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Mathilde. Эжен Сю
Читать онлайн.Название Mathilde
Год выпуска 0
isbn
Автор произведения Эжен Сю
Жанр Зарубежная классика
Издательство Public Domain
Mais alors les temps n'étaient pas changés, j'avais toutes mes illusions, et je fus cruellement navrée du malheur d'Ursule.
Pour tout dire, cette lettre, d'une écriture parfaitement correcte et posée, était cachetée de noir avec une pierre gravée, représentant une tête de mort; cachet bizarre qu'Ursule affectionnait beaucoup.
«C'en est fait, Mathilde, ta pauvre Ursule est sacrifiée; elle n'a plus qu'à vouer sa vie tout entière aux larmes et au deuil. C'est à peine si au milieu du sombre avenir qui l'attend, elle entrevoit quelques lueurs de consolation, qu'elle devra, sans doute, à ton amitié chérie… Mais, mon Dieu! pourquoi m'étonner du nouveau coup qui me frappe? depuis longtemps ne suis-je pas habituée à souffrir! Victime résignée au malheur, je ne puis que courber le front et pleurer!..
«Pardon, mon amie, ma sœur, de venir attrister tes joies par ces plaintes qui s'exhalent de mon âme désolée: car, j'en ai le pressentiment, tu seras heureuse, tu es heureuse selon ton cœur; tu épouseras celui que tu aimes… Si belle, si riche, si charmante, pour plaire tu n'as qu'à paraître!..
«La pauvre Ursule, au contraire, sans charmes, sans attraits, sans fortune, a été en naissant presque vouée au malheur… Que veux-tu? c'est sa destinée… Mais, que dis-je?.. non, non, je suis injuste; ne t'ai-je pas rencontrée sur ma route? n'as-tu pas tendu la main à la petite abandonnée? n'a-t-elle pas dû à ta générosité, à ta touchante amitié, le plus précieux des biens, une éducation brillante, comme me le répète toujours avec raison mademoiselle de Maran?
«Ne t'ai-je pas dû… ne te dois-je pas le sentiment le plus doux, le plus cher à mon cœur? Hélas! sans cela… sans l'espoir involontaire qu'il me donne… je serais déjà morte de désespoir… tu n'aurais qu'à pleurer ton amie.
«Écoute, Mathilde; c'est une folie, diras-tu… soit… mais c'est une douloureuse et triste folie, je t'assure… J'ai de funèbres pressentiments, je ne sais quel est le sort qui m'attend… en tous cas… je voudrais te donner mes livres et cette petite parure de corail que tu sais.
«Hélas! je suis sans fortune, je n'ai rien… Pardonne la pauvreté de ce présent; mais au moins il te rappellera nos journées de travail et notre innocente coquetterie de jeunes filles, n'est-ce pas, Mathilde? Tu pleureras ton amie! n'est-ce pas qu'un vague souvenir d'elle viendra quelquefois traverser ta pensée au milieu des fêtes brillantes dont tu seras la reine?..
«Je voudrais avoir ici mon dernier asile. Je suis allée souvent dans le modeste cimetière du village; il n'a rien de repoussant; c'est une pelouse verdoyante, entourée d'une haie de sureau et d'aubépine qui au printemps doivent être couverts de fleurs. On y voit çà et là de simples croix de bois… Oh! qu'il me serait doux d'être là confondue avec les humbles créatures qui reposent dans ces tombes ignorées, car j'aurai passé, comme elles, inaperçue dans ce monde…
«Pardon, Mathilde, de ce triste commencement de lettre; mais j'ai l'âme si profondément navrée que je me suis laissée aller à l'amertume de mes impressions.
«Il faut pourtant t'apprendre le sujet de mes larmes…
«Je me marie!
«Quel mariage! mon Dieu!.. Adieu mes rêves de jeune fille! adieu mes vagues espérances! adieu surtout cette vie de dévouement de tous les instants que je voulais passer près de toi!
«Un moment j'ai pensé à lutter contre l'inébranlable et terrible volonté de mon père; mais j'ai senti que j'aurais vite usé mes forces dans ce combat inégal, que je serais brisée, dans la lutte; et puis une bien plus puissante raison me faisait un devoir de la résignation. J'ai obéi; tu sauras bientôt pourquoi.
«Il y a huit jours, le jour même où je t'avais écrit, sans savoir ce qui m'attendait, mon père me fit venir dans son appartement. Tu n'as jamais vu mon père que dans le monde, ou devant mademoiselle de Maran qui lui impose beaucoup; il n'a dû te paraître que grave et compassé. Ici il est habitué à dominer, à parler en maître inflexible; sa figure a une expression toute différente; elle est dure, presque menaçante.
– «Vous n'avez pas de fortune,» – me dit-il, – «il faut songer à vous marier. J'ai trouvé pour vous un parti inespéré, un jeune homme qui a plus de soixante mille livres de rentes, sans les espérances, et ce qu'il peut gagner encore; car il gère sa fortune à merveille et entend parfaitement les affaires. Il viendra ici, demain, avec sa mère. Arrangez-vous pour lui plaire; car, si vous lui plaisez, le mariage est conclu. Surtout soyez simple et gaie, car M. Sécherin est un garçon de bonne humeur, tout rond et sans façons. Réfléchissez à cela; je vous laisse. Il faut que j'aille à ma ferme des Sanlaies. En vérité, cette malheureuse propriété me coûte plus qu'elle ne me rapporte, et vous avez besoin de faire un bon mariage pour ne pas être, après ma mort, dans une position pire que médiocre.»
«Sans me donner le temps de lui répondre un mot, mon père me laissa seule.
«Oh! mon amie, je ne saurais te dire dans quel abîme je crus tomber en entendant ces fatales paroles, moi qui, tu le sais, avais toujours rêvé comme toi cette ravissante union des âmes qui tôt ou tard se rencontrent, parce qu'elles se cherchent involontairement!!
«Je passai la nuit dans les larmes… Tu me demanderas peut-être, bonne et tendre sœur, si j'avais oublié la généreuse promesse que tu m'avais faite de partager ta fortune avec moi pour me faciliter un mariage selon mon cœur, ou bien de me garder près de toi si je ne trouvais pas un parti qui me convînt. Non, Mathilde, non, je ne l'avais pas oubliée, cette promesse! Je savais que ton cœur était assez grand, assez noble pour la tenir… C'est pour cela que j'ai voulu rendre impossible le sacrifice que tu voulais faire à notre amitié.
«Dans ton dévouement, aussi admirable qu'irréfléchi, tu n'avais pas songé à l'avenir; quoique considérables, tes biens ne sont pas assez grands pour pouvoir ainsi se diviser; avec ta fortune entière, tu es une très-riche héritière, et tu peux prétendre aux plus brillants partis. En la partageant, tu diminues tes chances de moitié.
«Sans doute, rester éternellement près de toi a été un de mes plus doux rêves de jeune fille. Mais qui sait si cet arrangement conviendrait à celui que tu choisiras pour mari? Grand Dieu! plutôt mourir mille fois que d'être la cause du plus léger dissentiment entre vous! Je me suis donc résignée, Mathilde. J'ai trouvé la force de cette résignation dans mon amitié, dans mon dévouement pour toi. Je bénirai toujours le sacrifice que je me suis imposé, en songeant qu'il a peut-être pu contribuer à assurer ton bonheur à venir.
«Hélas! il m'en a bien coûté, j'ai pleuré, amèrement pleuré pendant la nuit qui précéda ma première entrevue avec M. Sécherin.
«Oserai-je tout te dire, tout t'avouer? Un moment une pensée impie suspendit mes larmes… La maison de mon père est entourée de fossés profonds et remplis d'eau… je me levai… j'ouvris ma fenêtre… je mesurai la hauteur; la lune était voilée, il faisait une triste nuit d'hiver, le vent gémissait, je m'avançai hors du balcon… je me dis: Mieux vaut une mort criminelle, sans doute, que la vie qui m'attend. Un vertige me saisit; j'allais peut-être céder à une funeste inspiration, lorsqu'en donnant un dernier adieu à tout ce qui m'était cher, c'est à dire à toi, ton souvenir m'arrêta… Grâce encore te soit rendue, Mathilde! car ce souvenir m'a retenue au bord du précipice, il m'a empêchée de commettre un crime, je me suis résignée à vivre…
«Hélas! cette vie que je dispute si faiblement aux chagrins qui m'accablent, cette vie ne s'usera-t-elle pas bientôt? Oh! si cela était… si cela était! Je bénirais Dieu de me retirer de cette terre, j'accepterais la mort comme la douce récompense de tant de sacrifices que j'ai eu le courage de m'imposer.
«Le jour fatal arriva; le matin mon père me renouvela les plus sévères recommandations. J'attendis avec autant d'accablement que de morne indifférence le moment où l'on me présenterait M. Sécherin.
«Malgré les ordres,