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tué cette pauvre bête, méchant Nicaise? dit Camille avec indignation.

      MADELEINE.

      Les pauvres petits vont mourir de faim à présent.

      NICAISE.

      Pour cela non, mademoiselle; ce n'est pas de faim qu'ils vont mourir: je vais les tuer.

      MARGUERITE, joignant les mains.

      Oh! pauvres petits! ne les tuez pas, je vous en prie, Nicaise.

      NICAISE.

      Ah! il faut bien les faire mourir, mademoiselle; c'est mauvais, le hérisson: ça détruit les petits lapins, les petits perdreaux. D'ailleurs, ils sont trop jeunes; ils ne vivraient pas sans leur mère.

      CAMILLE.

      Viens, Madeleine; viens, Marguerite; allons demander à maman de sauver ces malheureuses petites bêtes.»

      Toutes trois coururent au salon, où travaillaient Mme de Fleurville et Mme de Rosbourg.

      LES TROIS PETITES ENSEMBLE.

      Maman, maman, madame, les pauvres hérissons! ce méchant Nicaise va les tuer! La pauvre mère est morte! Il faut les sauver, vite, vite!

      MADAME DE FLEURVILLE.

      Qui? Qu'est-ce? Qui tuer? Qui sauver? Pourquoi «méchant Nicaise»?

      LES TROIS PETITES ENSEMBLE.

      Il faut aller vite. C'est Nicaise. Il ne nous écoute pas. Ces pauvres petits!

      MADAME DE ROSBOURG.

      Vous parlez toutes trois à la fois, mes chères enfants; nous ne comprenons pas ce que vous demandez. Madeleine, parle seule, toi qui es moins agitée et moins essoufflée.

      MADELEINE.

      C'est Nicaise qui a tué une mère hérisson; il y a trois petits, il veut les tuer aussi; il dit que les hérissons sont mauvais, qu'ils tuent les petits lapins.

      CAMILLE.

      Et je crois qu'il ment; ils ne mangent que de mauvaises bêtes.

      MADAME DE FLEURVILLE.

      Et pourquoi mentirait-il, Camille?

      CAMILLE.

      Parce qu'il veut tuer ces pauvres petits, maman.

      MADAME DE FLEURVILLE.

      Tu le crois donc bien méchant? Pour avoir le plaisir de tuer de pauvres petites bêtes inoffensives, il inventerait contre elles des calomnies!

      CAMILLE.

      C'est vrai, maman, j'ai tort; mais si vous pouviez sauver ces petits hérissons? Ils sont si gentils!

      MADAME DE ROSBOURG, souriant.

      Des hérissons gentils? c'est une rareté. Mais, chère amie, nous pourrions aller voir ce qu'il en est et s'il y a moyen de laisser vivre ces pauvres orphelins.»

      Ces dames et les trois petites filles sortirent et se dirigèrent vers le bois où on avait laissé le garde et les hérissons.

      Plus de garde, plus de hérissons, ni morts ni vivants. Tout avait disparu.

      CAMILLE.

      O mon Dieu! ces pauvres hérissons! je suis sûre que Nicaise les a tués.

      MADAME DE FLEURVILLE.

      Nous allons voir cela; allons jusque chez lui.»

      Les trois petites coururent en avant. Elles se précipitèrent avec impétuosité dans la maison du garde.

      LES TROIS PETITES ENSEMBLE.

      Où sont les hérissons? Où les avez-vous mis, Nicaise?

      Le garde dînait avec sa femme. Il se leva lentement et répondit avec la même lenteur:

      «Je les ai jetés à l'eau, mesdemoiselles; ils sont dans la mare du potager.

      LES TROIS PETITES ENSEMBLE.

      Comme c'est méchant! comme c'est vilain! Maman, maman, voilà Nicaise qui a jeté les petits hérissons dans la mare.»

      Mmes de Fleurville et de Rosbourg arrivaient à la porte.

      MADAME DE FLEURVILLE.

      Vous avez eu tort de ne pas attendre, Nicaise: mes petites désiraient garder ces hérissons.

      NICAISE.

      Pas possible, madame; ils auraient péri avant deux jours: ils étaient trop petits. D'ailleurs c'est une méchante race que le hérisson. Il faut la détruire.»

      Mme de Fleurville se retourna vers les petites, muettes et consternées.

      «Que faire, mes chères petites, sinon oublier ces hérissons? Nicaise a cru bien faire en les tuant; et, en vérité, qu'en auriez-vous fait? Comment les nourrir, les soigner?»

      Les petites trouvaient que Mme de Fleurville avait raison, mais ces hérissons leur faisaient pitié; elles ne répondirent rien et revinrent à la maison un peu abattues.

      Elles allaient reprendre leurs leçons, lorsque Sophie arriva sur un âne avec sa bonne.

      Mme Fichini faisait dire qu'elle viendrait dîner et qu'elle se débarrassait de Sophie en l'envoyant d'avance.

      SOPHIE.

      Bonjour, mes bonnes amies; bonjour, Marguerite! Eh bien, Marguerite, tu t'éloignes?

      MARGUERITE.

      Vous avez fait punir l'autre jour ma chère Camille: je ne vous aime pas, mademoiselle.

      CAMILLE.

      Écoute, Marguerite, je méritais d'être punie pour m'être mise en colère: c'est très vilain de s'emporter.

      MARGUERITE, l'embrassant tendrement.

      C'est pour moi, ma chère Camille, que tu t'es mise en colère. Tu es toujours si bonne! Jamais tu ne te fâches.»

      Sophie avait commencé par rougir de colère; mais le mouvement de tendresse de Marguerite arrêta ce mauvais sentiment; elle sentit ses torts, s'approcha de Camille et lui dit, les larmes aux yeux:

      «Camille, ma bonne Camille, Marguerite a raison: c'est moi qui suis la coupable, c'est moi qui ai eu le premier tort en répondant durement à la pauvre petite Marguerite, qui défendait tes fraises. C'est moi qui ai provoqué ta juste colère en repoussant Marguerite et la jetant à terre; j'ai abusé de ma force, j'ai froissé tous tes bons et affectueux sentiments. Tu as bien fait de me donner un soufflet; je l'ai mérité, bien mérité. Et toi aussi, ma bonne petite Marguerite, pardonne-moi; sois généreuse comme Camille. Je sais que je suis méchante; mais, ajouta-t-elle en fondant en larmes, je suis si malheureuse!»

      A ces mots, Camille, Madeleine, Marguerite se précipitèrent vers Sophie, l'embrassèrent, la serrèrent dans leurs bras.

      «Ma pauvre Sophie, disaient-elles toutes trois, ne pleure pas, nous t'aimons bien; viens nous voir souvent, nous tâcherons de te distraire.»

      Sophie sécha ses larmes et essuya ses yeux.

      «Merci, mille fois merci, mes chères amies; je tâcherai de vous imiter, de devenir bonne comme vous. Ah! si j'avais comme vous une maman douce et bonne, je serais meilleure! Mais j'ai si peur de ma belle-mère! elle ne me dit pas ce que je dois faire, mais elle me bat toujours.

      —Pauvre Sophie! dit Marguerite. Je suis bien fâchée de t'avoir détestée.

      —Non, tu avais raison, Marguerite, parce que j'ai été vraiment détestable le jour où je suis venue.»

      Camille et Madeleine demandèrent à Sophie de leur permettre d'achever un devoir de calcul et de géographie.

      «Dans

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