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et le contentement ne germe-t-il pas avec l’espérance dans ses sillons?

      La misère, qu’on vous dit être irrémédiable, vous avez au contraire à y emédier. Et puisque l’obstacle n’est pas dans la nature, mais dans les hommes, vous le pourrez sitôt que vous le voudrez; car ceux dont l’intérêt, tel qu’il le comprennent faussement, seroit de vous en empêcher, que sont-ils près de vous? quelle est leur force? Vous êtes cent contre chacun d’eux.

      Si jusqu’ici vous n’avez recueilli que si peu de fruit de vos efforts, comment s’en étonner? Vous aviez en main ce qui renverse, vous n’aviez pas dans le cœur ce qui fonde. La justice vous a manqué quelquefois, la charité toujours.

      Vous aviez à défendre votre droit: vous avez, ou l’on a souvent attaqué en votre nom le droit d’autrui. Vous aviez à établir la fraternité sur la terre, le règne de Dieu et le règne de l’amour: au lieu de cela, chacun n’a pensé qu’à soi, chacun n’a eu en vue que son intérêt propre. La haine et l’envie vous ont animés. Sondez votre âme, et presque tous vous y trouverez cette pensée secrète: «Je travaille et je souffre, celui-là est oisif et regorge de jouissances. Pourquoi lui plutôt que moi?» Et le désir que vous nourrissez seroit d’être à sa place, pour vivre comme lui et agir comme lui.

      Or, ce ne seroit pas là détruire le mal, mais le perpétuer. Le mal est dans l’injustice, et non en ce que ce soit celui-ci plutôt que celui-là qui profite de l’injustice.

      Voulez-vous réussir? faites ce qui est bon par de bons moyens. Ne confondez pas la force que dirigent la justice et la charité avec la violence brutale et féroce.

      Voulez-vous réussir? pensez à vos frères autant qu’à vous. Que leur cause soit votre cause, leur bien votre bien, leur mal votre mal. Ne vous voyez vous-mêmes et ne vous sentez qu’en eux. Que votre insouciance se transforme en sympathie profonde, et votre égoïsme en dévouement. Alors vous ne serez plus des individus dispersés dont quelques-uns mieux unis font tout ce qu’ils veulent. Vous serez un, et quand vous serez un, vous serez tout; et qui désormais s’interposera entre vous et le but que vous voulez atteindre? Isolés à présent parce que chacun ne s’occupe que de soi, de ses fins personnelles, on vous oppose les uns aux autres, on vous maîtrise les uns par les autres: quand vous n’aurez qu’un intérêt, une volonté, une action commune, où est la force qui vous vaincra?

      Mais comprenez bien quelle tâche est la vôtre, sans quoi vous échoueriez toujours.

      Ce n’est point de vous faire individuellement un sort meilleur; car la masse resteroit également souffrante, et rien ne seroit changé dans le monde. Le bien et le mal y subsisteroient en même proportion; ils y seroient seulement, quant aux personnes, distribués différemment. L’un monteroit, l’autre descendroit, et ce seroit tout.

      Ce n’est point de substituer une domination à une autre domination. Qu’importe qui domine? Toute domination implique des classes distinctes, par conséquent des privilèges, par conséquent un assemblage d’intérêts qui se combattent, et, en vertu des lois faites par les classes élevées pour s’assurer les avantages de leur position supérieure, le sacrifice de tous ou de presque tous à quelques-uns. Le peuple est comme l’engrais de la terre où elles prennent racine.

      Votre tâche, la voici; elle est grande. Vous avez à former la famille universelle, à construire la Cité de Dieu, à réaliser progressivement, par un travail ininterrompu, son œuvre dans l’humanité.

      Lorsque, vous aimant les uns les autres comme des frères, vous vous traiterez mutuellement en frères; que chacun, cherchant son bien dans le bien de tous, unira sa vie à la vie de tous, ses intérêts à l’intérêt de tous, prêt sans cesse à se dévouer pour tous les membres de la commune famille, également prêts eux-mêmes à se dévouer pour lui, la plupart des maux sous le poids desquels gémit la race humaine disparoîtront, comme les vapeurs qui chargent l’horizon se dissipent au lever du soleil; et ce que Dieu veut s’accomplira, car sa volonté est que l’amour unissant peu à peu, d’une manière toujours plus intime, les éléments épars de l’humanité, et les organisant en un seul corps, elle soit une comme lui-même est un.

       Table des matières

      Vous connoissez maintenant le but où vous devez tendre. La nature vous dirige vers lui, vous presse incessamment de l’atteindre, en-vous inspirant le désir invincible d’être délivrés des maux qui de toutes parts vous assiègent, le désir d’un état meilleur, et qui ne peut être meilleur pour vous qu’il ne le soit aussi pour vos frères. Ainsi, en travaillant pour eux, vous travaillerez pour vous; et vous ne pouvez travailler avec fruit pour vous, qu’en travaillant pour eux avec un amour que rien ne lasse.

      Ce n’est pas tout, cependant, de connoître le but que vous a marqué le Créateur; il est nécessaire de savoir encore par quels moyens vous y parviendrez, sans quoi vos efforts seroient stériles. Pauvres voyageurs fatigués, vous aspirez au gîte du soir; apprenez-en la route.

      Je vous dirai toute la vérité, parce que c’est elle qui sauve. Il y en a qui croient bon de la voiler: ce sont ou des imposteurs, ou des timides que Dieu effraie; car la vérité c’est Dieu même, et la voiler c’est voiler Dieu.

      La sagesse qui préside à la vie humaine et l’empêche d’errer au hasard, consiste dans la connoissance et dans la pratique des vraies lois de l’humanité; et l’ensemble de ces lois dont se compose l’ordre moral, est ce qu’on appelle droit et devoir.

      Plusieurs ne vous parlent que de vos devoirs; d’autres ne vous parlent que de vos droits. C’est séparer dangereusement ce qui de fait est inséparable. Il faut que vous connoissiez et vos devoirs et vos droits, pour défendre ceux-ci, pour accomplir ceux-là. Jamais vous ne sortirez autrement de votre misère.

      Le droit et le devoir sont comme deux palmiers qui ne portent point de fruit s’ils ne croissent à côté l’un de l’autre.

      Votre droit c’est vous, votre vie, votre liberté.

      Est-ce que chacun n’a pas le droit de vivre, le droit de conserver ce qu’il tient de Dieu?

      Est-ce que chacun n’a pas le droit d’exercer sans obstacle et de développer ses facultés tant spirituelles que corporelles, afin de pourvoir à ses besoins, d’améliorer sa condition, de s’éloigner toujours plus de la brute, et de s’approcher toujours plus de Dieu?

      Est-ce qu’on peut justement retenir un pauvre être humain dans son ignorance et dans sa misère, dans son dénuement et son abaissement, lorsque ses efforts pour en sortir ne nuisent à personne, ou ne nuisent qu’à ceux qui fondent leur bien-être sur l’iniquité en le fondant sur le mal des autres?

      La colère de ces hommes mauvais, lorsque le faible secoue les chaînes qui l’étreignent, n’est-ce pas la colère de la bête féroce contre sa victime qui se débat? Et leurs plaintes, ne sont-ce pas les plaintes du vautour à qui sa proie échappe?

      Or, ce qui est vrai de chacun est vrai de tous. Tous doivent vivre, tous doivent jouir d’une légitime liberté d’action, pour accomplir leur fin en se développant et se perfectionnant sans cesse. On doit donc mutuellement respecter le droit les uns des autres, et c’est là le commencement du devoir, la justice.

      Mais la justice ne suffiroit pas aux besoins de l’humanité. Chacun, sous son empire, jouiroit à la vérité pleinement de son droit, mais resteroit isolé dans le monde, privé des secours et de l’aide perpétuellement nécessaires à tous. Un homme manqueroit-il de pain, on diroit: «Qu’il en cherche; est-ce que je l’en empêche? Je ne lui ai point enlevé ce qui étoit à lui. Chacun chez soi et chacun pour soi.» On répéteroit le mot de Caïn: «Suis-je chargé de

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