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soldats et se préparaient à faire approcher l'autre du rivage, qu'on se hâta de découvrir le piège où ils allaient se jeter. Au feu brusque et précipité qu'on fit sur leurs chaloupes, et plus encore à l'empressement qu'on eût de déranger les branches d'arbres qui masquaient les forces qu'on avait tant d'intérêt à cacher, ils devinèrent le péril et l'évitèrent. Revenant sur leurs pas, ils ne virent plus d'autre endroit pour descendre que le rocher où le général Wolfe avait envoyé les cent hommes. Ce général occupé du soin de faire rembarquer les troupes et d'éloigner les bateaux, ordonna à un officier de s'y rendre.

      Le major Scott s'y porte aussitôt avec les soldats qu'il commande. Sa chaloupe s'étant enfoncée dans le moment qu'il mettait pied à terre, il grimpe sur les rochers tout seul. Il ne trouve plus que dix hommes des cent qui y avaient été envoyés. Avec ce petit nombre, il ne laisse pas de gagner les hauteurs. A la faveur d'un taillis épais il se maintient avec un courage héroïque dans ce poste important contre un parti de Français et de sauvages sept fois plus nombreux. Les troupes anglaises bravant le courroux de la mer et le feu des batteries françaises qui se dirigent maintenant sur ce rocher, achèvent de le rendre maître du seul point qui pouvait assurer leur descente. La position des Français sur le rivage dès lors ne fut plus tenable. Ils furent tournés, débordés par les ennemis qui les prirent en flanc et enlevèrent une de leurs batteries. Dans le même instant le bruit courut quelle général Whitmore était débarqué au Cap-Blanc et qu'il allait couper de la ville les 2,000 soldats de l'anse au Cormoran. L'on trembla pour Louisbourg, où il n'avait été laissé, comme on l'a dit, que 300 hommes, et l'on s'empressa d'y rentrer, après avoir perdu deux, cents tués ou prisonniers dans cette journée funeste, qui décida du sort du Cap-Breton.

Les Français n'eurent plus rien à faire alors qu'à se renfermer dans la place avec peu d'espérance de pouvoir s'y défendre long-temps; mais, ils pensaient qu'une longue résistance aurait au moins l'effet de retarder l'attaque que les ennemis projetaient de faire contre le Canada, 16 et ils refusèrent en conséquence la permission que demandait le commandant des cinq vaisseaux qu'il y avait dans le port de se retirer.

Note 16:(retour) Lettre de M. de Drucourt au ministre, du 23 sept. 1758.

      Les assaillans ne perdirent pas un moment de délai. Le 12 juin le général Wolfe, à la tête de 2,000 hommes, prit possession de la batterie du Phare, de la batterie royale et des autres postes extérieurs détachés abandonnés par les assiégés. La batterie du Phare était importante en ce qu'elle, commandait le port, les fortifications de la ville et la batterie de l'île située en face. Les travaux du siége contre le corps même de la place commencèrent alors. L'attaque fut conduite avec autant de courage que soutenue avec résolution. Sept mille hommes au plus, en y comptant les matelots des vaisseaux de guerre et le régiment de Cambis qui, débarqué au port Dauphin, pénétra dans la ville pendant le siége, luttèrent contre les forcés quadruples de l'ennemi pendant deux mois avec une opiniâtreté et une patience admirable.

      Les assiégeans avaient porté leurs lignes à 300 toises des murailles, favorisés par le terrain qui offrait des protections naturelles à leurs batteries. Ils poussèrent leurs travaux avec la plus grande activité, et firent échouer toutes les sorties que tentèrent les Français non moins alertes qu'eux. Le 19 la batterie du Phare, placée sur une hauteur que les assiégés pouvaient à peine atteindre, commença à tirer. Des deux côtés le feu fut extrêmement vif, mais les Français furent obligés de rapprocher leurs vaisseaux de 600 verges de la ville pour les soustraire aux projectiles de l'ennemi, qui commença aussi alors à bombarder la muraille du côté opposé à la batterie du Phare. Il établit encore successivement trois nouvelles batteries, et fit un épaulement d'un quart de mille de longueur pour faciliter les approches de la ville par une colline qui la commandait. Le 29 juin, les assiégés craignant que la flotte anglaise ne s'emparât du port, coulèrent 2 de leurs vaisseaux et 2 frégates dans la partie la plus étroite de l'entrée du havre. Deux jours après ils coulèrent encore deux autres frégates dont les mâts restèrent hors de l'eau. Ils continuaient en même temps à faire des sorties et un feu très vif de tous les remparts. La femme du gouverneur, madame de Drucourt, s'est acquise pendant ce siège un nom immortel par son héroïsme. Pour encourager les soldats, elle parcourait les remparts au milieu du feu, tirait elle-même plusieurs coups de canon tous les jours, donnait des récompenses aux artilleurs les plus adroits. Elle pansait les blessés, relevait leur courage par des paroles bienveillantes, et se rendait aussi chère au soldat qui l'admirait par son courage que par les vertus plus douces qui appartiennent à son sexe.

      Cependant les murailles s'écroulaient de toutes parts sous le feu des batteries anglaises, qui faisaient d'autant plus d'efforts que les assiégés mettaient de vigueur à se défendre. Ceux-ci pouvaient à peine suffire à boucher les plus grandes brèches, lorsque le 21 juillet un boulet mit le feu à l'un des cinq vaisseaux de guerres qui restaient à flot dans le port. C'était un 74; il sauta et en incendia deux autres qui étaient près de lui et qui furent consumés. Les deux derniers échappèrent ce jour-là aux plus grands périls, étant obligés de passer entre les batteries ennemies et le canon des vaisseaux embrasés que le feu faisait partir, mais ce fut pour tomber quelque temps après entre les mains des assiégeans, qui entrèrent dans le port pendant une nuit fort obscure, les surprirent, en brûlèrent un et emmenèrent l'autre.

      Après ce dernier coup, les Français durent songer à abandonner la lutte. Le port était ouvert et sans défense. On n'y voyait plus que des débris de vaisseaux; les fortifications n'étaient plus tenables; toutes les batteries des remparts étaient rasées; il restait à peine une douzaine de pièces de canon sur leurs affûts, et la brèche était praticable en beaucoup d'endroits, tellement que les femmes, après le siège, entraient par ces brèches dans la ville. 1,500 hommes ou le tiers de la garnison avaient été tués ou blessés. L'on s'attendait d'une heure à l'autre à voir les ennemis monter à l'assaut. Les habitans, qui en redoutaient les suites, pressèrent le gouverneur à capituler. Celui-ci n'attendant plus de secours dut, le 26 Juillet, accepter les conditions du vainqueur. Louisbourg qui n'était plus qu'un monceau de ruines, retomba avec les îles du Cap-Breton et St. – Jean pour la seconde fois au pouvoir de l'Angleterre. La garnison, formant avec les matelots 5,600 hommes, resta prisonnière de guerre, et les habitans furent transportés en France.

Cette conquête qui coûta aux Anglais 400 hommes mis hors de combat, excita des réjouissances extraordinaires dans, la Grande-Bretagne et dans ses colonies. L'on porta à Londres les trophées de la victoire, en procession du palais de Kensington à l'église St. – Paul, et des actions solennelles de grâces furent rendues dans toutes les églises; moins peut-être pour célébrer ce triomphe que pour faire oublier la perte de la bataille de Carillon, dont l'on venait de recevoir la nouvelle, mais qui ne fut rendue publique qu'après celle de la prise de Louisbourg, car cette ville n'était, après tout qu'une place de guerre, fort secondaire. 17

Note 17:(retour) «Louisbourg is a little place and has but one casement in it, hardly big enough to hold the women. Our artillery made havock among them (the garrison) and soon opened the rempart: in two days more we should certainly have, carried it. If this force had been properly managed, there was an end of the french colony in North America, in one campaign, for we have exclusive of seamen and mariners, near to forty thousand men in arms.» -Lettre du général Wolfe à son oncle le major Wolfe, 27 juillet 1758.

      Après cet exploit, la flotte anglaise alla se mettre en possession de l'île St. – Jean, et détruire les établissemens de Gaspé et de Mont-Louis, formés dans le golfe St. – Laurent par des Acadiens rt de pauvres pêcheurs qu'elle emmena. Elle fit aussi une tentative contre Miramichi; puis se retira vers la mi-octobre. Dans le même temps d'autres Anglais construisaient de petits forts, comme pour s'y établir à demeure, dans la partie septentrionale de la baie de Fondy. La destruction de Louisbourg et la perte du Cap-Breton laissèrent le Canada sans défense du côté de la mer, et ouvrirent le chemin de Québec aux ennemis pour l'année suivante.

      Mais tandis que le général Amherst et l'amiral Boscawen cueillaient des lauriers dans l'île du Cap-Breton sur le bord de la mer, le général Abercromby,

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