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s, e, m, et «sambleu!» s, a, m.

      »Expliquez cela, s. v. p.!

      »Ce n'est pas tout:

      »Pourquoi écrivez-vous: «M. Barthou perdit son sang-froid» s, a, n, g, et «Don Quichotte perdit son Sancho» s, a, n?

      »Je m'arrête, monsieur le directeur, car, à insister dans cette voie, on se ferait tourner les sangs.

      »Peut-être M. Alphonse Allais trouvera-t-il que je n'ai pas le sens commun?

      »Dans cette espérance, veuillez, monsieur le directeur, etc., etc.

      »Votre bien dévoué,

»Jean Des Rognures.»

      La question est, en effet, étrangement complexe; je la transmets à mon conseil d'études (section des lettres).

      Et je me rappelle l'amusante boutade de mon pauvre vieil ami Hippolyte Briollet:

      On dit «Francfort-sur-le-Mein» et «avoir le cœur sur la main». Comment voulez-vous que les étrangers s'y reconnaissent?

      Moi aussi, je me demande comment les étrangers peuvent s'y reconnaître.

      FRAGMENT DE LETTRE DE M. FRANC-NOHAIN

TENDANT À DÉMONTRER QU'ON NE S'EMBÊTE PAS PLUS EN PROVINCE QU'À PARIS

      Beaucoup de Parisiens, et pas mal de Parisiennes, éprouvent une vive tendance à s'imaginer que le bout du monde consiste en Neuilly l'hiver et en Trouville l'été.

      Il y a là un gros malentendu contre lequel tous les bons esprits devraient s'appliquer à réagir.

      Les départements français, ô gens de Paris, existent ailleurs que dans les géographies. Ils sont peuplés d'habitants en tout semblables à vous, d'habitants qui participent à la vie de la France et qui contribuent, par leurs efforts, par leurs arts, par leur fortune, à la prospérité et à la grandeur de notre cher pays.

      Mais je n'insiste pas. Ça me ficherait en colère, comme dit Sarcey, et, malade comme je suis, la moindre émotion peut me tuer.

      Je préfère découper, dans une lettre que je viens de recevoir, le passage suivant. Lisez-le attentivement, Mesdames et Messieurs, et vous vous rendrez bien compte que Paris ne détient pas le record des suprêmes rigolades:

      «Je parierais, mon cher Allais, que vous, si Parisien, vous ne connaissez pas un petit jeu ravissant qui passionne, depuis cet hiver, notre société élégante de Saint-Jean-d'Angély. C'est la jolie madame Marouillet qui nous l'a appris, cette madame Marouillet dont je vous parlai tant de fois, la femme du docteur Marouillet, le distingué président de l'Académie morale et technique d'Aunis et Saintonge.

      »Vous savez qu'il y a thé chez les Marouillet tous les vendredis: une habitude de Paris qui s'est merveilleusement implantée dans notre province; nous sommes là un petit clan de fonctionnaires qui ne demandons qu'à nous amuser, et qui y réussissons parfaitement, je vous assure, depuis que les Marouillet ont donné l'élan; tout blasé que vous êtes, je doute fort que vous ne prissiez plaisir à une partie de bête hombrée avec mademoiselle Charras, que nous appelons, par analogie, la «Superbe», et avec madame Legrice-Morand; et si vous entendiez cette dernière chanter: «Salut! petite maison verte!» la nouvelle romance du commandant Thomeret, vous comprendriez vite le peu de regrets que nous éprouvons pour vos divettes.

      »Mais ce qui vous ravirait plus encore, ou je vous connais mal, c'est le petit jeu de madame Marouillet.

      »Tout le monde s'assied en cercle, coude à coude; chacun tient l'index droit levé; la main gauche est à demi-fermée, le bout du pouce effleurant l'extrémité du médium, de façon à former comme un petit puits, l'orifice en l'air. Celui qui dirige le jeu commande: Chacun son trou! ou Trou commun! ou Trou du voisin! et aussitôt chaque joueur abat l'index au milieu du cercle quand on a commandé trou commun, ou l'insinue dans le petit puits que le voisin forme de sa main gauche, ou dans son propre petit puits. Vous ne sauriez imaginer rien de plus distrayant, pour peu qu'on mette de l'entrain et de la vivacité dans les commandements; et je vous garantis que quand c'est madame Marouillet qui commande, ou encore le petit d'Angoulins, pour pouvoir les suivre, et, au milieu de l'entre-croisement des mains, ne pas s'embrouiller dans les différents trous, il faut une attention et une dextérité pas banales.

      »D'ailleurs, quand on se trompe, c'est peut-être encore plus amusant, car alors ce sont des contestations sans fin et drôles au possible:

      »—Trou commun, monsieur Burisson; vous faites trou du voisin, un gage!—Pas du tout, chacun son trou!—Non, trou commun!—Trou du voisin!—Troun de l'air! ajoute toujours M. Burisson, qui a le génie de l'à-propos et du calembour. Ce M. Burisson est impayable; entre nous, je le soupçonne souvent de se tromper exprès et d'être légèrement fumiste, comme vous dites sur le boulevard; ce qui est certain, c'est qu'il nous fera mourir.

      »Trou commun, mon cher Allais, et mille choses autour.

»FRANC-NOHAIN.»

      Franc-Nohain n'est pas le vrai nom du signataire de cette lettre.

      Trésorier général dans un des plus fertiles départements de notre chère France sud-occidentale, ce sympathique fonctionnaire se double d'un poète amorphe d'une rare envergure.

      Son petit volume, qui vient de paraître: Inattentions et sollicitudes, est dans toutes les mains.

      UN EXCELLENT HOMME DISTRAIT

      Dans l'hôtel, fort confortable d'ailleurs, où je vis depuis plus d'un mois, s'épanouit—si j'en excepte une rare pincée de braves gens très gentils—toute une potée de muffs ineffables et de bourgeois sans bornes.

      Oh! ces têtes! Oh! ces conversations! Leur idéal d'art se satisfait aux tableaux du fécal Bonnat et de Bouguereau, spécialiste en baudruches rosâtres.

      Leur soif de justice sociale s'étanche aux idées (!) de Deschanel ou de Leroy-Beaulieu, si tant est qu'ils connaissent seulement de nom ces veules sociologues comiques à force d'inconscience.

      Et dévots, avec ça! Dévots d'un cagotisme à faire vomir Huysmans!

      Ah! les salauds! Et la veine qu'ils ont qu'on ne soit pas méchant!

      –Vous me croirez si vous voulez, disait ce matin une abominable vieille chipie à son voisin de table, mais à Paris, dans les quartiers ouvriers, il n'est pas rare de trouver des écailles d'huîtres dans les tas d'ordures (sic)!

      Et le voisin de table, un hobereau fatigué par toutes sortes de débauches occultes, se refusait à accepter une telle monstruosité:

      –Des huîtres! râlait-il. Des huîtres! Et ces gens-là se plaignent!

      Pauvre petite douzaine de portugaises à douze sous, pensiez-vous jamais indigner tant le monde orléaniste, clérical et bien pensant de la côte d'azur!

      Une rare pincée de braves gens très gentils, ai-je dit en commençant.

      Heureusement!

      Et, parmi eux, un ménage, un vieux ménage composé, comme cela arrive souvent, dans les vieux ménages, d'une vieille dame et d'un vieux monsieur.

      La vieille dame, toute de bonne grâce et de malice spirituelle; le vieux monsieur, comme flottant sans trêve en quelque nuage de candeur effarée.

      La dame ressemble à toutes les vieilles grand'mères.

      Le monsieur rappelle le portrait de Darwin, de ce grand Darwin dont un curé de notre hôtel disait, l'autre jour:

      –C'est encore comme cet ignoble Darvin, etc.

      Et rien de touchant comme la continuelle attention dont lady Darwin (car c'est ainsi que nous la baptisâmes) entoure son vieux naturaliste.

      Lui, le bonhomme, il est toujours sorti, et, quand on l'interpelle directement, il met un petit temps à descendre de sa chimère. Hein?… quoi?… qu'est-ce qu'il y a?…

      Selon les circonstances, il s'effare des normes les plus admises,

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