ТОП просматриваемых книг сайта:
Le comte de Moret. Dumas Alexandre
Читать онлайн.Название Le comte de Moret
Год выпуска 0
isbn
Автор произведения Dumas Alexandre
Жанр Зарубежная классика
Издательство Public Domain
Souscarrières s'inclina.
– Le petit Lalande vous dit donc: «Pardieu, monsieur Souscarrières, vous êtes bien fait, vous avez de l'esprit, vous avez du cœur, vous êtes adroit au jeu, heureux en amour; il ne nous manque que la naissance, – je sais bien qu'on n'est pas le maître de choisir son père et sa mère; sans quoi, chacun voudrait avoir pour auteur de ses jours un pair de France, et pour mère une duchesse à tabouret. Mais quand on est riche, il y a toujours moyen de corriger ces petites irrégularités du hasard.» Je n'étais point là, mon cher monsieur Michel, mais je devine les yeux que vous fîtes à cette ouverture. Lalande continua: «Il n'y a qu'à choisir, vous comprenez, entre tous les grande seigneurs qui firent l'amour à madame votre mère, un qui soit médiocrement scrupuleux, M. de Bellegarde, par exemple; voici le temps du grand jubilé qui approche: votre mère, qui sera enchantée de faire de vous un gentilhomme, ira trouver M. le Grand et lui dira que vous êtes à lui et non au pâtissier, que sa conscience ne peut pas souffrir que vous ayez le bien d'un homme qui n'est pas votre père; comme il n'a pas grande mémoire, il ne se souviendra même pas s'il a été son amant ou non, et comme il y aura 30,000 fr. au bout de sa reconnaissance, il vous reconnaîtra.» N'est-ce point ainsi que la chose s'est passée.
– A peu près, Monseigneur, je dois le dire; seulement Votre Eminence a oublié une chose.
– Laquelle? Si ma mémoire m'a fait défaut, quoiqu'elle soit meilleure que celle de M. de Bellegarde, je suis prêt à reconnaître mon erreur.
– C'est qu'outre les cinq cent mille francs mentionnés par Votre Eminence, j'ai rapporté d'Angleterre l'invention des chaises à porteurs, pour lesquelles, depuis trois ans, je sollicite un brevet en France.
– Vous vous trompez, cher monsieur Michel, je n'ai oublié ni l'invention, ni la demande de brevet que vous m'avez adressée pour la faire valoir, et je vous ai envoyé chercher tout particulièrement, au contraire, pour vous parler de cela; mais chaque chose a son tour. L'ordre, a dit un philosophe, est la moitié du génie, nous n'en sommes encore qu'à votre mariage.
– Ne pourrions-nous nous dispenser de cela, monseigneur?
– Impossible, que deviendrait votre titre de marquis, puisqu'il vous fut donné par la duchesse Nicole de Lorraine, à propos de votre mariage? Il a couru sur vous et sur cette digne duchesse, à cette époque, beaucoup de bruits que vous vous êtes bien gardé de démentir, et quand elle est morte, il y a six mois, vous avez fait prendre le deuil à un bambin de cinq ans que vous avez; mais, comme chacun a le droit d'habiller ses enfants à sa fantaisie, je ne vous ferai point de remontrances à cet endroit-là.
– Monseigneur est bien bon, dit Souscarrières.
– Quoi qu'il en soit, vous revîntes de Lorraine avec une jeune fille que vous aviez enlevée, Mlle Anne de Rogers; vous la disiez fille d'un grand seigneur, et elle était tout simplement fille de la duchesse. Ce fut à l'occasion de votre mariage avec elle que vous fûtes, dites-vous, fait marquis de Montbrun; mais, pour que la promotion fût valable, il eût fallu que ce fût M. Michel qui fût fait marquis, et non M. de Bellegarde, puisque étant enfant adultérin, vous ne pouviez être reconnu, et que n'ayant pas le droit de vous appeler Bellegarde, on ne pouvait pas vous faire marquis sous ce nom qui n'est pas et qui ne peut pas être le vôtre.
– Monseigneur est bien dur pour moi.
– Tout au contraire, cher monsieur Michel, je suis doux comme sirop, et vous allez le voir.
Mme Michel, qui ne connaissait pas quel bonheur lui était tombé en partage d'épouser un homme tel que vous, Mme Michel se laissa cajoler par Villaudry, vous savez, Villaudry, le cadet de celui que Moissens a tué; vous eûtes vent de quelque chose et la voulûtes jeter dans le canal de Souscarrières; mais vous n'étiez pas bien sûr, et comme vous n'êtes pas au fond un méchant homme, vous attendîtes d'être plus assuré.
L'assurance vint à propos d'un bracelet de cheveux qu'elle donna à Villaudry; cette fois, comme vous aviez la preuve, une lettre écrite tout entière de sa main, qui ne vous laissait point de doute sur votre disgrâce, vous la menâtes dans le parc, et, tirant votre poignard, vous lui dîtes de prier Dieu. Cette fois, ce n'était point comme lorsque vous l'aviez menacée de la jeter dans le canal, et elle vit bien que ce n'était point pour rire.
Et, en effet, vous lui portâtes un coup qu'elle para heureusement avec la main, mais elle en eut deux doigts coupés. Voyant son sang, vous en eûtes pitié, lui fîtes grâce de la vie et la renvoyâtes en Lorraine. Quant à Villaudry, justement parce que vous aviez été clément avec votre femme, vous résolûtes d'être implacable avec lui, et comme il était à la messe aux Minimes de la place Royale, vous entrâtes dans l'église, lui donnâtes un soufflet et mîtes l'épée à la main. Mais lui ne voulut point commettre un sacrilége et garda la sienne au fourreau.
Il est vrai de dire qu'il ne se souciait pas fort de se battre avec vous, et qu'il dit même: «Je le poignarderais, si ma réputation était bien établie; mais, par malheur, elle ne l'est pas, ce qui fait que je dois me battre.» Et, en effet, il vous appela, et comme si vous étiez le véritable fils de M. de Bellegarde et que vous n'ayez pas plus de mémoire que lui, vous vous battîtes sur la place Royale, là même où s'étaient battus Bouteville et Beuvron; vous vous conduisîtes à merveille, je le sais, vous acceptâtes toutes les exigences de votre adversaire, et il en fut quitte pour six coups d'épée que vous lui donnâtes avec la pointe et autant de soufflets que vous lui donnâtes avec la lame.
Mais Bouteville, lui aussi, s'était conduit à merveille, ce qui n'empêcha pas que je lui fisse couper la tête, ce que j'eusse fait aussi pour vous, si au lieu d'être M. Michel tout court, vous eussiez été réellement Pierre de Bellegarde, marquis de Montbrun, seigneur de Souscarrières; car, de plus que Bouteville, vous aviez tiré l'épée dans une église, ce qui fait qu'on vous eût coupé le poing avant de vous couper la tête; vous entendez, mon cher monsieur Michel.
– Oui, pardieu, monseigneur, j'entends, répondit Souscarrières, et je dois dire que j'ai, dans ma vie, entendu des conversations qui m'ont plus réjoui que celle-là.
– D'autant mieux que vous n'êtes pas au bout, et que ce soir encore vous êtes retombé dans la récidive avec ce pauvre marquis Pisani; en vérité, il faut être endiablé pour se battre avec un pareil polichinelle.
– Eh! monseigneur, ce n'est pas moi qui me suis battu avec lui, c'est lui qui s'est battu avec moi.
– Voyons: ce pauvre marquis n'était-il pas assez malheureux de ne pas avoir ses entrées dans la rue de la Cerisaie, comme vous et le comte de Moret y avez les vôtres.
– Comment, monseigneur, vous savez…
– Je sais que, si la pointe de votre épée n'avait pas rencontré le sommet de sa bosse, et s'il n'avait pas eu la chance d'avoir les côtes imbriquées les unes sur les autres de manière que le fer a glissé comme sur une cuirasse, il était cloué comme un scarabée contre la muraille: vous êtes donc une bien mauvaise tête, cher monsieur Michel.
– Je vous jure, monseigneur, que je ne lui ai aucunement cherché querelle, tout le monde vous le dirai; seulement, j'étais échauffé d'avoir couru depuis la rue de l'Homme-Armé jusqu'à la rue du Louvre.
A ces mots de la rue de l'Homme-Armé; Richelieu ouvrit à la fois les yeux et les oreilles.
– Il était échauffé, lui, continua Souscarrières, d'une querelle qu'il avait prise dans un cabaret.
– Oui, dit Richelieu, qui marchait comme en plein jour dans le chemin que Souscarrières, sans s'en douter, venait de lui ouvrir, dans le cabaret de l'Homme-Armé…
– Monseigneur! s'écria Souscarrières étonné…
– … Où il était allé, continua Richelieu au risque de