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lui être ouvert.

      On entendit le Suisse expliquer toute la cause de ce bruit.

      – Mon lieutenant, dit-il, ce sont des dames avec un homme qui vient de m'appeler drôle. Ils veulent entrer de force.

      – Eh bien! qu'y a-t-il d'étonnant à cela que nous désirions rentrer, puisque nous sommes du château?

      – Ce peut être un désir naturel, monsieur, mais c'est défendu, répliqua l'officier.

      – Défendu! et par qui donc? morbleu!

      – Par le roi.

      – Je vous demande pardon; mais le roi ne peut pas vouloir qu'un officier du château couche dehors.

      – Monsieur, ce n'est point à moi de scruter les intentions du roi; c'est à moi de faire ce que le roi m'ordonne, voilà tout.

      – Voyons, lieutenant, ouvrez un peu la porte, afin que nous causions autrement qu'à travers une planche.

      – Monsieur, je vous répète que ma consigne est de tenir la porte fermée. Or, si vous êtes officier, comme vous le dites, vous devez savoir ce que c'est qu'une consigne.

      – Lieutenant, vous parlez au colonel d'un régiment.

      – Mon colonel, excusez-moi, mais ma consigne est formelle.

      – La consigne n'est pas faite pour un prince. Voyons, monsieur, un prince ne couche pas dehors, et je suis prince.

      – Mon prince, vous me mettez au désespoir, mais il y a un ordre du roi.

      – Le roi vous a-t-il ordonné de chasser son frère comme un mendiant ou un voleur? Je suis le comte d'Artois, monsieur! Mordieu! vous risquez gros à me faire ainsi geler à la porte.

      – Monseigneur le comte d'Artois, dit le lieutenant, Dieu m'est témoin que je donnerais tout mon sang pour Votre Altesse Royale; mais le roi m'a fait l'honneur de me dire à moi-même, en me confiant la garde de cette porte, de n'ouvrir à personne, pas même à lui, le roi, s'il se présentait après onze heures. Ainsi, monseigneur, je vous demande pardon en toute humilité; mais je suis un soldat, et quand je verrais à votre place, derrière cette porte, Sa Majesté la reine transie de froid, je répondrais à Sa Majesté ce que je viens d'avoir la douleur de vous répondre.

      Cela dit, l'officier murmura un bonsoir des plus respectueux et regagna lentement son poste.

      Quant au soldat, collé au port d'armes contre la cloison même, il n'osait plus respirer, et son cœur battait si fort, que le comte d'Artois, en s'adossant de son côté à la porte, en eût senti les pulsations.

      – Nous sommes perdues! dit la reine à son beau-frère en lui prenant la main.

      Celui-ci ne répliqua rien.

      – On sait que vous êtes sortie? demanda-t-il.

      – Hélas! je l'ignore, dit la reine.

      – Peut-être aussi n'est-ce que contre moi, ma sœur, que le roi a dirigé cette consigne. Le roi sait que je sors la nuit, que je rentre quelquefois tard. Mme la comtesse d'Artois aura su quelque chose, elle se sera plainte à Sa Majesté: de là cet ordre tyrannique!

      – Oh! non, non, mon frère; je vous remercie de tout mon cœur de la délicatesse que vous mettez à me rassurer. Mais c'est bien pour moi, ou plutôt contre moi, que la mesure est prise, allez!

      – Impossible, ma sœur, le roi a trop d'estime…

      – En attendant, je suis à la porte, et demain un scandale affreux résultera d'une chose bien innocente. Oh! j'ai un ennemi près du roi; je le sais bien.

      – Vous avez un ennemi près du roi, petite sœur; c'est possible. Eh bien, moi, j'ai une idée.

      – Une idée? Voyons vite.

      – Une idée qui va rendre votre ennemi plus sot qu'un âne pendu à son licou.

      – Oh! pourvu que vous nous sauviez du ridicule de cette position, voilà tout ce que je vous demande.

      – Si je vous sauverai! je l'espère bien. Oh! je ne suis pas plus niais que lui, quoiqu'il soit plus savant que moi!

      – Qui, lui?

      – Eh! pardieu! M. le comte de Provence.

      – Ah! vous reconnaissez donc comme moi qu'il est mon ennemi?

      – Eh! n'est-il pas l'ennemi de tout ce qui est jeune, de tout ce qui est beau, de tout ce qui peut… ce qu'il ne peut pas, lui!

      – Mon frère, vous savez quelque chose sur cette consigne?

      – Peut-être; mais d'abord ne restons pas sous cette porte, il y fait un froid de loup. Venez avec moi, chère sœur.

      – Où cela?

      – Vous verrez; quelque part où il fera chaud, au moins; venez et en route je vous dirai ce que je pense à propos de cette fermeture de porte. Ah! monsieur de Provence, mon cher et indigne frère! Donnez-moi le bras, ma sœur; prenez mon autre bras, mademoiselle de Taverney, et tournons à droite.

      On se mit en marche.

      – Et vous disiez donc que M. de Provence?.. fit la reine.

      – Eh bien! voilà. Ce soir, après le souper du roi, il vint au grand cabinet; le roi avait beaucoup causé dans la journée avec le comte de Haga, et l'on ne vous avait pas vue.

      – À deux heures, je suis partie pour Paris.

      – Je le savais bien; le roi, permettez-moi de vous le dire, chère sœur, le roi ne songeait pas plus à vous qu'à Aroun-al-Raschild et à son grand vizir Giaffar; il causait géographie, je l'écoutais, assez impatient, car j'avais aussi à sortir, moi. Ah! pardon, nous ne sortions probablement pas pour la même cause, de sorte que j'ai tort…

      – Allez, allez toujours, dites…

      – Tournons à gauche.

      – Mais où me menez-vous?

      – À vingt pas. Prenez garde, il y a un tas de neige. Ah! mademoiselle de Taverney, si vous quittez mon bras, vous allez tomber, je vous en préviens. Bref, pour en revenir au roi, il ne songeait qu'à la latitude et à la longitude, lorsque M. de Provence lui dit: «Je voudrais bien cependant présenter mes hommages à la reine.»

      – Ah! ah! fit Marie-Antoinette.

      – La reine soupe chez elle, répondit le roi.

      – Tiens, je la croyais à Paris, ajouta mon frère.

      – Non, elle est chez elle, dit tranquillement le roi.

      – J'en sors, et l'on ne m'a point reçu, riposta M. de Provence.

      Alors je vis le sourcil du roi se froncer. Il nous congédia, mon frère et moi, et sans doute, nous partis, il s'informa. Louis est jaloux par boutades, vous le savez; il aura voulu vous voir, on lui aura refusé l'entrée, et il se sera douté de quelque chose.

      – Précisément, Mme de Misery en avait l'ordre.

      – C'est cela; et pour s'assurer de votre absence, le roi aura donné cette sévère consigne qui nous met dehors.

      – Oh! ceci, c'est un trait affreux, avouez-le, comte.

      – Je l'avoue; mais nous voici arrivés.

      – Cette maison…?

      – Vous déplaît-elle, ma sœur?

      – Oh! je ne dis pas cela; elle me charme, au contraire. Mais vos gens?

      – Eh bien!

      – S'ils me voient.

      – Ma sœur, entrez toujours, et je vous garantis que personne ne vous verra.

      – Pas même celui qui m'ouvrira la porte? demanda la reine.

      – Pas même celui-là.

      – Impossible.

      – Nous allons essayer, dit le comte d'Artois

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