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ans.

      Les forces régulières du Canada, qui ne s'élevaient pas à 1000 hommes, furent portées en 1755 à 2,800 soldats environ par l'arrivée de quatre bataillons d'infanterie sous les ordres du général Dieskau, qui avaient été demandés dans l'automne. Les milices avaient été armées; le chiffre de ceux de ces soldats improvisés qui étaient en service actif, fut augmenté, et l'on continua d'en acheminer de gros détachemens dans les postes des frontières, de sorte que l'on eût bientôt tant en campagne et les garnisons intérieures que dans les forts St. Frédéric, Frontenac et Niagara ainsi que dans ceux de l'Ohio et de l'isthme acadien, une armée de 7,000 hommes, sans compter plus de 800 employés aux transports. Mais cette force était encore bien insuffisante pour faire face à celle de l'ennemi qui avait déjà 15,000 soldats sur pied, dont 3,000 pour l'expédition de Beauséjour, 2,200 pour celle du fort Duquesne, 1,500 pour l'attaque de Niagara, et 5 à 6,000 pour le siège du fort St. Frédéric, quatre entreprises qu'il voulait exécuter simultanément.

      Si le travail secret qui se faisait dans la société en France paralysait l'énergie de son gouvernement, en Canada les habitans, livrés à l'agriculture et à la traite des pelleteries, ne portaient point leur esprit au-delà de ces sphères humbles mais pleines d'activité. Privés par la nature de leur gouvernement de prendre part à l'administration publique, ils ne songeaient qu'à l'exploitation de leurs métairies ou à la chasse de ces animaux sauvages qui erraient dans leurs forêts, et dont les riches fourrures formaient la branche la plus considérable de leur commerce. Peu nombreux, ils ne pouvaient espérer non plus que leurs conseils et leur influence fussent d'un grand poids sur la conduite du gouvernement de la métropole envers ses colonies; mais tout en lui représentant le danger de la lutte qui allait s'engager, ils prirent les armes sans murmurer, avec la résolution de combattre avec le même zèle que si la France avait fait les plus grands sacrifices pour les soustraire aux attaques de ses ennemis; et ils montrèrent jusqu'à la fin une constance et un dévoûment que les historiens français n'ont pas su toujours apprécier, mais que la vérité historique, appuyée sur des pièces officielles tirées des archives de Paris, ne permet plus aujourd'hui de mettre en doute.

      La saison des opérations étant enfin arrivée, des deux côtés l'on se mit en campagne. M. de Vaudreuil, ignorant les projets de l'ennemi, achemina, suivant les ordres de sa cour, des troupes sur Frontenac afin d'attaquer Oswégo auquel on attachait toujours, avec raison, une grande importance. Le général Dieskau, dont le maréchal de Saxe avait la plus haute opinion, devait conduire cette entreprise avec 4,000 hommes et 12 bouches à feu, et cet officier général se croyait sûr du succès. 2,000 hommes s'étaient déjà embarqués à Montréal, et la tête de la colonne arrivait à Frontenac, lorsque la nouvelle de l'apparition de l'armée du colonel Johnson sur le lac St. Sacrement, fit rappeler une partie de ces troupes. Le corps ennemi qui s'avançait était celui qui devait agir contre St. – Frédéric. Le 1er septembre, le général Dieskau, que ce contre-ordre avait singulièrement contrarié, et contre l'opinion duquel il avait été donné, se trouva à la tête du lac Champlain avec 1,500 Canadiens, 700 soldats et 800 Hurons, Abénaquis et Nipissings, en tout 3,000 hommes. C'était assez pour arrêter Johnson. L'on continua d'acheminer des forces sur le lac Ontario. Un bataillon monta jusqu'à Niagara avec ordre de relever les ruines de ce fort, composé d'une maison palissadée entourée d'un fossé, et de s'y maintenir. Un autre bataillon se campa au couchant des murs de Frontenac. A la fin de l'été ces trois positions importantes, St. – Frédéric, Niagara et Frontenac, paraissaient suffisamment protégées.

      Dans la vallée de l'Ohio, le fort Duquesne, ouvrage plein de défauts dans sa construction, mais commandé par M. de Contrecoeur, officier expérimenté et fort brave, n'avait qu'une garnison de 200 hommes; il pouvait cependant attirer à lui un certain nombre de voyageurs canadiens et de sauvages. Les autres postes répandus dans ces régions lointaines, n'avaient pas proportionnellement de garnisons plus nombreuses. Les forêts et la distance formaient leur plus grande protection.

      Du côté de l'Acadie, les forts Beauséjour et Gaspareaux avaient pour commandans, le premier, M. de Vergor, protégé de l'intendant Bigot, et le second, M. de Villeray. Ces officiers avaient à peine 150 soldats à leur disposition; mais en cas d'attaque, ils devaient compter sur l'aide des Acadiens fixés autour d'eux ou errant dans leur voisinage, comme si ces pauvres gens, que les Anglais regardaient comme leurs sujets, étaient bien libres d'agir.

      Des quatre expéditions projetées par les Anglais contre le Canada, la première en mouvement fut celle qui était chargée de s'emparer de ces derniers postes. Les troupes qui la composaient, levées dans le Massachusetts, pouvaient former 2,000 hommes commandés par le colonel Winslow, personnage influent du pays. Partie de Boston le 20 mai, elle arriva dans 41 navires le 1er juin à Chignectou, où elle débarqua et fut renforcée par 300 réguliers. Elle marcha aussitôt avec un train d'artillerie sur Beauséjour. Arrêtée un instant sur les bords de la rivière Messaguash par les Français qui y avaient élevé un blockhaus garni de canons, et qui, après une heure de combat, y mirent le feu et se retirèrent, elle parvint jusqu'à Beauséjour, repoussant devant elle un petit corps d'Acadiens que M. de Vergor avait envoyé défendre une hauteur à quelque distance.

      Le fort de Beauséjour avait alors une garnison de 100 soldats et d'environ 300 Acadiens. Rien n'y était à l'épreuve de la bombe, ni la poudrière, ni les casemates. Les assiégeans ayant ouvert la tranchée le 12 juin, le 16 la place se rendit par capitulation, après une assez molle résistance, la seule il est vrai que l'on put attendre de l'état de ses fortifications, du chef inexpérimenté et indolent à qui elle avait été confiée, du nombre des ennemis, et aussi de la crainte des habitans d'être passés par les armes s'ils étaient pris en combattant contre l'Angleterre. Les troupes sortirent avec les honneurs de la guerre pour être transportées à Louisbourg, et il fut stipulé que les Acadiens qui avaient combattu avec elles, ne seraient point inquiétés. Le fort Gaspareaux, défendu par une vingtaine de soldats et quelques habitans, se rendit aux mêmes conditions. Le nom du fort Beauséjour fut changé pour celui de Cumberland, et le major Scott y fut laissé comme commandant. Cet officier fit désarmer la population, mais il ne put la forcer de prêter le serment de fidélité à George II; sur quoi il fit prisonniers tous les habitans qu'il put attraper, conformément aux ordres du général Hopson, qui avait remplacé M. Cornwallis en qualité de gouverneur de l'Acadie.

      Après cette conquête, les vainqueurs envoyèrent trois bâtimens de guerre dans la rivière St. Jean pour attaquer le fort que les Français y avaient élevé, et qui était commandé par M. de Boishébert. Ce dernier, n'ayant pas assez de monde pour le défendre, y mit le feu avant l'arrivée des assaillans et se retira. Mais, ayant été informé de ce qui se passait à Beauséjour, au lieu de retraiter sur Québec, il s'avança au secours des Acadiens dans le fond de la baie de Fondy, et leur ayant donné des armes, il battit avec eux les Anglais dans plusieurs rencontres. Ces avantages ne purent empêcher cependant qu'à la fin ces derniers ne brûlassent tous les établissemens, et ne contraignissent les habitans à se réfugier dans les bois, et ensuite à émigrer au Cap-Breton, à l'île St. Jean, à Miramichi, à la baie des Chaleurs et à Québec, où ces malheureux portaient partout le spectacle d'un dévoûment sans bornes et d'une misère profonde.

Tel fut le succès des ennemis dans la première partie de leur plan de campagne. Quoiqu'il fut, sous le rapport militaire, plus nominal que réel, puisqu'ils ne purent pas avancer plus loin de ce côté, où des bandes armées les continrent, la nouvelle cependant en causa un grand mécontentement à la cour de France, surtout lorsqu'on y apprit les terribles conséquences que les pertes que l'on venait de faire avaient eues pour les infortunés Acadiens. Le roi écrivit lui-même à M. de Vaudreuil de faire juger rigoureusement, par un conseil de guerre qu'il présiderait en personne, Vergor et de Villeray, ainsi que les garnisons qui servaient sous leurs ordres. Le procès eut lieu l'année suivante au château St. – Louis, et tous les accusés furent acquittés à l'unanimité. 2 L'évacuation de l'Acadie laissa à la merci des Anglais les habitans de cette province, qui portaient le nom de Neutres, et qui n'avaient pu se résoudre à abandonner leur terre natale.

Note 2:(retour) La lettre du roi est du 20 février 1756. Les pièces du procès sont déposées

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