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Les invisibles de Paris. Gustave Aimard
Читать онлайн.Название Les invisibles de Paris
Год выпуска 0
isbn 4064066328313
Автор произведения Gustave Aimard
Жанр Языкознание
Издательство Bookwire
— Allons! puisqu’il le faut...
— En v’là des manières! grommela la vieille... Allons! bon voyage, ma mignonne... Le premier pas est fait... Il n’y a que celui-là qui coûte... Allez jusqu’au bout... Soyez bien gentille... Fiez-vous à m’sieu Olivier qu’est un brave jeune homme et une bonne paye... Soyez heureuse, il n’en sera ni plus ni moins. Je connais ça... Et n’oubliez pas la maman Machuré, qui s’est mise en quatre pour votre service... quoi!
— Sorcière damnée! s’écria Olivier, en faisant un mouvement de menace vers elle.
Mais celle-ci ne l’attendit pas, elle se hâta de rentrer dans sa maison, et à travers la porte on l’entendit encore souhaiter bonne chance au jeune couple, de sa voix rogommeuse et pleine de ricanements.
— Je me sens mourir, murmura faiblement la jeune fille en s’appuyant contre le mur pour ne pas tomber; les odieuses paroles de cette femme...
— Du courage, mademoiselle, ayez foi en ma promesse.
— Si vous me trompiez, monsieur Olivier, reprit-elle tristement; si cet intérêt que vous me témoignez cachait un piège!
— Je vous pardonne ce doute, mademoiselle; la démarche que vous faites en ce moment est grave; vous allez vers l’inconnu, rien de plus naturel que votre émotion et votre anxiété. Je vous le répète: toute votre vie, tout votre avenir dépendent de cette nuit; connaissant mieux que vous l’influence terrible qu’elle aura, je comprends vos hésitations et vos appréhensions. Sans le savoir et sans qu’il me soit permis de vous donner une explication plus claire, vous allez jouer une partie formidable, dans laquelle vous vous trouvez engagée depuis le jour de votre naissance.
— Oh! mon Dieu! que m’apprenez-vous là ! N’ai-je pas eu une existence assez misérable jusqu’à ce jour?... Me faudra-t-il plus tard regretter ce passé qui m’a paru si rude?
— Je ne dis par cela, mademoiselle, mais je suis chargé de vous préparer aux situations violentes dans lesquelles vous mettrez le pied cette nuit. Ne redoutez, pas cependant la première rencontre que vous allez faire! Attendez-vous à une joie suprême, à une de ces joies qui épanouissent.
— Une joie?... laquelle?
— Dans peu d’instants, vous ne m’interrogerez plus. Soyez forte; réunissez toute votre énergie et préparez-vous à me dire: Olivier, merci; je vous dois l’heure la plus douce de ma vie!
Il y eut un court silence.
Les deux jeunes gens, immobiles en face l’un de l’autre, se considéraient avec une expression intraduisible, expression de pitié sympathique de la part d’Olivier, d’espérance et de crainte de la part de la jeune fille.
Peu à peu, le calme se fit dans l’âme de cette dernière, et d’une voix ferme:
— Monsieur Olivier, lui dit-elle, jusqu’à présent je vous ai trouvé bon, dévoué, sincère, partons! Où vous me menerez, j’irai. Partons; j’ai foi en vous.
— Venez.
Et Olivier l’entraîna en murmurant à part lui:
— Pauvre et belle enfant!... Ah! duchesse! duchesse!... vous ne briserez pas celle-là comme vous avez brisé les autres... J’ai obéi pour les autres... Mais foi de... foi de gentilhomme! pour celle-ci, je ne vous obéirai pas. Je crois même que, s’il le faut je mettrai des bâtons dans vos roues.
Et tous deux, l’un soutenant l’autre, descendirent lentement la rue, côte à côte, sans prononcer une parole, sans même se regarder.
Pour la première fois, ce jeune homme se sentit ému près de cette jeune fille, que peut-être, à son insu et contre son gré, il poussait vers un abîme.
Il rougissait du rôle qu’il venait de jouer, sans se rendre compte si ce rôle était celui d’un bon ou d’un mauvais ange.
Arrivé au coin de la rue Poliveau, Olivier fit arrêter la jeune fille et, lui montrant la voiture:
— C’est là ! fit-il; soyez courageuse.
Thérèse avança sans répondre.
— Montez, mon enfant, dit une voix calme et douce, une voix de femme.
Thérèse entra dans la voiture.
— Madame, s’écria alors Olivier s’adressant à une dame d’un certain âge dont les traits, encore très-beaux, exprimaient une bienveillance pleine de charme; madame, je vous amène ma sœur.
— Venez, ma fille, dit la dame en ouvrant ses bras à la pauvre enfant, qui, à ces mots inattendus à ce choc violent, perdit connaissance et n’entendit même pas Olivier qui ajoutait d’un ton de doux reproche:
— Vous ai-je menti, Thérèse?
Sans qu’il fût besoin de faire un signe au cocher, sans qu’on lui eût donné d’ordre ni d’adresse, celui-ci enveloppa ses chevaux d’un coup de fouet qui les fit partir ventre à terre.
Au moment où la voiture disparaissait à l’angle de la rue Poliveau et du boulevard de l’Hôpital, un petit judas, qui surmontait l’enseigne de la mère Machuré, s’entr’ouvrit, et la vieille mégère, s’efforçant d’allonger un cou qui ne ressemblait pas à celui du héron de la fable, la suivit des yeux en ricanant à travers son disgracieux sourire:
— Ah! ben! c’est du propre! voilà qu’est gentil! Et qu’est-ce qu’il va dire de ça, l’autre?
III
Reproduction d’un tableau de Gérôme.
Le passage de l’Opéra, quoique situé au centre d’un des quartiers les plus vivants de Paris, est, sous certains rapports, le passage le moins gai, le moins animé que nous ayons.
A quoi cela tient-il?
Nul ne saurait le dire.
Par ses deux galeries, aboutissant au boulevard des Italiens, par ses galeries souterraines, donnant rue Drouot, rue Rossini et rue Le Peletier, il offre cinq débouchés aux gens pressés.
Pourquoi ces gens d’affaires, boursiers, industriels, clercs d’huissier, ou saute-ruisseaux de notaire, préfèrent-ils le tourner comme un cap dangereux et prendre les rues voisines, plutôt que de s’engager dans ses galeries à l’aspect morne et sombre, à l’atmosphère humidifiée?
Tout simplement, peut-être, parce que ces galeries sont mornes, sombres et humides.
Il en est une pourtant, surnommée l’Allée des Soupirs, qui, de sept heures du soir à une heure du matin, ne manque pas d’une certaine animation les soirs d’Opéra.
C’est dans cette allée, au milieu, que se trouve l’entrée des artistes et que, chaque lundi, mercredi et vendredi, défilent une ribambelle de jeunes et vieilles danseuses, plus ou moins crottées, plus ou moins accompagnées d’une mère ou d’une tante en cabas ou en accroche-cœurs, et une kyrielle de figurantes, marcheuses, chanteuses, toutes gaies et enclines aux joyeux propos.
Il y a des exceptions, nous objectera-t-on. Tant mieux pour les exceptions.
Pour en revenir à notre point de départ, sauf ce petit coin, oasis dans le désert, le passage de l’Opéra n’aurait jamais pu passer pour une succursale du théâtre du Palais-Royal.
Une époque dans l’année se rencontre, néanmoins, où ce malheureux et lugubre passage renaît au bonheur, aux éclats de rire et à une circulation