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clou.

      Le vieux domestique alla ouvrir.

      —Monsieur Joseph? demanda la personne qui avait frappé.

      —C'est moi.

      —Voilà un papier pour vous. Il y a une réponse.

      Certes, il y avait une réponse, et une bonne

      Car ce papier disait:

      «Prière à mon bon Joseph de remettre au porteur, contre le présent, dix mille livres.

      » MARQUIS DE VILERS.»

      —C'est étrange! se dit le vieux domestique. Mon pauvre maître, qui me racontait toutes ses affaires, ne m'a point parlé de celle-là. Qu'est-ce que ça signifie?

      Pourtant il n'y avait rien à répliquer. L'écriture était bien celle du marquis. Le paraphe était bien le paraphe du marquis. Le papier était daté de la semaine précédente et n'avait donc pas été rempli par un fantôme. De plus, le cachet du marquis était apposé à l'un des angles.

      Joseph dit:

      —Attendez-moi.

      Il alla chercher dix mille livres et paya, non sans tâcher de savoir en quelles circonstances ce bon avait été délivré.

      —Je ne saurais vous l'apprendre, répondit le porteur. C'est une commission que je fais...

      —Enfin! murmura Joseph en reconduisant ce commissionnaire.

      Et comme il s'apprêtait à fermer la porte:

      —M'sieur, m'sieur, cria un de ces gamins de Paris qui, plus tard, devaient s'appeler des gavroches. Ne fermez pas. J'apporte quelque chose.

      Le gamin, tout en sueur, qui courait aussi vite qu'un poney, vint s'abattre devant l'hôtel en tendant à Joseph un papier.

      —Pour qui cela? demanda le vieux domestique.

      —Pour... le... marquis de Vilers, répondit le gamin tout poussif.

      —Hélas! ne put s'empêcher de soupirer Joseph.

      Le gamin continua:

      —C'est de la part... d'une belle dame... qui était... dans un beau carrosse... Elle a écrit... pendant que son monsieur faisait charger des malles... Elle m'a dit... qu'on me payerait bien...

      —Oh! certes, répondit Joseph, qui vida sa poche dans les mains du gamin émerveillé, puis rentra dans l'hôtel et rejoignit Tony.

      Mais à cette époque le respect des domestiques pour leurs maîtres était tel que, bien que le marquis fût mort et que cette lettre pût lui fournir une indication précieuse, Joseph n'osa pas l'ouvrir.

      Longtemps il la tourna et retourna entre ses doigts. Ce billet n'était point cacheté. Une épingle seule le fermait. L'adresse était écrite au crayon.

      —En finirez-vous? demanda Tony impatienté.

      —Je brûle d'ouvrir ce papier. Je n'en ai pas le courage.

      —Je l'aurai, moi qui suis l'exécuteur testamentaire de votre maître!

      Et le jeune homme s'empara du papier, fit sauter l'épingle et lut à haute voix ces mots également écrits au crayon:

      «Cher ami,

      «Le magnat m'emmène où vous savez! Au moins je ne quitterai pas la France! Veillez sur Réjane. Pauvre chérie! Elle venait de se mettre au lit quand je suis partie. Dites-lui que je l'ai embrassée... Comptez sur moi comme je compte sur vous...

      «Marquise DE VILERS.»

      —Eh bien, demanda vite Tony après la lecture de ce billet. Où le magnat emmène-t-il votre maîtresse! Vous devez le savoir aussi, vous?

      Joseph était atterré. Des propriétés du magnat, Joseph n'avait jamais entendu parler que du château du Danube et la marquise disait: «Au moins je ne quitterai pas la France!»

      Tony perdit de nouveau courage. Le fil conducteur que venait de lui tendre la Providence pour l'aider à se retrouver dans ce labyrinthe cassait tout à coup. Comment protéger la marquise maintenant?

      Après avoir mûrement réfléchi, il s'arrêta définitivement à la résolution suivante:

      Les trois autres ennemis de la marquise,—les siens en même temps,—étaient gardes-françaises.

      Il le serait aussi.

      D'abord, il le sentait en lui, il n'était pas né pour la vie douce et enfantine qu'il menait chez la bonne mame Toinon. Ce qu'il lui fallait, c'était la vie des camps, le tapage, la bataille. Il l'avait bien compris aux battements joyeux de son coeur, la première fois que sa main avait brandi une épée, la première fois que cette épée s'était croisée avec une autre. Et puis, dès son enrôlement, Tony serait auprès des Hommes Rouges. Malgré eux et à leurs côtés, il grandirait, les surveillant, ne les perdant pas de vue.

      Le régiment est une grande famille où tout se sait: si les Hommes Rouges complotent, s'ils parviennent à découvrir la retraite du magnat, s'ils trament quelque entreprise contre la marquise, le garde-française Tony le saura et prendra ses mesures en conséquence...

      —Je ne serai pas toujours simple soldat, se dit l'adolescent avec cette confiance superbe qu'il avait mise en toutes choses depuis la mort du marquis et qui lui était revenue. Je passerai anspessade, bas-officier, sous-lieutenant!... Je deviendrai l'égal de mes ennemis! Ainsi le comte ne pourra plus refuser de se battre avec moi. Je laverai l'insulte qu'il m'a faite en même temps que je vengerai le marquis. Et la marquise n'aura pas honte de son défenseur. Oui, je serai l'égal de ces fiers capitaines, leur supérieur peut-être... Tiens! pourquoi pas? parce que je ne suis point noble? Bah! L'armée mène à tout. M. Chevert, qui n'était pas plus noble que moi, est bien devenu maréchal de France!... Que je devienne général, ajouta-t-il en riant, je m'en contenterai. Le général Tony... Cela sonnerait joliment!...

      Cependant, avant de s'enrôler, Tony songea qu'il lui restait un devoir à remplir.

      Le corps du marquis de Vilers était toujours au Châtelet. Il en informa Joseph en l'invitant à aller avec lui.

      La marquise n'étant plus là pour réclamer le corps de son mari et satisfaire aux derniers devoirs, ce soin incombait aux deux seuls vrais amis que le marquis eût à Paris: Tony et Joseph.

      Dès que vint le matin, ils se rendirent donc au Châtelet, où on leur remit une magnifique bière de chêne, dans laquelle le lieutenant de police, voulant éviter le scandale, après la déclaration de MM. de Lavenay, de Maurevailles et de Lacy, avait enfermé le marquis.

      Une messe fut célébrée à l'église de Saint-Louis-en-l'Isle, puis ils firent descendre le cercueil dans le caveau de la famille de Vilers, au Père-Lachaise.

      —Mon pauvre maître, s'écria Joseph en fermant le caveau, c'en est donc fait de toi!!!

      FIN DU PROLOGUE

       Table des matières

       Table des matières

      I

      LES GARDES-FRANÇAISES

      Le lendemain de l'enterrement du marquis de Vilers, il y avait grande rumeur à la porte Montmartre, devant un cabaret qui avait cette enseigne bizarre:

      Конец

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