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leur bénéfice… Fouillez-le, à tout le moins.

      – C’est cela, fouillons-le!..

      Écrasé par une catastrophe inouïe, incompréhensible, imméritée, Pascal avait fini par s’abandonner, il semblait à l’agonie.

      Ce cri ignoble: «fouillons-le!» alluma en lui une effroyable colère.

      D’un mouvement formidable des reins et des bras – pareil à un lion qui secouerait des roquets pendus à sa peau – il se débarrassa de ceux qui le tenaient.

      D’un bond, il fut à la cheminée, et saisissant un lourd candélabre de bronze, il le brandit comme une masse en criant:

      – Le premier qui avance est un homme mort!..

      Il n’y avait pas à en douter, il était prêt à frapper… Et une telle arme entre les mains d’un tel homme devait être terrible.

      Le danger parut si grand, si pressant, que tous les autres s’arrêtèrent, chacun encourageant son voisin de l’œil, mais nul ne se souciant d’une lutte sans honneur dont le prix ne pouvait être que quelques billets de banque.

      – Rangez-vous que je sorte!.. dit Pascal.

      On hésita encore, mais on lui fit place…

      Et, effrayant d’audace et d’énergie, il gagna la porte du salon et disparut.

      Cette superbe explosion de l’honneur outragé, cette énergie succédant au plus morne abattement, ce mouvement terrible, ces menaces, tout cela avait été si prompt, si foudroyant en quelque sorte, que personne n’avait eu seulement la pensée de couper la retraite à Pascal.

      Il avait déjà gagné la rue, que les autres n’étaient pas remis de leur stupeur et demeuraient à la même place, immobiles, muets, béants…

      Ce fut une femme encore qui rompit le charme.

      – Eh bien!.. fit-elle d’un ton où perçait l’admiration, il a de l’aplomb, ce joli monsieur!..

      – Naturellement!.. Il avait à sauver la caisse.

      C’était là l’expression même dont s’était servi M. de Coralth, et qui peut-être avait empêché Pascal de se retirer… Tout le monde applaudit.

      Tout le monde… sauf le baron, cependant.

      Il s’y connaissait en escrocs, cet homme si riche que sa passion avait traîné dans tous les tripots de l’Europe. Il avait coudoyé les grecs de tous les étages, ceux qui ont voiture et ceux qui n’ont pas de bottes.

      Il avait assisté à bien des exécutions. Il connaissait le voleur qui avoue et se roule aux genoux de sa dupe; le tricheur qui avale les billets escroqués, le gredin qui tend le dos au bâton, et le fripon qui lave la tête avec l’accent indigné de l’honnête homme…

      Mais jamais, à aucun de ces misérables le baron n’avait vu le fier regard dont cet innocent venait de foudroyer ses accusateurs.

      Préoccupé de cette remarque, le baron fit signe de s’approcher à celui des joueurs qui avait saisi les poignets de Pascal.

      – Sérieusement, lui demanda-t-il, avez-vous vu ce malheureux glisser des cartes dans le jeu?

      – Pour cela, non. Mais vous savez bien ce dont on était convenu au souper?.. Nous étions sûrs qu’il volait, il fallait un prétexte pour compter les cartes.

      – S’il n’était pas coupable, pourtant!

      – Qui donc le serait?.. Il était le seul à gagner.

      A ce terrible argument qui déjà avait écrasé Pascal, le baron ne répondit pas. Aussi bien, son intervention devenait nécessaire. On commençait à élever la voix autour du tas d’or et de billets que Pascal avait laissé devant sa place.

      On l’avait compté, on y avait trouvé 36,320 francs, et il s’agissait de les répartir entre les perdants… C’est à ce sujet qu’on ne s’entendait plus.

      Parmi ces joueurs, qui tous appartenaient à la «haute vie,» parmi ces juges qui voulaient l’instant d’avant fouiller un escroc, plusieurs se trouvaient qui évidemment enflaient leur perte. Cela se voit. En additionnant le nombre des déclarations, on arrivait au total surprenant de 91,000 francs. Le malheureux qu’on venait de chasser avait-il emporté la différence?.. Ce n’était pas admissible.

      La discussion eût donc pris une méchante tournure sans le baron. En matière de jeu, sa décision avait force de loi.

      Il disait tranquillement: «C’est comme cela!» et on se soumettait.

      En moins de rien il eut terminé le partage et alors, se frottant les mains, tout heureux de voir terminée cette désagréable affaire:

      – Il n’est que six heures!.. s’écria-t-il; nous avons encore le temps de faire deux ou trois tours.

      Mais tous les hommes qui se trouvaient là pâles et harassés, humiliés et honteux d’eux-mêmes, ne songeaient qu’à se retirer.

      On s’empressait au vestiaire.

      – Un écarté, au moins, criait le baron, un simple écarté, cent louis en cinq points! A qui à faire?

      Nul n’entendit sa voix, et désespéré il se résigna à suivre les autres, que Mme d’Argelès, debout sur le palier, saluait à la file…

      Resté des derniers, M. de Coralth avait déjà pris la rampe et descendu deux ou trois marches, lorsque Mme d’Argelès se pencha vivement vers lui.

      – Demeurez, dit-elle, il faut que je vous parle.

      – Vous m’excuserez… commença-t-il…

      Elle l’interrompit par un «Restez!» si impérieux, qu’il n’osa pas résister. Il remonta de l’air d’un homme qu’on traîne chez le dentiste, et sans un mot suivit Mme d’Argelès jusqu’à un petit boudoir, au fond de la galerie.

      Une fois là, les portes fermées au verrou:

      – Expliquons-nous… prononça Mme d’Argelès. C’est vous qui m’avez amené ce soir M. Paul Férailleur?

      – Hélas!.. je ne saurais trop vous en demander pardon… Il m’en coûtera cher, peut-être… Je me bats dans deux heures avec ce petit imbécile de Rochecote.

      – Où l’avez-vous connu?..

      – Rochecote?

      L’éternel sourire de Mme d’Argelès avait disparu.

      – Je parle sérieusement, dit-elle, avec une nuance de menace. Comment avez-vous connu M. Férailleur?

      – Bien simplement. Il y a sept ou huit mois, j’ai eu besoin d’un avocat, on me l’a indiqué, il a joliment plaidée mon affairé et nous avons conservé des relations…

      – Quelle est sa position?

      Le visage de M. de Coralth ne trahissait, en vérité, qu’un profond ennui et une grande envie de dormir. Il s’établit sur un fauteuil, et tout en bâillant à demi:

      – Ma foi!.. répondit-il, je l’ignore… Pascal m’avait paru le garçon le plus rangé du monde… ce qu’on appelle un sage!.. Il demeure au fin fond d’un quartier perdu, derrière le Panthéon, avec sa mère, qui est veuve, une dame bien respectable, toujours vêtue de noir… Quand elle est venue m’ouvrir la porte, la première fois, j’ai cru que c’était un portrait de famille qui s’était dérangé de son cadre pour me recevoir… Je les suppose peu aisés… Pascal passe pour un homme remarquable et on le croyait appelé à de très-grands succès au barreau…

      – Tandis que maintenant, il est perdu, sa carrière est brisée…

      – Assurément!.. Vous comprenez qu’avant ce soir tout Paris connaîtra la scène de cette nuit…

      Il s’interrompit, examinant d’un air de surprise merveilleusement joué Mme d’Argelès qui s’avançait vers lui, essayant

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