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! Les roues de la faucheuse tournaient dans le vide, sautaient sur place et commençaient doucement à s’enfoncer dans la terre. Nous disposions sur la remorque d’un essieu supplémentaire de récupération pour le chariot. Je l’avais gardé parce que j’étais persuadé qu’il servirait un jour. Et ce jour était arrivé ! Nous le fixâmes sous le cadre du treuil. Ainsi, seul l’arrière de ce dernier traînait encore sur le sol. Alors que j’appuyais de toutes mes forces sur les longerons de la motofaucheuse, Ludwig faisait levier avec une grande branche pour faire avancer l’arrière du treuil. C’est comme ça que nous entamâmes la montée de la côte, 10 centimètres par 10 centimètres. La première partie, la plus raide, était la plus difficile. Une fois celle-ci franchie et la maison en vue, nous nous écroulâmes d’abord dans l’herbe. Nous y restâmes allongés un moment, en haletant.

      Ensuite, nous nous mîmes à remonter la côte, étape par étape. Le moteur sentait l’huile chaude, nous dégoulinions de sueur et étions à bout de souffle. Mais il nous fallait monter ces pièces, sinon il nous serait impossible de transporter quoi que ce soit car il n’y avait aucun accès pour un véhicule. Heureusement ! Car sinon le bien aurait coûté le double et il aurait été vendu à de riches Allemands travaillant chez Airbus à Toulouse, comme résidence secondaire. Deux heures plus tard, nous avions réussi ! Le treuil se trouvait dans la cour, nous éteignîmes le moteur et nous affalâmes par terre. Nous étions à bout. Aucun de nous n’avait jamais réalisé une telle épreuve de force auparavant ! Notre tête vrombissait, notre cœur battait comme un compacteur dans notre poitrine, l’air sifflait en entrant et sortant de notre gorge endolorie. Notre bouche était pâteuse et nous y ressentions un goût amer. Nous étions trempés de sueur. Nous restâmes allongés là sans dire un mot, épuisés, pendant dix bonnes minutes. Mais le corps est un bon esclave ! Après un quart d’heure, il se soumit de nouveau, fidèle, à notre volonté et se redressa.

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      D’ici nous pouvions enfin bien voir le futur tracé du câble. Nous ancrâmes le châssis du treuil avec une barre en métal que nous enfonçâmes aussi profondément que possible dans le sol légèrement humide à l’aide de la masse. A deux, nous montâmes le support de la motofaucheuse. Il s’agissait d’une construction en poutres de bois sur laquelle on pouvait poser la faucheuse en entier afin que celle-ci ne se mette pas à rouler toute seule. A la place de la barre de coupe, nous avions fixé une platine à laquelle était soudé un tube dans lequel se trouvait un embout de prise de force logé dans des roulements à billes. Nous avions construit ça avec un mécanicien à la Baywa, un concessionnaire de machines agricoles. Il s’agissait de pièces de ferraille que nous avions découpées et adaptées les unes aux autres. Nous avons relié cet embout au treuil au moyen d’un cardan de tracteur. Ça pouvait enfin commencer ! J’avais mis le treuil en roue libre et nous avons traîné le bout du câble en acier long de 300 mètres dans le vallon. Le câble devait faire un coude à deux endroits à cause de la forme du terrain. Là, nous enfonçâmes des piquets dans la terre à coups de masse, jusqu’à ce qu’ils ne dépassent plus que de dix centimètres hors du sol. La corde de 8 millimètres d’épaisseur passait autour de ces piquets, et descendait jusqu’à la route dans le vallon, où se trouvaient les véhicules.

      *

      A deux nous libérâmes le chariot en forme de cercueil du véhicule et l'accrochâmes au câble. J’espérais que les pneus résisteraient aux ronces qui poussaient au bord du chemin ! Nous chargeâmes le chariot de petites affaires afin de ne pas le faire monter à vide. A trois endroits différents du timon se trouvaient des anneaux où on pouvait accrocher la corde de traction. Cela devait aider à le diriger. Peut-être qu’ainsi la charrette pourrait, du moins en montée, avancer sans que personne ne la dirige par la barre ? J’avais prévu deux klaxons à poires de caoutchouc pour qu'on puisse communiquer. J’avais dévissé les balles en caoutchouc parce qu'il était plus facile de se faire comprendre en soufflant directement dedans. Nous nous mîmes d’accord : Trois coups brefs, émis en haut – Attention, ça va bientôt démarrer ! 1 long coup, d’en bas – tout baigne ! Plusieurs coups brefs – attendre encore un peu. 1 coup long, en haut – ça va partir !

      Je montai vite à pied et après avoir échangé les signaux, je mis le moteur en marche. Maintenant il était impossible de communiquer. De plus, je n’y voyais rien sur les 15 premiers mètres. Par précaution, j’avais ajouté une rallonge au timon du chariot côté vallon, afin que le « conducteur », au cas où celui-ci glisserait, ne tombe pas devant le chariot. Doucement, j’abaissai le levier d’embrayage du treuil qui était équipé d’un poids réglable. Celui-ci poussait le cylindre du tambour, qui contenait le câble avec son côté en forme de cône, dans le côté également conique de la roue motrice qui se trouvait en mouvement continu. Le câble de traction se tendit progressivement. Le fil s’enroulait autour du tambour dans un bruit grinçant. Le poids agissait maintenant sur le levier, de sorte que la transmission et le tambour restent couplés et je pouvais, au moyen d’un gros bâton, diriger un peu la corde pour que celle-ci s’enroule de façon homogène. Petit à petit je pouvais voir Ludwig en bas, au premier virage, et aussi le chariot. Est-ce que ça allait marcher ? Est-ce que le câble allait tenir, même si quelque chose se mettait à coincer ? L’avenir allait nous le dire !

      Maintenant nous avions un contact visuel et c’était plus facile. Contre toute attente, tout se passa pour le mieux ! Bientôt la première cargaison se trouvait devant la maison. La corde remplissait sacrément le tambour, presque trop. Comme celle-ci était trop longue de 30 mètres, nous la raccourcîmes. Les piquets devaient être aussi enfoncés plus profondément dans la terre, parce que les essieux du chariot les touchaient. Grâce à cet essai, nous pûmes également voir à quels endroits il fallait légèrement niveler le terrain pour que le chargement ne puisse pas se renverser. Mais nous repoussâmes cela au lendemain. Nous étions crevés et rêvions d’une douche avec l’arrosoir, d’un repas et de sommeil !

      Le lendemain, nous montâmes le reste du déménagement de la voiture jusqu’à la maison. Parmi les affaires qui étaient stockées au village, nous n’allâmes chercher que celles dont nous aurions besoin pour continuer les travaux à la maison. Le jour suivant, nous coupâmes encore d’autres ronces en face de notre « station en aval » et y garâmes notre caravane. Ainsi on évitait les longs déplacements. Nous rendîmes visite aux anciens propriétaires. Ceux-ci nous invitèrent à dîner. Mais nous devions venir plus tôt parce qu’ils voulaient nous présenter à un propriétaire de scierie de la vallée qui possédait également un commerce de matériaux de construction. Son affaire qui se trouvait deux villages en-dessous de nous était, comme beaucoup d’autres, déjà fermée depuis un moment. La nouvelle affaire, plus moderne, se trouvait à coté de St-Girons. Le commerçant nous promit des prix bas si nous prenions tout chez lui. Pour tester ses paroles, je commandai tout de suite quelques poutres pour la semaine suivante et achetai une palette de ciment que nous répartîmes, à cause de son poids, entre la remorque et le Combi. Grâce à la facture, je pouvais ensuite comparer les prix auprès des autres commerçants. Et surprise, ceux-ci étaient réellement bon marché !

      Une partie des terres avec le tracé du câble :

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      Environ 50 mètres derrière notre « station aval », un ruisseau coulait depuis nos terres. Quelqu'un y avait fait un barrage au moyen d’un tronc d’arbre disposé en travers. C’est là que nous puisions notre eau. Et c’est là que Jean-Paul, le garçon rondouillard du village aux cheveux ébouriffés venait faire boire ses vaches deux fois par jour. Sinon celles-ci restaient dans une petite grange en face de chez Fernand, le voisin en bleu de travail qui se plaignit auprès de nous que l’urine des bêtes dégoulinait sur le chemin et lui rendait la vie difficile. Chaque matin et chaque soir le même rituel. Jean-Paul donnait du foin aux bêtes et sortait le fumier devant la porte. Puis elles devaient d’abord finir de manger. Pendant ce temps, il nous espionnait. Nous ne le voyions pas, mais nous le sentions, surtout son tabac infâme. Puis, soudain, il

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