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Vie de Christophe Colomb. Baron de Pierre-Marie-Joseph Bonnefoux
Читать онлайн.Название Vie de Christophe Colomb
Год выпуска 0
isbn http://www.gutenberg.org/ebooks/30922
Автор произведения Baron de Pierre-Marie-Joseph Bonnefoux
Жанр Зарубежная классика
Издательство Public Domain
Pour en finir avec ces cris, Colomb ordonna qu'on laissât accoster une de ces chaloupes où il avait remarqué une jeune femme portant un enfant dans ses bras, et qui se faisait distinguer autant par sa jeunesse et sa beauté que par la vivacité de son exaspération. Il demanda son nom; on lui dit que c'était Monica, femme de Pépé, l'un des matelots de son bâtiment. Il la fit monter à bord et il s'avança jusqu'à l'escalier pour la recevoir et pour la mettre à même de faire ses adieux à son mari. Il lui parla avec douceur en présence de tout l'équipage; son regard, qui était d'une sévérité voisine de la rudesse quand il était mécontent, s'empreignit d'un caractère de bénignité qui toucha tous les cœurs et attendrit même celui de Monica qui ne put que pleurer et se taire, quand le grand-amiral lui dit: «Et moi aussi, je laisse derrière moi des êtres qui me sont plus chers que la vie; j'ai aussi un fils, mais qui n'a pas le bonheur d'avoir une mère, et qui serait doublement orphelin s'il nous arrivait malheur; mais nous devons tous obéir à la reine, et nous devons avoir confiance en Dieu, qui nous protégera, puisque nous partons pour accomplir sa volonté.»
Les manœuvres de l'appareillage n'avaient pas été discontinuées; les ancres furent mises en place et saisies le long du bâtiment, les embarcations furent toutes hissées à bord; alors on força de voiles; les chaloupes des habitants de Palos, essayant vainement de suivre les caravelles, finirent par retourner au port, et les matelots voyant leur chef toujours très-décidé, sachant d'ailleurs qu'ils devaient relâcher aux Canaries pour y prendre des vivres frais, espérant peut-être que quelque circonstance mettrait obstacle à leur grand voyage, se soumirent à la nécessité et prirent leur parti sur le départ de Palos.
Les premiers soins du grand-amiral furent d'organiser le service de mer, et de prescrire comment les relations entre son équipage et lui seraient réglées, et comment on honorerait sa dignité. En effet, il connaissait trop bien quelle était la manière d'être des bâtiments, pour ignorer qu'un commandant doit s'abstenir de tout rapport familier avec ses subordonnés, et qu'afin de ne rien perdre du respect et du prestige qu'il savait, par la suite, devoir être si utiles au succès de sa mission, il était convenable qu'il agît, en général, par l'intermédiaire de ses officiers, afin que l'observance rigoureuse des formes et du décorum retînt dans leurs positions respectives des hommes qui pourraient se laisser aller à leurs passions, et qui étaient réunis dans un espace aussi resserré.
Il ne voulut pas, cependant, vivre dans l'ignorance de ce qui se passait ou se disait à bord, car il comprenait fort bien l'importance d'être averti de tout en temps utile, pour pouvoir, au besoin, y obvier à propos. Or, il était parfaitement en mesure sous ce rapport, car Garcia Fernandez, que ses fonctions rapprochaient de tous, devait le mettre dans la confidence de tous les bruits, propos ou projets qui pourraient se tenir ou se discuter dans l'équipage. Il y avait aussi à bord un jeune homme d'un esprit très-chevaleresque qui lui était dévoué: c'était don Pedro Guttierez, gentilhomme de la maison du roi, qui avait voulu se distinguer parmi les habitués du palais en briguant l'honneur de s'embarquer avec Colomb; on disait même qu'il espérait, par là, se rendre digne de la main d'une jeune demoiselle d'une grande beauté attachée à la personne de la reine et qui, comme la reine, avait montré le plus vif enthousiasme pour Christophe Colomb.
En accueillant don Pedro Guttierez à bord, le grand-amiral lui avait dit: «Vous avez raison de croire à ma fortune, quoique j'aie été souvent raillé comme un insensé qui n'avait aucun précédent sur lequel il pût s'étayer; il est vrai que, d'un autre côté, j'ai été encouragé par des princes, des hommes d'État, des ecclésiastiques d'un profond jugement; mais quoi qu'il en soit de leurs opinions diverses, il est un fait constant: c'est que depuis le jour où j'ai été illuminé par l'idée de mon voyage, je vois les terres qui forment la limite de l'Atlantique dans l'Occident aussi distinctement que je puis voir l'étoile polaire pendant la nuit quand le ciel est serein; le soleil lui-même, lorsqu'il se lève, n'est pas plus évident à mes yeux.»
C'était le langage qu'un jeune seigneur de la trempe de don Pedro Guttierez pût le mieux apprécier et qu'il comprenait le mieux; aussi, s'embarqua-t-il rempli d'espérance et de gaieté.
Le troisième jour du voyage, la Pinta mit en panne et signala des avaries; la Santa-Maria s'en approcha et apprit que le gouvernail, dans les mouvements d'un tangage assez vif, s'était démonté et qu'on travaillait à le remettre en place. Cette opération qui demande une mer très-unie, devenait presque impossible avec la houle qu'il y avait alors; aussi Colomb conseilla-t-il d'y renoncer et de chercher à fixer cette machine au moyen de cordes et d'amarrages. Alonzo Pinzon prit, en effet, ce parti, mais il éprouva beaucoup de difficulté à l'assujettir convenablement. Les caravelles purent enfin continuer leur route, et elles arrivèrent aux Canaries où un autre bâtiment fut cherché, mais en vain, pour remplacer la Pinta.
On ne manqua pas d'attribuer le manque de solidité du gouvernail de cette caravelle au ressentiment de Gomez Rascon et de Christophe Quintero, qui en étaient les propriétaires, afin qu'elle ne pût pas tenir la mer et qu'elle revînt à Palos pour qu'ils rentrassent en sa possession; mais ce furent de simples suppositions dont il était impossible de justifier la validité. Ce n'en fut pas moins la cause d'un retard de quinze jours qui furent employés à aller de l'une des îles de cet archipel à l'autre, soit pour chercher un autre navire, soit pour réparer l'avarie, soit enfin pour prendre des vivres frais. Colomb en profita, d'ailleurs, pour faire substituer aux mâts et aux voiles latines de la Niña un grément disposé pour porter des voiles carrées, amélioration importante pour une longue navigation, dans laquelle il importait, par-dessus tout, de pouvoir faire le plus de chemin possible quand le vent serait favorable. Le grand-amiral fut même satisfait que le démontage du gouvernail eût lieu avant l'arrivée aux Canaries, puisque, subséquemment, c'eût été un contre-temps capital; et, à l'équipage qui avait considéré cet événement comme un signe fatal pour l'avenir, il fit facilement comprendre qu'il en résultait un surcroît de garanties pour la sûreté de la navigation.
Lorsque les caravelles arrivèrent à Ténériffe qui est la principale des Canaries, les commandants de la Pinta et de la Niña s'en croyaient encore assez éloignés; mais la vue de ces îles eut lieu à l'heure fixe annoncée par Colomb. Cette exactitude dans ses calculs fut remarquée par les marins qui y virent une preuve authentique de l'habileté de leur chef, et de la supériorité de son instruction sur celle des autres officiers ou pilotes de l'expédition.
Colomb appareilla de ces îles le 6 septembre: toutefois il était vivement préoccupé, car il avait reçu l'avis formel que trois bâtiments de guerre portugais croisaient dans les parages de l'île de Fer, qui est l'île située le plus à l'Occident de cet archipel, et que ces bâtiments avaient ordre de s'opposer à son voyage. Trois mortelles journées de calme survinrent après son appareillage, aussi son impatience à franchir le voisinage de ces îles était-elle extrême; mais il ne faisait que peu ou point de route. Il fut même porté par les courants jusqu'en vue de l'île si redoutée, et il s'en approchait constamment au point de n'en être plus qu'à huit lieues, lorsqu'une brise favorable se leva et lui permit de s'en éloigner sans avoir vu aucun des navires dont il craignait tant la rencontre.
Il gouverna alors à l'Ouest et il quitta ces parages sans retour; mais tandis que ses anxiétés évanouies lui permettaient de se livrer à la joie, le cœur manquait entièrement aux matelots qui, en perdant la terre de vue, crurent avoir dit un adieu éternel à leur pays, à leurs familles, à leurs amis, au monde entier, et ne voyaient devant eux que dangers, mystère et chaos; les plus intrépides versèrent eux-mêmes des larmes et firent éclater de désolantes lamentations. Colomb crut convenable de les haranguer; il les fit rassembler sur le gaillard d'arrière, et, du haut de sa dunette, la tête découverte, le regard serein, le maintien assuré,