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de son supérieur, puis, hochant la tête, il prononça :

      – Je crois que l’on fait fausse route en s’obstinant à fouiller le château. La solution est ailleurs.

      – Et où donc ?

      – Auprès d’Arsène Lupin.

      – Auprès d’Arsène Lupin ! Supposer cela, c’est admettre son intervention.

      – Je l’admets. Bien plus, je la considère comme certaine.

      – Voyons, Ganimard, c’est absurde. Arsène Lupin est en prison.

      – Arsène Lupin est en prison, soit. Il est surveillé, je vous l’accorde. Mais il aurait les fers aux pieds, les cordes aux poignets et un bâillon sur la bouche, que je ne changerais pas d’avis.

      – Et pourquoi cette obstination ?

      – Parce que, seul, Arsène Lupin est de taille à combiner une machination de cette envergure, et à la combiner de telle façon qu’elle réussisse… comme elle a réussi.

      – Des mots, Ganimard !

      – Qui sont des réalités. Mais voilà, qu’on ne cherche pas de souterrain, de pierres tournant sur un pivot, et autres balivernes de ce calibre. Notre individu n’emploie pas des procédés aussi vieux jeu. Il est d’aujourd’hui, ou plutôt de demain.

      – Et vous concluez ?

      – Je conclus en vous demandant nettement l’autorisation de passer une heure avec lui.

      – Dans sa cellule ?

      – Oui. Au retour d’Amérique nous avons entretenu, pendant la traversée, d’excellents rapports, et j’ose dire qu’il a quelque sympathie pour celui qui a su l’arrêter. S’il peut me renseigner sans se compromettre, il n’hésitera pas à m’éviter un voyage inutile.

      Il était un peu plus de midi lorsque Ganimard fut introduit dans la cellule d’Arsène Lupin. Celui-ci, étendu sur son lit, leva la tête et poussa un cri de joie.

      – Ah ! Ca, c’est une vraie surprise. Ce cher Ganimard, ici !

      – Lui-même.

      – Je désirais bien des choses dans la retraite que j’ai choisie… mais aucune plus passionnément que de t’y recevoir.

      – Trop aimable.

      – Mais non, mais non, je professe pour toi la plus vive estime.

      – J’en suis fier.

      – Je l’ai toujours prétendu : Ganimard est notre meilleur détective. Il vaut presque – tu vois que je suis franc – il vaut presque Sherlock Holmes. Mais, en vérité, je suis désolé de n’avoir à t’offrir que cet escabeau. Et pas un rafraîchissement ! Pas un verre de bière ! Excuse-moi, je suis là de passage.

      Ganimard s’assit en souriant, et le prisonnier reprit, heureux de parler :

      – Mon Dieu, que je suis content de reposer mes yeux sur la figure d’un honnête homme ! J’en ai assez de toutes ces faces d’espions et de mouchards qui passent dix fois par jour la revue de mes poches et de ma modeste cellule, pour s’assurer que je ne prépare pas une évasion. Fichtre, ce que le gouvernement tient à moi !…

      – Il a raison.

      – Mais non ! Je serais si heureux qu’on me laissât vivre dans mon petit coin !

      – Avec les rentes des autres.

      – N’est-ce pas ? Ce serait si simple ! Mais je bavarde, je dis des bêtises, et tu es peut-être pressé. Allons au fait, Ganimard ! Qu’est-ce qui me vaut l’honneur d’une visite ?

      – L’affaire Cahorn, déclara Ganimard, sans détour.

      – Halte-là ! Une seconde… C’est que j’en ai tant, d’affaires ! Que je trouve d’abord dans mon cerveau le dossier de l’affaire Cahorn… Ah ! Voilà, j’y suis. Affaire Cahorn, château du Malaquis, Seine-Inférieure… Deux Rubens, un Watteau, et quelques menus objets.

      – Menus !

      – Oh ! Ma foi, tout cela est de médiocre importance. Il y a mieux. Mais il suffit que l’affaire t’intéresse… Parle donc, Ganimard.

      – Dois-je t’expliquer où nous en sommes de l’instruction ?

      – Inutile. J’ai lu les journaux de ce matin. Je me permettrai même de te dire que vous n’avancez pas vite.

      – C’est précisément la raison pour laquelle je m’adresse à ton obligeance.

      – Entièrement à tes ordres.

      – Tout d’abord ceci : l’affaire a bien été conduite par toi ?

      – Depuis A jusqu’à Z.

      – La lettre d’avis ? le télégramme ?

      – Sont de ton serviteur. Je dois même en avoir quelque part les récépissés.

      Arsène ouvrit le tiroir d’une petite table en bois blanc qui composait, avec le lit et l’escabeau, tout le mobilier de la cellule, y prit deux chiffons de papier et les tendit à Ganimard.

      – Ah ! Ca mais, s’écria celui-ci, je te croyais gardé à vue et fouillé pour un oui ou pour un non. Or tu lis les journaux, tu collectionnes les reçus de la poste…

      – Bah ! Ces gens sont si bêtes ! Ils décousent la doublure de ma veste, ils explorent les semelles de mes bottines, ils auscultent les murs de cette pièce, mais pas un n’aurait l’idée qu’Arsène Lupin soit assez niais pour choisir une cachette aussi facile. C’est bien là-dessus que j’ai compté.

      Ganimard, amusé, s’exclama :

      – Quel drôle de garçon ! Tu me déconcertes. Allons, raconte-moi l’aventure.

      – Oh ! Oh ! Comme tu y vas ! T’initier à tous mes secrets… te dévoiler mes petits trucs… C’est bien grave.

      – Ai-je eu tort de compter sur ta complaisance ?

      – Non, Ganimard, et puisque tu insistes…

      Arsène Lupin arpenta deux ou trois fois sa chambre, puis s’arrêtant :

      – Que penses-tu de ma lettre au baron ?

      – Je pense que tu as voulu te divertir, épater un peu la galerie.

      – Ah ! Voilà, épater la galerie ! Eh bien, je t’assure, Ganimard, que je te croyais plus fort. Est-ce que je m’attarde à ces puérilités, moi, Arsène Lupin ! Est-ce que j’aurais écrit cette lettre, si j’avais pu dévaliser le baron sans lui écrire ? Mais comprends donc, toi et les autres, que cette lettre est le point de départ indispensable, le ressort qui a mis toute la machination en branle. Voyons, procédons par ordre, et préparons ensemble, si tu veux, le cambriolage du Malaquis.

      – Je t’écoute.

      Donc, supposons un château rigoureusement fermé, barricadé, comme l’était celui du baron Cahorn. Vais-je abandonner la partie et renoncer à des trésors que je convoite, sous prétexte que le château qui les contient est inaccessible ?

      – Évidemment non.

      – Vais-je tenter l’assaut comme autrefois, à la tête d’une troupe d’aventuriers ?

      – Enfantin !

      – Vais-je m’y introduire sournoisement ?

      – Impossible.

      – Reste un moyen, l’unique à mon avis, c’est de me faire inviter par le propriétaire dudit château.

      – Le moyen est original.

      – Et combien facile ! Supposons qu’un jour, ledit propriétaire reçoive une lettre, l’avertissant de ce que trame contre lui un nommé Arsène Lupin, cambrioleur

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