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dit, son cœur à deux mains:

      – Mon petit ami, dit-il à Raymond, sur la table de mon salon se trouvent des albums superbes… Voulez-vous aller regarder les gravures, pendant que je parlerai à votre maman?..

      L'enfant se leva, cherchant dans les yeux de sa mère quelle conduite tenir.

      – Va, mon enfant, lui dit-elle, non sans une visible surprise, fais ce que monsieur te demande…

      Qui eût vu Me Sosthènes Roberjot en ce moment, l'eût pris, positivement, pour le plus timide des hommes…

      Il s'agitait sur son fauteuil, son regard vacillait, il toussait, il tracassait son couteau à papier pour se donner une contenance…

      Enfin, dès que Raymond fut sorti:

      – Je vous l'ai dit, madame, commença-t-il, la première fois que j'ai eu l'honneur de vous voir, votre cause devint la mienne. Ne m'en veuillez pas de ce qui serait, sans cela, une indiscrétion… Vous ne m'avez pas parlé de la déposition de M. de Combelaine, que cependant le juge d'instruction a dû vous lire.

      – Il ne me l'a pas lue, monsieur.

      – Est-ce possible?..

      – Je ne lui en ai pas laissé le temps…

      L'avocat ne fut point maître d'un mouvement de contrariété:

      – Eh! madame, s'écria-t-il, cette déposition était pour vous la plus importante… Elle vous eût appris à quels motifs il plaît à M. de Combelaine d'attribuer son duel avec le général Delorge.

      Cette idée si simple ne s'était pas présentée à l'esprit de Mme Delorge.

      – C'est pourtant vrai, fit-elle, c'est une faute encore que j'ai commise. Mais celle-là, du moins, je puis la réparer, je puis demander à M. d'Avranchel communication du dossier…

      Me Roberjot hocha la tête:

      – C'est inutile, prononça-t-il.

      – Cependant…

      – Loin de faire mystère de sa déposition, M. de Combelaine use de tous les moyens dont il dispose pour l'ébruiter, pour la répandre.

      – Quelle nouvelle infamie a-t-il imaginée?..

      – Il attribue son altercation avec le général Delorge à une question toute personnelle, toute privée…

      – Quelle?

      Positivement le futur tribun rougissait presque.

      – C'est que, balbutia-t-il, je ne sais trop si je dois…

      – Eh! monsieur, je puis tout entendre!

      – Eh bien! madame, M. de Combelaine affirme que le général Delorge ne lui pardonnait pas ses assiduités près d'une certaine dame…

      Il s'arrêta. Il s'était préparé à une explosion d'indignation, de jalousie rétrospective, peut-être.

      Quelle erreur! Mme Delorge ne sourcilla pas.

      – C'est absurde! prononça-t-elle tranquillement.

      – Voilà ce que j'ai répondu, se hâta de dire Me Roberjot. Cependant…

      – C'est ridicule encore plus qu'odieux, insista Mme Delorge, avec cette confiance superbe de la femme qui sait bien de quel amour profond et exclusif elle a été aimée. Et véritablement, M. de Combelaine est bien bon de prendre la peine d'inventer de pareilles histoires.

      Elle sourit tristement, puis d'un tout autre ton, – d'un ton d'indicible mépris:

      – Et sait-on, demanda-t-elle, quelle est cette dame?..

      – Oui. Ce serait une femme très connue, fort jolie, qui mène grand train et qui a, prétend-on, coûté des sommes énormes à M. de Combelaine…

      – Je le croyais presque dans le besoin.

      – En effet. Aussi, les gens mieux informés assurent-ils que bien loin d'avoir été ruiné, M. de Combelaine a été secouru par Flora Misri.

      Mme Delorge bondit sur son fauteuil.

      – Flora Misri! s'écria-t-elle.

      – Oui.

      – Et cette femme est la maîtresse de M. de Combelaine?

      – Depuis bien des années, à ce que l'on dit, répondit l'avocat.

      Et stupéfait de l'émotion de Mme Delorge, ne sachant plus que croire, ne sachant plus ce qu'il disait surtout:

      – Vous connaissez cette femme, madame? interrogea-t-il.

      Mais elle était bien trop troublée, pour remarquer l'étrangeté de la question.

      – Je la connais, oui, monsieur, répondit-elle.

      Et appuyant sur chaque mot, comme pour lui bien donner toute sa valeur:

      – Le vrai nom de cette femme, continua-t-elle, est Adèle Cochard. Elle est la sœur de la femme de Laurent Cornevin.

      Me Roberjot n'en pouvait croire ses oreilles.

      – Êtes-vous bien sûre de ce que vous dites, madame? demanda-t-il.

      – Aussi sûre qu'on peut l'être d'un renseignement fourni à la justice par la préfecture de police. C'est dans le cabinet du juge d'instruction que, pour la première fois, j'ai entendu prononcer ce nom de Flora Misri. M. Barban d'Avranchel faisait presque un crime à Mme Cornevin d'être la sœur d'une telle femme.

      L'avocat ne répondit pas. Il venait de s'accouder à son bureau, le front entre les mains, et tout ce qu'il avait d'intelligence et de pénétration, il l'employait à chercher quel parti tirer de cette découverte.

      – Évidemment, murmurait-il, cette femme doit savoir bien des choses sur le sire de Combelaine… Autant que la baronne d'Eljonsen, sinon plus… Mais comment la décider à parler?.. Quel charbon passer sur ses lèvres pour les desserrer?..

      Il parlait à demi-voix et en phrases hachées, et cependant Mme Delorge ne perdait pas un mot de son monologue.

      – Ne pourrait-on pas, hasarda-t-elle, employer près de cette femme sa sœur, Mme Cornevin?..

      – Se voient-elles encore?

      – Je ne le crois pas…

      – Diable!.. une visite, en ce cas, donnerait peut-être l'éveil… Il faudrait tant de précautions, tant d'adresse…

      – Oh! la femme de Cornevin est très intelligente…

      – Et la disparition du mari serait un prétexte tout trouvé de rapprochement. Mais M. de Combelaine sait que la femme Cornevin, c'est vous… Il ne doit pas ignorer que la femme Cornevin et Flora sont sœurs, et je serais bien surpris s'il ne s'était pas mis en garde de ce côté…

      Il demeura quelques moments absorbé par l'effort de ses réflexions, puis soudainement:

      – Mais je ne saurais prendre un parti ainsi, sur-le-champ. J'ai besoin de me consulter, de dresser un plan d'attaque. Une démarche imprudente ne se rachète pas. Rien ne presse. Avant de m'avancer, je veux sonder le terrain, je veux être édifié sur le compte de M. de Combelaine. Un de mes amis est fort lié avec un intime de la baronne d'Eljonsen, il me renseignera…

      – La baronne d'Eljonsen? répéta Mme Delorge, à qui ce nom n'apprenait rien.

      – Oui… C'est la femme qui a élevé M. de Combelaine… Elle a été, dit-on, une des plus fidèles amies du prince-président lorsqu'il était en exil… Voici dix-huit mois qu'elle est fixée à Paris…

      Puis, d'un accent résolu, et qui était bien, il n'y avait pas à s'y méprendre, l'expression sincère de sa pensée:

      – Quoi qu'il advienne, madame, ajouta-t-il, comptez sur moi et remettez-vous à mon dévouement. Tout ce que j'ai d'intelligence et d'énergie, je l'appliquerai à une cause que je considère comme mienne. Tout ce qu'il est humainement possible de faire, je le ferai. Seulement…

      Il

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