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ça n'était pas bien commode pour boire.

      Comme sa femme insistait sur le symbole:

      –Tu ne me demandes pas à cause de quoi ces fleurs?

      –À cause de quoi?

      –Eh bien!… notre trentième anniversaire!

      –Quel anniversaire?

      –De notre mariage, parbleu!

      –Ah! vraiment! Ah! vraiment! C'est très curieux.

      Et, devant nos sourires sympathiques, la dame nous mit au courant de la nature de son mari.

      Le meilleur homme de la création, mais aussi le plus distrait.

      –Imaginez-vous, conta-t-elle en souriant, que le jour de notre mariage, il fit répéter six fois à M. le maire la question classique: Consentez-vous à prendre pour épouse, etc.? À la fin, il s'écria: «Oh! je vous demande pardon, monsieur le maire, je pensais à autre chose!»

      Au cours de la nuit de noces, il pria sa femme d'allumer la bougie.

      –Pourquoi? demandait la jeune femme.

      –Je ne peux pas me souvenir de votre physionomie.

      À part ça, d'une exquise bonté, d'une tendresse folle. Une âme pétrie de concorde et d'harmonie.

      La vieille dame concluait en riant:

      –C'est à ce point, que je n'ai jamais essayé de faire des œufs brouillés à la maison!

      –?????

      –D'un mot, il les aurait réconciliés.

      CONTRÔLE DE L'ÉTAT

      L'accueil que me réservait le Captain Cap fut totalement dénué, comment dirai-je? d'expansion. (Attribuez ce fait à un récent malentendu.)

      Mais l'âme de Cap est une grande âme, et Cap, sur ma mine déconfite, sur mon visible chagrin, ne crut pas devoir maintenir la basse température de son accueil.

      Au contraire même, et soudain, je le vis bondir sur la plate-forme de la cordialité.

      –Qu'est-ce que vous prenez, Allais?

      –Je me disposais à vous le demander, Captain.

      –Moi, un verre d'eau rougie.

      –Et moi, de l'eau sucrée avec de la fleur d'oranger.

      –Ne prenez pas trop de fleur d'oranger; elle est très forte dans cette maison… Méfiez-vous!

      Et Cap, au bout d'un court silence:

      –Vous souvient-il, mon cher Alphonse, d'une conversation que nous eûmes naguère, relativement à des œufs?

      –Parfaitement!… Des œufs de harengs saurs, n'est-ce pas, que Casimir Périer s'amusait à faire couver par des autruches empaillées?

      –Non, pas ceux-là. Je veux parler des œufs de poules.

      –Des œufs de poules?

      –Oui, des œufs de poules. Vous ouvrez d'énormes prunelles… Ignorez-vous donc que la poule soit ovipare?

      –Non, Cap. Tout jeune, je fus initié à ce détail.

      –Vous souvenez-vous pas qu'un jour j'admirais devant vous… (admirer au sens latin du mot: mirari, s'étonner) j'admirais que les marchands d'œufs fussent assez idiots pour ne pas vendre très cher, et tout de suite, leurs œufs frais, au lieu d'attendre—ainsi qu'ils font—que ces mêmes œufs aient perdu de leur fraîcheur en même temps et de leur valeur?

      –Je me souviens, Cap.

      –C'est heureux… Savez-vous, avec ce système-là, ce qui est arrivé à un de mes amis?

      –Je brûle de l'apprendre.

      –Mon ami entre, hier soir, chez un fruitier. Il demande un œuf très frais, tout ce qu'il y a de plus frais, pour gober avant de se coucher.

      –Excellente coutume.

      –Mon ami rentre chez lui… D'un coup sec de son couteau, il brise la coquille de l'œuf, et de cette coquille surgit brusquement un petit poussin. Furieux d'être dérangé à pareille heure, le jeune gallinacé saute aux yeux de mon ami et les lui crève tous les deux.

      –Voilà un événement bien particulier!

      –Particulière ou pas, une telle aventure ne devrait jamais se produire dans un gouvernement issu du suffrage universel.

      –Mais quel remède?…

      –Il est trouvé! Un de mes amis…

      –Celui qui a eu les yeux crevés?

      –Non, un autre… un aviculteur turc des environs de Valence, dont voici la carte: Baldek-Hatzar, au Vélau (Drôme), a résolu la question. Oh! mon Dieu, c'est bien simple!

      –Parlez sans crainte, Cap.

      –Voici: le gouvernement s'arrogera le monopole des œufs comme il a déjà celui du tabac et des allumettes. Chaque poule exerçant son industrie sur le territoire de la République française sera munie, à son orifice postérieur, d'un appareil enregistreur, compteur et dateur. Cet appareil, très simple, en somme, se compose d'un mouvement d'horlogerie donnant les dates et les heures, d'un rouleau encreur et d'un timbre dateur. Le tout pèse 68 gr. et 99 centig.

      –Merveilleux, Cap, merveilleux!

      –Alors, plus de duperie, plus de fraude, plus de poussins inattendus!… Des expériences ont été faites qui réussirent à souhait. Mon ami, le Turc Baldek-Hatzar, a écrit au ministre de l'agriculture et au ministre des finances. Ces messieurs n'ont pas encore daigné répondre. Ah! elle est chouette, votre Europe!

      –À qui le dites-vous?…

      Et Cap commanda deux tasses de tilleul, que nous sablâmes gaiement avant de nous séparer.

      UN HONNÊTE HOMME

DANS TOUTE LA FORCE DU MOT

      Je vais raconter les faits simplement; la moralité s'en dégagera d'elle-même.

      C'était pas plus tard qu'hier (je ne suis pas, moi comme mon vieil ami Odon G. de M. dont les plus récentes anecdotes remontent à la fin du treizième siècle).

      C'était pas plus tard qu'hier.

      J'avais passé toute la journée au polygone de Fontainebleau où j'assistais aux expériences du nouveau canon de siège en osier, beaucoup plus léger que celui employé jusqu'à présent en bronze ou en acier et tout aussi profitable, comme dirait mon vieux camarade le général Poilu de Sainte-Bellone.

      (Ajoutons incidemment que j'ai rencontré dans les rues de Fontainebleau mon jeune ami Max Lebaudy, très gentil en tringlot et prenant gaiement son parti de sa nouvelle position. Il voulait me retenir à dîner, mais impossible, préalablement engagé que j'étais au mess de MM. les canonniers de l'École. Ce sera pour une autre fois.)

      Après avoir absorbé, en gaie compagnie, quelques verres de l'excellente bière des barons de Tucher, j'envahis le train qui, partant à 10 h. 5 de Fontainebleau, devait me déposer à Paris à 11 h. 24.

      (Je précise, pour faire plaisir à M. Dopffer.)

      Dans le compartiment où m'amena le destin se trouvaient, déjà installés, un monsieur et un petit garçon.

      Le monsieur n'avait rien d'extraordinaire, le petit garçon non plus (un tic de famille, probablement).

      Malgré ma haute situation dans la presse quotidienne, je consentis tout de même à engager la conversation avec ces êtres dénués d'intérêt.

      Le monsieur, et aussi le petit garçon son fils, arrivaient de Valence d'où ils étaient partis à cinq heures du matin, et c'est bien long, disait le monsieur de Valence, toute une journée passée en chemin de fer.

      –Pourquoi, dis-je, n'avez-vous pas pris l'express, puisque vous voyagez en première?

      –Ah! voilà!

      Je

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