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revînmes dans le bureau, il jeta un rapide coup d'œil autour de lui, puis enfin tranquillisé, se décida à ouvrir la lettre.

      – C'est la propriétaire qui m'écrit, dit-il… Elle m'annonce qu'elle revient de Nice le 5 janvier, et me rappelle qu'à cette date j'aurai mille francs à lui verser…

      – Cela ne nous intéresse pas… continuons notre travail… Voyons… voici une statuette qui vaut environ cent francs!.. cette coupe qui est en argent en vaut bien autant… quant à ce vase bleu qui est là, sous vitrine, et à ce drageoir émaillé, nous nous en déferons facilement.

      Nous fîmes des paquets que nous plaçâmes sur la table du salon…

      Aux candélabres, nous ajoutâmes un sucrier en argent, une pendulette, une cafetière en vermeil, deux ou trois bibelots qui me parurent avoir quelque prix, puis nous nous concertâmes.

      – Je crois, dis-je à Manzana, qu'il est inutile d'attendre la nuit… nous pouvons partir maintenant…

      – Oui… en effet… mais ne pourriez-vous pas vous charger seul de la vente de ces objets?

      – Et vous?

      – Moi, je resterais ici.

      – Vous en avez de bonnes, vous… C'est cela, je vais vous laisser seul et, quand je serai parti, vous filerez avec mon diamant… Non, mon cher, je ne puis accepter cet arrangement-là… vous viendrez avec moi ou il n'y a rien de fait.

      – Mais vous savez que l'on est à ma recherche… si on m'arrête, vous reviendrez dans cet appartement, forcerez mon coffre-fort et reprendrez le Régent.

      – Avec des suppositions pareilles, nous irions loin… Etes-vous, oui ou non, disposé à passer en Angleterre?

      – Certes…

      – Eh bien, occupons-nous de trouver de l'argent…

      Manzana ne répliqua point. Il avait compris que le mieux était de bien s'entendre avec moi.

      J'ai toujours été persuadé que cet homme avait eu à plusieurs reprises l'idée de me tuer, mais qu'il avait manqué de «culot» au moment de mettre son projet à exécution.

      Pour l'instant, je lui étais utile. Il se croyait à tort ou à raison traqué par la police et il se raccrochait à moi, comme un noyé à une branche, quitte à me jouer quelque vilain tour lorsqu'il n'aurait plus rien à craindre.

      Dès que nous aurions gagné l'Angleterre, c'est moi qui aurais en main «le beau jeu».

      Nous nous apprêtions à sortir, après avoir bourré nos poches des bibelots sur lesquels nous avions fixé notre choix, lorsqu'une idée me vint à l'esprit.

      – Nous allons, dis-je à Manzana, quitter cet appartement une partie de la journée, car il ne faut pas se dissimuler que nous serons obligés de faire plus d'une démarche avant de placer nos objets d'art… Si, pendant notre absence, la police s'avisait d'opérer ici une descente, et de perquisitionner… La chose ne se produira pas, je l'espère, mais enfin, il faut tout prévoir…

      – Vous avez raison, grogna mon associé… il faut que je prenne le diamant.

      – Ce sera plus prudent, je vous assure… Voyez un peu la tête que nous ferions si, en rentrant, nous trouvions l'appartement bouleversé, le coffre-fort ouvert et…

      – Inutile d'insister, trancha mon compagnon… avec un mauvais sourire…

      Il tira de sa poche la clef du coffre-fort, mais avant d'ouvrir, il hésita un instant.

      – Eh bien, qu'attendez-vous?

      Sans répondre, il prit son revolver et le posa sur une chaise, à côté de lui.

      Tout en faisant jouer la combinaison, il m'observait du coin de l'œil, mais je ne bronchai pas.

      Il y eut un petit déclic bientôt suivi d'un autre, et la porte de fer s'entre-bâilla. Alors, Manzana prenant le diamant, l'enfouit, après me l'avoir montré, dans la poche de son gilet.

      – Voyez où je le mets, dit-il.

      – Votre poche n'est pas percée, au moins?

      – Non… ne craignez rien… j'ai un gilet neuf.

      Et ce disant, il glissa rapidement le revolver dans le gousset de droite de son overcoat.

      Nous sortîmes. Une fois dans la rue, je passai mon bras sous celui de mon associé. Il se laissa faire sans paraître s'étonner de cette familiarité dont il devinait la raison.

      – On nous prendrait pour une paire d'amis, fit-il, avec un petit ricanement…

      – Il ne tient qu'à vous que nous le devenions, répondis-je hypocritement.

      Manzana eut un hochement de tête et se mit à siffloter entre ses dents.

      J'attendais, je l'avoue, une autre réponse que celle-là, aussi, je n'insistai pas.

      J'avais cru que Manzana était devenu plus confiant, mais non, c'était toujours la sombre brute que j'avais devinée, au début de nos relations.

      Ah! comme j'aurais plaisir à duper un pareil malotru et comme j'allais m'y employer avec ardeur!

      Il continuait de siffloter tout en marchant et comme cela m'horripilait, je lui dis brusquement:

      – Avez-vous remarqué cet homme qui est derrière nous? Ne vous retournez pas, nous allons nous arrêter à une boutique et le laisser passer… Si c'est nous qu'il suit, nous verrons bien…

      Manzana était devenu verdâtre…

      – Vous croyez?.. balbutia-t-il.

      Sans répondre, je l'entraînai vers un magasin de modes devant la glace duquel nous demeurâmes immobiles, comme hypnotisés par les chapeaux extravagants qui s'étalaient en montre. Les petites modistes amusées par nos mines étranges nous faisaient des grimaces et riaient comme des folles…

      – Est-il passé? demanda Manzana qui, à ce moment, se souciait fort peu des gracieuses midinettes…

      – Oui, dis-je… Il s'en va là-bas… attendons encore… Ah! le voilà qui tourne le coin d'une rue… on ne le voit plus… nous pouvons nous remettre en route.

      Manzana n'était qu'à demi rassuré. Il ne voulut point continuer tout droit et m'obligea à faire un tas de détours…

      – Vous savez, lui dis-je enfin, que vous m'entraînez vers les fortifications, et ce n'est pas là que nous trouverons des marchands d'objets d'art…

      – C'est vrai… mais il fallait me le dire plus tôt… Vous êtes là, collé contre moi… c'est plutôt vous qui me dirigez.

      – Ah! elle est bonne, celle-là… vraiment, mon cher, vous devenez insupportable…

      – C'est possible… mais je voudrais bien vous voir à ma place…

      – Je préfère en effet être à la mienne, répliquai-je avec aigreur.

      – Oh! votre situation et la mienne se valent. Vous allez peut-être me dire que vous êtes un honnête homme?

      – Certes, je n'ai pas cette prétention… Je suis un voleur, un vulgaire voleur, et vous le savez mieux que personne puisque vous avez dans votre poche le «produit de mon travail»… Mais si, par hasard, la police mettait la main sur moi, que pourrait-il m'arriver? Je perdrais mon diamant… voilà tout…

      – Et vous attraperiez au moins dix ans de prison…

      – Non… vous exagérez… cinq, tout au plus… Encore faudrait-il prouver que c'est moi qui ai volé le diamant… Comme on le trouverait sur vous et non sur moi, je vous laisserais, soyez-en sûr, toute la responsabilité de cette affaire… Vous seriez donc accusé de vol… et cela viendrait s'ajouter aux autres… peccadilles que l'on peut avoir à vous reprocher.

      – Mon cher Pipe, grinça mon associé, vous êtes une petite canaille…

      – Ah!

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