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qui suivait par eau en bateau avec le matériel du siège. Elle s'ébranla le 30 juillet et le reste de l'armée le 1 août.

      Le 2 au soir, le général Montcalm débarqua avec ses troupes sous la protection de l'avant-garde dans une petite baie, à une lieue de William-Henry. L'artillerie n'arriva que le lendemain matin. Le chevalier de Levis s'avança sur le chemin du fort Édouard suivi par le reste de l'armée marchant sur trois colonnes par les montagnes, afin de reconnaître la position des ennemis et empêcher leurs secours d'arriver; mais la garnison, qui n'était que de 15 cents hommes, avait reçu la veille un renfort de 1,200 soldats, en sorte qu'elle se trouvait composée maintenant de 2,500 hommes environ. L'armée française défila par-derrière la place, et, en l'investissant ainsi que le camp retranché placé sous ses murs et trop fort pour être abordé l'épée à la main, elle appuya sa gauche au lac, à l'endroit où est aujourd'hui Caldwell et où devait débarquer l'artillerie, et sa droite sur les hauteurs du côté du chemin du fort Édouard, sur lequel elle jeta des découvreurs pour être instruite à temps des mouvemens du général Webb, qui était à 5 ou 6 lieues seulement avec 4,000 hommes.

      Le colonel de Bourlamarque fut chargé de la direction du siège. Le colonel Monroe commandait le fort.

      La tranchée fut ouverte le 4 août à 8 heures du soir à 350 toises, sous un feu de bombes et de boulets qui ne discontinua plus jusqu'au moment de la reddition, sauf quelques courts intervalles. Le lendemain, sur un rapport que le général Webb s'avançait avec 2,000 hommes, le chevalier de Levis eut ordre de marcher à sa rencontre, et Montcalm se préparait à le suivre pour le soutenir, lorsqu'il lui fut remis une lettre trouvée sur un courrier qui venait d'être tué, par laquelle le général Webb mandait au colonel Monroe que, vu la situation du fort Édouard, il ne lui paraissait pas prudent de marcher à son retours, ni de lui envoyer de renfort; que les Français étaient au nombre de 13,000; qu'ils avaient une artillerie considérable, et qu'il lui envoyait ces renseignemens afin qu'il en pût profiter pour obtenir la meilleure capitulation possible, s'il n'était pas capable de tenir jusqu'à l'arrivée des secours demandés d'Albany. L'erreur du général Webb sur le nombre des assiégeans fit précipiter la reddition. Le 6, au point du jour, la batterie de gauche de 8 pièces de canon et un mortier fut démasquée et ouvrit son feu. Celui des assiégés était toujours très vif. Le lendemain une nouvelle batterie commença à tirer. Le général français ayant alors fait suspendre la canonnade, chargea un de ses aides-de-camp, le jeune Bougainville, devenu si célèbre depuis par son voyage autour du monde, d'aller porter au colonel Monroe la lettre du général Webb. Le commandant anglais répondit qu'il était résolu de se défendre jusqu'à la dernière extrémité. A neuf heures le feu recommença aux acclamations des Indiens, qui poussaient de grands cris lorsque les projectiles frappaient les murailles des assiégés. Vers le soir ceux-ci firent une sortie avec 500 hommes pour s'ouvrir une communication avec le fort Édouard; mais M. de Villiers avec la compagnie franche et les sauvages les repoussa, après leur avoir tué une cinquantaine d'hommes et fait quelques prisonniers. Une troisième batterie fut commencée le 8. Dans l'après-midi l'on vit briller des armes sur le haut d'une montagne voisine et paraître des soldats; en même temps des troupes en bataille et beaucoup de mouvement furent observés dans le camp retranché du fort. Le rappel fut aussitôt battu; mais, après quelques coups de fusils, les soldats de la montagne rentrèrent dans le bois et disparurent, et le 9 au matin la place arbora le drapeau blanc et demanda à capituler. Les conférences ne furent pas longues. Il fut convenu que la garnison du fort et du camp au nombre de 2,372 hommes, sortirait avec les honneurs de la guerre, et se retirerait dans son pays avec armes et bagages et une pièce de canon; qu'elle ne servirait point de 18 mois contre les Français et leurs alliés, et que les Français et les sauvages retenus prisonniers dans les colonies anglaises, seraient renvoyés à Carillon dans les 4 mois. Le défaut de vivres fut la raison qui empêcha d'insister pour que la garnison restât prisonnière de guerre.

      On trouva dans le fort William-Henry 42 bouches à feu, une immense quantité de munitions de guerre, des vivres pour nourrir l'armée six semaines, et dans la rade plusieurs petits bâtimens. La perte des Français fut de cinquante et quelques hommes, celle des assiégés d'environ 200.

      La capitulation fut accompagnée, comme celle d'Oswégo, d'un événement toujours très regrettable, mais qu'il était presqu'impossible de prévenir entièrement, du moins aux yeux de ceux qui connaissent quelles étaient les moeurs indépendantes des sauvages. Les Anglais, du reste, furent en partie eux-mêmes la cause de ce qui leur arriva, ayant négligé, comme M. de Bougainville, d'après les ordres de son général, les en avait priés, de jeter leurs boissons afin d'empêcher les Indiens de s'enivrer lorsqu'ils entreraient dans la place.

      La garnison devait se retirer au fort Édouard. Le chevalier de Levis la fit partir le lendemain matin escortée par un détachement de troupes réglées, et tous les interprètes des guerriers indiens. Elle n'eut pas fait une demi-lieue que ceux-ci, mécontens de la capitulation qui les avait privés du pillage comme l'année précédente, et excités par les Abénaquis qui en voulaient aux Anglais, prirent par les bois et tombèrent sur les prisonniers à l'improviste, en tuèrent quelques-uns, en dépouillèrent un grand nombre et emmenèrent le reste avec eux. L'escorte fit tout ce qu'elle put pour arrêter ces barbares, et eut même des soldats tués et blessés. Aussitôt qu'il fut informé de ce qui se passait, le général Montcalm accourut avec presque tous les officiers. Il arracha aux sauvages tous les Anglais qu'il trouva entre leurs mains, fit rentrer une partie de ceux qui s'en étaient échappés, dans le fort, et en fit revenir d'autres qui ne pouvaient gagner leur destination sans danger. Environ 600 de ces soldats qui s'étaient dispersés dans les bois, continuèrent d'arriver pendant plusieurs jours au fort Édouard, nus, sans armes et épuisés de faim et de fatigues. Les sauvages en emmenèrent 200 à Montréal, que le gouverneur retira de leurs mains en payant pour eux de fortes rançons. 500 étaient rentrés dans le fort William-Henry; le général Montcalm leur ayant fait donner des habits, les renvoya dans leur pays sous la protection d'une puissante escorte, après avoir témoigné tout son regret de ce qui était arrivé. Tel est le tableau exact de ce qui s'est passé dans cette malheureuse circonstance, qui laissa un vif ressentiment dans le coeur des Anglais. Néanmoins les prisonniers eux-mêmes ont rendu cette justice aux vainqueurs, qu'ils avaient fait tout ce que l'on pouvait attendre d'eux pour arrêter le mal.

      Le fort William-Henry fut rasé ainsi que le camp retranché, et le 16 août l'armée se rembarqua sur 250 barges pour Carillon. Sans la nécessité de renvoyer les sauvages dans leurs tribus et les Canadiens chez eux pour faire la moisson, on eut pu inquiéter le fort Édouard. Les Américains étaient si persuadés en effet que c'était le dessein des Français, que toutes les milices, infanterie, cavalerie et artillerie, furent mises en réquisition jusqu'au fond du Massachusetts, et que les habitans, à l'ouest de la rivière Connecticut, eurent ordre de briser leurs voitures à roues et de faire rentrer leurs bestiaux. Il est inconcevable, remarque Hutchinson, que 4 ou 5 mille hommes aient pu causer tant d'alarmes. Cette crainte n'était pas sans fondement, car les instructions du gouverneur à Montcalm portaient qu'après la prise de William-Henry il irait attaquer le fort Edouard; mais la crainte de manquer de vivres, la nécessité de renvoyer les Canadiens, pour faire les récoltes et les difficultés de réduire cette place, défendue par une garnison nombreuse et à portée de recevoir de prompts secours, avaient empêché ce général de s'engager dans cette entreprise, résolution qui fut ensuite la cause de difficultés fort graves entre lui et M. de Vaudreuil. Au reste, la question des subsistances étant la plus importante pour le Canada, où la disette allait en augmentant, le trophée le plus agréable que l'on trouva dans la nouvelle conquête, fut 3,000 quarts de farine et de lard qu'on apporta en triomphe à Carillon.

      Après cette campagne l'armée se retira dans ses lignes jusque dans l'automne, qu'elle alla prendre ses quartiers d'hiver dans l'intérieur du pays.

      La récolte y avait entièrement manqué. Il y avait des paroisses qui avaient à peine recueilli de quoi faire les semailles. Les blés qui avaient la plus belle apparence sur pied, ne rendirent aucun aliment à cause de la grande quantité de pluie qui était tombée dans le milieu de l'été. Le peuple des villes était déjà, comme on l'a dit, réduit à 4 onces de pain par jour depuis le mois de mai. L'on craignit dans l'automne qu'il n'en manquât totalement

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