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Le Collier de la Reine, Tome I. Dumas Alexandre
Читать онлайн.Название Le Collier de la Reine, Tome I
Год выпуска 0
isbn
Автор произведения Dumas Alexandre
Жанр Зарубежная классика
Издательство Public Domain
– Où cela?
– Mais dans l'antichambre.
– Il fait bien froid par là.
– Eh! tenez, justement on sonne, dit la jeune femme.
– Madame se trompe, dit la vieille, opiniâtre.
– Je l'avais cru, dame Clotilde.
Et, voyant que la vieille résistait, elle céda, grondant doucement, comme font les personnes qui, par une cause quelconque, ont laissé prendre sur elles par des inférieurs des droits qui ne devraient pas leur appartenir.
Puis elle se remit à son calcul.
– Huit louis, sur lesquels j'en dois trois dans le quartier.
Elle prit la plume et écrivit:
– Trois louis… Cinq promis à M. de La Motte pour lui faire supporter le séjour de Bar-sur-Aube. Pauvre diable! notre mariage ne l'a pas enrichi; mais patience!
Et elle sourit encore, mais en se regardant cette fois dans un miroir placé entre les deux portraits.
– Maintenant, continua-t-elle, courses de Versailles à Paris et de Paris à Versailles. Courses, un louis.
Et elle écrivit ce nouveau chiffre à la colonne des dépenses.
– La vie maintenant pour huit jours, un louis.
Elle écrivit encore.
– Toilettes, fiacres, gratifications aux suisses des maisons où je sollicite: quatre louis. Est-ce bien tout? Additionnons.
Mais, au milieu de son addition, elle s'interrompit.
– On sonne, vous dis-je.
– Non, madame, répondit la vieille, engourdie à sa place. Ce n'est pas ici; c'est dessous, au quatrième.
– Quatre, six, onze, quatorze louis: six de moins qu'il n'en faut, et toute une garde-robe à renouveler, et cette vieille brute à payer pour la congédier.
Puis, tout à coup:
– Mais je vous dis qu'on sonne, malheureuse! s'écria-t-elle en colère.
Et cette fois, il faut l'avouer, l'oreille la plus indocile n'eût pu se refuser à comprendre l'appel extérieur; la sonnette, agitée avec vigueur, frémit dans son angle et vibra si longtemps que le battant frappa les parois d'une douzaine de chocs.
À ce bruit, et tandis que la vieille, réveillée enfin, courait à l'antichambre, sa maîtresse, agile comme un écureuil, enlevait les lettres et les papiers épars sur la table, jetait le tout dans un tiroir, et, après un rapide coup d'œil lancé sur la chambre pour s'assurer que tout y était en ordre, prenait place sur le sofa dans l'attitude humble et triste d'une personne souffrante, mais résignée.
Seulement, hâtons-nous de le dire, les membres seuls se reposaient. L'œil, actif, inquiet, vigilant, interrogeait le miroir, qui reflétait la porte d'entrée, tandis que l'oreille aux aguets se préparait à saisir le moindre son.
La duègne ouvrit la porte, et l'on entendit murmurer quelques mots dans l'antichambre.
Alors une voix fraîche et suave, et cependant empreinte de fermeté, prononça ces paroles:
– Est-ce ici que demeure Mme la comtesse de La Motte?
– Mme la comtesse de La Motte Valois? répéta en nasillant Clotilde.
– C'est cela même, ma bonne dame. Mme de La Motte est-elle chez elle?
– Oui, madame, et trop souffrante pour sortir.
Pendant ce colloque, dont elle n'avait pas perdu une syllabe, la prétendue malade, ayant regardé dans le miroir, vit qu'une femme questionnait Clotilde, et que cette femme, selon toutes les apparences, appartenait à une classe élevée de la société.
Elle quitta aussitôt le sofa et gagna le fauteuil, afin de laisser le meuble d'honneur à l'étrangère.
Pendant qu'elle accomplissait ce mouvement, elle ne put remarquer que la visiteuse s'était retournée sur le palier et avait dit à une autre personne restée dans l'ombre:
– Vous pouvez entrer, madame, c'est ici.
La porte se referma, et les deux femmes que nous avons vues demander le chemin de la rue Saint-Claude venaient de pénétrer chez la comtesse de La Motte Valois.
– Qui faut-il que j'annonce à Mme la comtesse? demanda Clotilde en promenant curieusement, quoique avec respect, la chandelle devant le visage des deux femmes.
– Annoncez une dame des Bonnes-Œuvres, dit la plus âgée.
– De Paris?
– Non; de Versailles.
Clotilde entra chez sa maîtresse, et les étrangères, la suivant, se trouvèrent dans la chambre éclairée au moment où Jeanne de Valois se soulevait péniblement de dessus son fauteuil pour saluer très civilement ses deux hôtesses.
Clotilde avança les deux autres fauteuils, afin que les visiteuses eussent le choix, et se retira dans l'antichambre avec une sage lenteur, qui laissait deviner qu'elle suivrait derrière la porte la conversation qui allait avoir lieu.
Chapitre III
Jeanne de La Motte de Valois
Le premier soin de Jeanne de La Motte, lorsqu'elle put décemment lever les yeux, fut de voir à quels visages elle avait affaire.
La plus âgée des deux femmes pouvait, comme nous l'avons dit, avoir de trente à trente-deux ans; elle était d'une beauté remarquable, quoiqu'un air de hauteur répandu sur tout son visage dût naturellement ôter à sa physionomie une partie du charme qu'elle pouvait avoir. Du moins Jeanne en jugea ainsi par le peu qu'elle aperçut de la physionomie de la visiteuse.
En effet, préférant un des fauteuils au sofa, elle s'était rangée loin du jet de lumière qui s'élançait de la lampe, se reculant dans un coin de la chambre, et allongeant au-devant de son front la calèche de taffetas ouatée de son mantelet, laquelle, par cette disposition, projetait une ombre sur son visage.
Mais le port de la tête était si fier, l'œil si vif et si naturellement dilaté, que, tout détail fût-il effacé, la visiteuse, par son ensemble, devait être reconnue pour être de belle race, et surtout de noble race.
Sa compagne, moins timide, en apparence du moins, quoique plus jeune de quatre ou cinq ans, ne dissimulait point sa réelle beauté.
Un visage admirable de teint et de contour, une coiffure qui découvrait les tempes et faisait valoir l'ovale parfait du masque; deux grands yeux bleus calmes jusqu'à la sérénité, clairvoyants jusqu'à la profondeur; une bouche d'un dessin suave à qui la nature avait donné la franchise, et à qui l'éducation et l'étiquette avaient donné la discrétion; un nez qui, pour la forme, n'eût rien à envier à celui de la Vénus de Médicis, voilà ce que saisit le rapide coup d'œil de Jeanne. Puis, en s'égarant encore à d'autres détails, la comtesse put remarquer dans la plus jeune des deux femmes une taille plus fine et plus flexible que celle de sa compagne, une poitrine plus large et d'un galbe plus riche, enfin une main aussi potelée que celle de l'autre dame était à la fois nerveuse et fine.
Jeanne de Valois fit toutes ces remarques en quelques secondes, c'est-à-dire en moins de temps que nous n'en avons mis pour les consigner ici.
Puis, ces remarques faites, elle demanda doucement à quelle heureuse circonstance elle devait la visite de ces dames.
Les deux femmes se regardaient, et sur un signe de l'aînée:
– Madame, dit la plus jeune, car vous êtes mariée, je crois?
– J'ai l'honneur d'être la femme de M. le comte de La Motte, madame, un excellent gentilhomme.
– Eh bien, nous, madame la comtesse, nous sommes les dames supérieures d'une fondation de Bonnes-Œuvres. On nous a dit, touchant votre condition, des choses qui nous ont intéressées, et nous avons en conséquence voulu avoir quelques