elle baissa les yeux. Mme Fichini s'approcha d'elle les yeux étincelants:

      «Vous n'avez pas de langue pour répondre, petite impertinente!

      —Oui, maman», s'empressa de répondre Sophie.

      Mme Fichini jeta sur elle un regard de colère, lui tourna le dos et entra au salon.

      Camille et Madeleine étaient restées stupéfaites.

      Marguerite s'était cachée derrière une caisse d'oranger. Quand Mme Fichini eut fermé la porte du salon, Sophie leva lentement la tête, s'approcha de Camille et de Marguerite, et dit tout bas:

      «Sortons; n'allons pas au salon: ma belle-mère y est.

      CAMILLE.

      Pourquoi ta belle-mère t'a-t-elle grondée, Sophie? Qu'est-ce que tu as fait?

      SOPHIE.

      Rien du tout. Elle est toujours comme cela.

      MADELEINE.

      Allons dans notre jardin, où nous serons bien tranquilles. Marguerite, viens avec nous.

      SOPHIE, apercevant Marguerite.

      Ah! qu'est-ce que c'est que cette petite? je ne l'ai pas encore vue.

      CAMILLE.

      «C'est

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